PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Combien coûtent les nouveaux temps d’activités périscolaires (TAP) (1), ces trois heures laissées à l’initiative – facultative – des communes par la réforme

des rythmes scolaires ?
Première évidence : les communes ne partent pas toutes sur les mêmes bases (certaines ont pu s’appuyer sur des équipements, jouer sur la mutualisation, d’autres non), ni avec le même contexte, les mêmes contraintes ou les mêmes choix (garderie ordinaire renforcée, accueil de loisirs sans hébergement…). Dès lors, les écarts sont très variables sur le coût moyen par enfant, sans que celui-ci puisse servir de seule jauge au degré d’engagement de la collectivité.
Deuxième évidence : les charges de personnel sont les plus importantes. À Montpellier, l’adjointe au maire, Isabelle Marsala, les évalue à la moitié du coût, en ne retenant que « la masse salariale supplémentaire (2,2 millions d’euros) », par exemple le passage à des temps plein de l’ensemble des animateurs de la ville. Le surcoût devrait frôler 230 euros par élève scolarisé (non déduite de l’aide de l’État). « Mais nous n’avons encore pas tout budgété », prévient l’adjointe qui a repris le projet à zéro, les parents ayant refusé le regroupement des TAP le vendredi après-midi. Les TAP seront bien  regroupés, mais sur deux après-midi, en alternance avec une étude surveillée pour les élémentaires et une garderie éducative pour les maternelles.
C’est une organisation sensiblement similaire qui a vu le jour à la rentrée 2013 à Wittenheim (68). Le maire peut donc en faire un bilan consolidé : 260 euros par enfant ayant fréquenté les TAP, ce qui dépasse le prévisionnel de septembre 2013, en partie en raison de la forte fréquentation (près de 80 % des 1 400 élèves). Il s’agira donc cette année « de contenir les coûts et peut-être de les réduire », précise le maire, Antoine Homé. Il table déjà sur 20 000 euros d’économie grâce à la « rationalisation du nombre d’animateurs »

(pour moitié salariés de la ville ou d’associations), ramenés de 90 à 88. Sans que cela nuise à la qualité, la commune se targuant d’un taux d’encadrement
supérieur à ceux exigés, avec au moins un animateur référent et un assistant d’animation.
Le coût de Wittenheim intègre fournitures, rémunération des animateurs, hausse de 10 % des temps de travail des ATSEM, les subventions aux associations, etc. Comparé au coût moyen par élève des travaux réalisés dans les écoles, le ratio est sensiblement identique.
« C’est un effort important mais c’est aussi un choix politique en faveur de la réussite scolaire et l’égalité des chances », défend Antoine Homé, conforté par
la bonne fréquentation des enfants de familles modestes : la différence est d’à peine 3 % entre les quartiers en ZUS et les autres. Ce sentiment de « faire vraiment œuvre utile » donne à l’élu, également rapporteur de la commission des finances de l’AMF, un argument de plus pour appuyer le combat de l’AMF afin que l’État pérennise son aide qui, pour Wittenheim, compte pour 45 % du financement. Au terme d’une année d’expérience, certains ont revu leur projet pour cause de facture élevée, comme à l’Isle d’Abeau (38) où le nouveau maire a décidé de supprimer les 4×45 mn de TAP pour revenir à un accueil périscolaire classique dès 16h30. D’autres ont renoncé avant même de se lancer, comme à la communauté de communes du Malesherbois (45).
« Nous proposons déjà du sport ou de la musique à l’école, les élus ont donc considéré qu’il valait mieux continuer cela », explique la coordinatrice enfance jeunesse.
C’est aussi le raisonnement suivi par Agnès Le Brun, maire de Morlaix (29) : « L’application stricte de la réforme nous menait à 330 000 euros, soit près de 330 euros par élève. Nous avons préféré ne pas désorganiser ce qui s’appuie sur des projets éducatifs locaux cohérents avec les projets d’école.
Nous l’avons en revanche amélioré avec le recrutement d’un coordonnateur, une dotation forfaitaire d’équipement par site, plus de vacations et un taux d’encadrement des garderies renforcé. »
La facture a été presque réduite de moitié. Selon l’élue, c’est une mesure de sauvegarde « si l’aide de l’État devait disparaître ». D’autres, au contraire, consolident leur expérience. À la communauté de communes de Camembert (61), 2013 avait valeur de test pour les trois groupes scolaires, qui s’est traduit cette année par le passage des garderies en ALSH, avec l’option d’un taux d’encadrement allégé. Mais ce n’est pas cela qui sera source d’économie,
« car nous appliquions déjà ce taux », précise Marie-Françoise Duvignac, la directrice des services. En revanche, l’EPCI pourra compter sur les aides de la CAF, et, grâce à cela, « renforcer la qualité des ateliers, la formation des animateurs ». « Ce qui nous a coûté le plus, c’est le temps d’accueil du mercredi matin où nous avons dû ajouter des temps de présence supplémentaires, car pour les ateliers nous avons misé sur le redéploiement de personnel que nous  avons formé. »
Le coût affiché par élève est donc faible, 88 euros, « mais il ne comprend pas les heures déjà financées des agents dont les horaires ont été redéployés ».
À Arras (62), le surcout par élève ne dépasse pas 100 euros, voire descend à 50.
« Cela dépend de l’école, certaines ont des locaux qui facilitent l’organisation, pour d’autres c’est plus compliqué », explique le maire, Frédéric Leturque. Une fois déduites les aides de l’État, de la DDJS et de la CNAF, la commune sort de sa poche 600 000 euros. S’il est vrai que la ville a « failli renoncer à demander l’aide de la CAF, nous avons négocié pour que nos contraintes soient considérées comme nous prenions en compte les leurs », résume le maire. Il a aussi approché la DRAC (le ministère de la Culture a dégagé une ligne  de deux millions sur trois ans), cette fois en vain, mais « elle nous aide indirectement par son soutien à des structures qui prennent part à notre projet éducatif ».
Cet été, la bonne nouvelle est venue de la CNAF (voir encadré) qui étend ses aides (2). Une décision  saluée par l’AMF qui rappelle que c’est le résultat d’une concertation entre l’État, la CNAF et l’AMF. C’est donc aujourd’hui sur l’État que les maires veulent mettre la pression. Car certains ont déjà rendu payant l’accès aux TAP pour couvrir le delta restant à leur charge, mais ne pourront pas aller plus loin, quand d’autres s’y refusent. Si tous disent pister les économies possibles, elles ne suffiront pas… Sans compter que certains, comme la CC de Camembert, ne voudront pas faire l’économie de l’ouverture de l’accueil de loisirs le mercredi matin pour les enfants de l’école privée qui, elle, n’appliquera pas les nouveaux rythmes scolaires.
Emmanuelle STROESSER
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