in les rencontres de l’ozp n°96 – septembre 2012 :
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Compte rendu de la réunion publique du 26 septembre 2012
Cette rencontre a lieu précisément le jour où la concertation qui devrait déboucher sur une refondation de l’éducation prioritaire se termine et où par ailleurs paraît le dossier « Quelle éducation prioritaire ? » dans le numéro 499 des Cahiers Pédagogiques http://www.ozp.fr/?p=12557
L’hypothèse de départ de ce dossier a été suggérée au regard des rapports d’activités envoyés par les référents, des journées nationales et des séminaires de l’OZP, mais également des rapports d’Inspection générale et de la recherche : « Là où l’éducation prioritaire a fonctionné normalement, malgré le silence de l’institution – ou pire malgré le brouillage de ses objectifs – ses dispositifs (le réseau écoles-collège, le partenariat avec le milieu environnant, le projet) et ses personnels spécifiques ont réalisé des avancées significatives. Ces avancées montrent qu’il est possible de sortir de leur marasme les territoires où le service public n’est pas en mesure d’accomplir sa mission. Plus généralement, elles peuvent aussi, hors de ces territoires, contribuer au traitement de la difficulté scolaire et sociale. »
Cependant, la réalisation de ce dossier a été traversée de débats par ailleurs identiques à ceux menés lors de la concertation.
Quelques illustrations :
1) Ce qui a été réussi en éducation prioritaire est-il vraiment significatif ? Ou bien les réussites sontelles partielles, précaires, liées seulement à l’engagement de quelques acteurs ou parfois d’animateurs charismatiques ?
2) Le périmètre de l’éducation prioritaire, c’est 250 réseaux ou 1000 ? Si c’est 250, s’agit-il de concentrer les moyens budgétaires ou bien de mener une action forte et exigeante dans un petit nombre de territoires ?
3) Que veut dire « adosser l’éducation prioritaire à la transformation d’ensemble du système ? » L’éducation prioritaire peut elle être à part ? Une sorte de RASED à l’échelle d’un quartier ?
4) Enfin, une position qui n’a pas fait problème entre les rédacteurs du dossier mais qui néanmoins semble dominer : « l’éducation prioritaire, c’est donner plus à ceux qui ont moins.» Point final. Les moyens seraient au service de la diminution des effectifs par classe.
Pour Brigitte D’Agostini, coordonnatrice jusqu’à la dernière rentrée sur le réseau Desnos à Orly, pointe les avancées significatives qui ont eu lieu sur l’ensemble de ce réseau, de la maternelle jusqu’au collège. Ces avancées sont dues à de multiples facteurs : un pilotage fort du principal de collège et de l’IEN, des professeurs référents stables, des assistants pédagogiques impliqués, et une IA-IPR très présente depuis deux ans. Cette année, le collège enregistre un taux de réussite au DNB qui satisfait une équipe qui construit depuis 6 ans un travail collectif. Mais avant d’y arriver , que d’obstacles à franchir ! Une mise en oeuvre précipitée, un recrutement effectué dans un climat d’hostilité des professeurs du collège qui n’avaient aucune envie de travailler avec des professeurs des écoles, d’ouvrir leur porte et de parler pédagogie ensemble. Les référents, soutenus constamment par les pilotes du réseau, après « avoir fait plus de la même chose », (cf. Michel Janosz, chercheur canadien qui utilise cette expression), ont commencé à proposer un travail commun, dans le primaire, qui a pu ensuite convaincre certains enseignants de collège, avant que l’appui d’un IPR ne permette un engagement plus large des enseignants du collège et d’autres professionnels tels que CPE, responsables CDI, etc.
Pour une description détaillée, on se reportera aux 4 articles publiés par cette équipe dans le Dossier et au compte rendu de la Rencontre du 9 mai 2012 où professeurs référents et coordonnatrice avaient décrit leur action pédagogique. http://www.ozp.fr/?p=12030
En 2011, le passage en Eclair déclenchera une nouvelle crise qui sera aussi surmontée, grâce à l’engagement et à la pugnacité des personnels.
[Commentaire du rédacteur : Dans ce réseau, il a fallu réunir l’engagement des personnels, l’action des pilotes et l’accompagnement des inspecteurs. Les initiatives nationales (lancement précipité des RAR en 2006, passage en Clair, puis Eclair) ont déclenché des résistances et créé des perturbations qui auraient pu faire tout échouer. On comprend que dans ces conditions les exemples de réussites significatives ne soient pas si nombreux.]
Jean Michel Zakhartchouk, animateur des CRAP (centre de recherches et d’actions pédagogiques), auteur d’un article dans le Dossier sur le maintien des exigences (cf. la version numérique sur le site des Cahiers, qui contient plus d’exemples), commente des exemples d’élèves de son collège qui ont eu de bonnes notes alors que leurs compétences réelles étaient faibles.
Lui qui avait coordonné en 1982 le premier dossier des Cahiers sur les ZEP, ne renonce pas à l’idée des ZEP « laboratoires de la réussite ». Ce que l’on réussit avec des élèves en difficulté, a fortiori on peut le réussir ailleurs.
Ne pas renoncer aux exigences, ne pas faire réussir pour réussir ; certes il ne pas décourager les élèves mais ne pas non plus les tromper. Le socle est exigeant. Mais le ministère, pour satisfaire aux exigences de la LOLF sur la proportion d’élèves ayant acquis le socle, a organisé une évaluation qui est un scandale, confortant ainsi l’image d’un socle commun des pauvres.
L’approche par compétences demande une pédagogie rigoureuse. Une compétence, ce n’est pas un exercice, ni pour son acquisition, ni pour sa validation. Les élèves aiment qu’on leur donne des exercices, ils ont l’impression d’avancer, mais c’est une escroquerie.
Un socle commun exigeant est au coeur de la réflexion sur l’éducation prioritaire.
Philippe Pradel, principal du collège Françoise Dolto et coordonnateur du Dossier, plaide la cause de ces 800 réseaux, « orphelins de l’éducation prioritaire » depuis 2006 : leur dotation leur permet de maintenir leur classes à un effectif de 25, mais rien de plus !
Pour lui, le socle commun est un objectif ambitieux, ce n’est pas le SMIC. Aujourd’hui, on en est encore loin avec beaucoup d’élèves. Pour y arriver, des changements importants sont nécessaires.
Marc Douaire : L’éducation prioritaire ne peut pas être un mode de traitement spécifique des élèves des milieux populaires. La réussite de ceux-ci relève du rôle de l’école républicaine, qui doit être refondée pour répondre aux besoins de ces élèves. La refondation de l’éducation prioritaire doit être adossée à cette refondation de l’ensemble du système. En faire un domaine à part serait de la discrimination positive à l’envers.
Mais par ailleurs, dans certains territoires où le service public ne peut pas remplir sa mission, il faut un dispositif spécifique pour prendre en charge aussi bien les conséquences des difficultés sociales que les difficultés scolaires.
Puis, Marc Douaire dresse le bilan des points de vue exprimés par la majorité des participants à la concertation (sous-groupe « Une école plus juste pour tous les territoires) qui s’est achevé le matin même )
Les points d’accord :
1. Majoritairement : pas de remise en cause du concept même d’éducation prioritaire. Des questions sur la labellisation. Exigence d’une évaluation régulière et transparente.
2. Fin de l’empilement des dispositifs (Educationn nationale et politique de la Ville).
3. Nécessité d’un pilotage national, ministériel et interministériel.
4. Affirmation du caractère territorial de l’éducation prioritaire : pas d’école repliée sur elle-même.
5. Primauté du réseau école/collège comme unité de base d’une politique scolaire avec copilotage par le pricipal et l’IEN.
6. Importance des enjeux du premier degré. Préscolarisation à deux ans mais dans de bonnes conditions (en lien avec les collectivités locales).
7. Evaluation régulière, transparence des critères de la carte, contractualisation sur 4 ou 5 ans.
8. Nécessité de renforcer l’accompagnement et la formation continue des équipes
9. Reconnaissance du rôle du coordonnateur: fonction indispensable pour assurer le lien entre l’école et les partenaires
10. Exigence d’une prise en compte de l’évolution du métier d’enseignant. En EP, il ne peut reposer sur le seul militantisme mais intégrer dans le service le travail en équipe, la concertation, le suivi des parents…
11. L’idée d’une répartition inégalitaire des moyens selon des critères sociaux et scolaires a fait son chemin. C’est un objectif vers lequel on doit tendre. Elle étendrait à l’ensemble du système éducatif le principe « donner plus à ceux qui ont moins ». L’OZP l’avait inscrite dans son Manifeste de 2006.
Jean-Yves Rochex l’a développée dans la concertation comme une condition de réforme de la carte scolaire.
Aujourd’hui avec le « plus de maîtres que de classes dans les écoles » ou la modulation de la dotation horaire globale (DHG) en collège, cela se fait déjà. Il s’agit d’amplifier le processus et d’en faire un principe de base de la gestion des moyens.
Des points en débat – On n’a peu parlé d’Eclair dans cette concertation. L’appellation de préfet des études est rejetée mais la fonction de coordonnateur de niveau est peut être utile. Refus majoritaire du profilage des postes.
L’OZP est défavorable au profilage général, mais les postes essentiels doivent être confiés à des professionnels convaincus, et « c’est suffisant ».
– L’hypothèse d’une amélioration des conditions de travail plutôt que d’une compensation financière progresse.
– La question des moyens et de la priorité à la diminution des effectifs par classe est un point de clivage fort. L’OZP ne veut pas séparer la question des effectifs et celle d’une évolution du système et défend les fonctions spécifiques (coordonnateurs et professeurs référents).
– Le périmètre de l’éducation prioritaire est à définir. L’idée d’un noyau dur de l’EP est généralement acceptée mais pas forcément l’idée d’un dispositif fort. Il y a accord pour éviter les effets de seuil et les discontinuités mais on en reste souvent à la revendication de moyens supplémentaires.
L’OZP souhaite que la carte des zones prioritaires fasse l’objet d’une concertation, dans le cadre de la politique de la Ville (carte des ZUS rénovée). L’ordre de grandeur pourrait être 300 ou 350 zones.
Au-delà, l’OZP demande que, dans les RRS où les réseaux écoles-collège et les projets partenariaux ont une existence effective, ils soient maintenus avec les moyens afférents.
Le SNES propose une organisation en cercles concentriques pour éviter les effets de seuil dans les dotations et permettre la prise en compte de tous les besoins.
Enfin, l’OZP a proposé que la concertation se prolonge par la préparation d’assises de l’éducation prioritaire.
Débat
Véronique Decker, directrice d’une école de 260 élèves à Bobigny, qui est souvent intervenue lors de rencontres ou journées de l’OZP, dénonce des dysfonctionnements de l’administration dans ce département où la population est en grande difficulté sociale et scolaire et où la majorité des personnels du service public sont des débutants dont le premier objectif est de partir le plus vite possible. Par exemple l’opacité des critères d’entrée en RAR : on retrouve dans le seul RAR de Bobigny des écoles qui n’étaient auparavant pas en ZEP et, à l’inverse, l’école qui cumule toutes les difficultés se retrouve hors du dispositif et ne bénéficie d’aucun de ses avantages..
Les problèmes de santé des élèves, avec l’arrivée des enfants Roms, se sont multipliés. Le nombre de postes de médecins scolaires est passé à 3, malheureusement seul ½ poste est pourvu. Pascal Sientzoff, ancien professeur référent et nouveau responsable du CAREP de Reims, décrit un itinéraire ressemblant à celui du réseau d’Orly avec les mêmes résistances et les mêmes crises provoquées par une mise en oeuvre précipitée et le passage en Eclair.
Sur les débats actuels :
– Le profilage des postes enseignants avec des fiches de poste attractives, pourquoi pas ? Les primes : pourquoi ne pas les remplacer par une amélioration des conditions de travail ? En effet, le problème n’est pas seulement d’entrer en ZEP, mais d’en sortir : la prime, pas vraiment attractive pour venir, est une raison pour n’en pas partir, d’autant plus qu’il existe des réseaux ZEP pas trop inconfortables, avec des parents moins dérangeants que dans les quartiers favorisés.
– Les réseaux écoles-collège sont un progrès important. Les échanges entre niveaux sont bénéfiques pour les enseignants mais aussi pour les élèves, dont on parle peu. Mais les différences de statut et d’horaires sont un obstacle pour l’organisation de formations communes, de moments de concertation, sans compter la question des heures supplémentaires dont ne bénéficie pas le 1er degré. Une coordonnatrice, nouvelle dans ces fonctions, est aussi favorable au profilage des postes pour que les enseignants ne se trouvent pas par hasard en ZEP. Il y a des problèmes de motivation, d’implication et même de conception du métier de sorte que la réflexion collective a du mal à se mettre en place. Pour elle, il faut aller vers l’école du socle.
Un directeur d’école, élu de l’UNSA, estime que ce que les enseignants ont vécu depuis 2003 rendra difficile une mobilisation pour faire évoluer les pratiques pédagogiques. Trop de changements sont intervenus pour leur permettre de s’investir à nouveau. De nouvelles orientations telles que le socle commun de compétences et de connaissances, pourtant cadre de référence, ont beaucoup de mal à se mettre en place sur le terrain parce qu’elles sont parfois peu accompagnées dans leurs enjeux et leur mise en place. La lourdeur administrative qui les accompagne nuit également à une mise en oeuvre efficace. Et pourtant, il faut construire les compétences des élèves. Il approuve la nécessité de ne surtout pas limiter le débat à la question des moyens.
Un principal de collège du Val-d’Oise souligne qu’il est indispensable d’aider les parents à prendre leur place dans l’Ecole. Il est également tout aussi décisif de leur permettre de la comprendre, elle et son vocabulaire. Ainsi pour un acte aussi important que l’orientation, on décide de façon autoritaire sans pouvoir les associer.
Les positions syndicales
Guy Vauchel pour le SGEN, Luce Desseaux pour le SNUIPP et Bruno Mer pour le SNES critiquent chacun la dénaturation de l’éducation prioritaire avec les ministres précédents et résument les positions de leur organisation. Celles-ci ont été développées dans le cadre de la concertation sur le site officiel « Refondons l’école ».
-http://www.refondonslecole.gouv.fr/wpcontent/uploads/2012/07/7_politiques_educatives_territoriales_sgen_cfdt1.pdf (SGEN-CFDT)
http://www.ozp.fr/?p=12602 (SNUipp-FSU)
-http://www.snes.edu/Groupe-no3-Un-systeme-educatif (SNES-FSU)
Nous avons retenu particulièrement :
– dans l’intervention de Guy Vauchel : l’idée que l’importance du lien à établir avec le milieu environnant implique que la politique d’éducation prioritaire soit refondée avec la politique de la Ville. Donner plus, oui, bien sûr, mais surtout « donner autrement.
– dans celle de Luce Desseaux, le développement des échanges de services entre professeurs des écoles et du collège, l’utilisation des moyens supplémentaires pour permettre le changement des pratiques, la possibilité de sortir du dispositif de manière progressive et en concertation.
– dans celle de Bruno Mer, la notion intéressante, qui mériterait d’être explicitée, de pilotage collectif, l’accent mis sur les spécificités du premier et du second degré et la nécessité d’accompagner une rupture nécessaire entre les deux, tant pour les enseignants que pour les élèves. Enfin, le refus d’une école du socle où des professeurs enseigneraient indifféremment dans les deux degrés. Il ne faut pas ressusciter les école primaires supérieures ou les CEG.
Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume