PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Huff Post C’est la vie – le 2 septembre 2014 :

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ÉDUCATION – Nous ne sommes pas des super héros. Comme tous les êtres vivants, de l’organisme unicellulaire au plus gros des mammifères en passant par les plantes, nous sommes soumis aux variations de notre environnement. En fonction de la lumière, de la température extérieure, des variations saisonnières, mais aussi de notre code génétique, des horaires de nos repas et, entre autres, de nos phases de repos, notre corps ne réagit pas de la même façon. Ce sont nos horloges internes, situées dans le cerveau, qui prennent en compte tous ces paramètres et agissent en conséquence pour que notre corps fonctionne le mieux possible.

La réforme des rythmes scolaires qui est mise en place dans l’ensemble des écoles pour cette rentrée 2014 veut se rapprocher un peu plus du rythme de l’enfant pour faciliter les apprentissages. Elle entend ainsi mieux "répartir les heures de classe sur la semaine, alléger la journée de classe et programmer les enseignements à des moments où la faculté de concentration des élèves est la plus grande".

Cette réforme contestée par certaines mairies est désapprouvée par 60% des Français selon un sondage CSA pour RTL publié lundi 1er septembre. Selon la directrice générale de l’enseignement scolaire Florence Robine, "une vingtaine de communes" ont prévenu qu’elles boycotteraient la réforme. Dans l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République (DLR) et député-maire de Yerres, a d’ores et déjà promis que "des centaines de communes" cadenasseraient leurs écoles mercredi 3 septembre pour protester contre une "réforme catastrophique".

Le HuffPost s’est intéressé aux recherches sur le sujet et a interrogé Claire Leconte, professeur de psychologie de l’éducation à l’Université de Lille 3 et auteure d’un ouvrage sur les rythmes scolaires et les rythmes de vie pour en savoir plus sur la façon dont les enfants vivaient leur journée à l’école.

Une journée à l’école commence la veille, lors du coucher

Une bonne nuit de sommeil et ça repart? Ce n’est pas aussi simple pour les enfants. Vous l’avez sans doute constaté, même si un enfant a veillé un peu plus que d’habitude, son heure de lever le lendemain restera toujours sensiblement la même. "L’horloge interne qui régit le réveil spontané est la moins souple de toutes les horloges internes de notre corps", affirme Claire Leconte. Jusqu’à 8-9 ans, âge auquel la puberté commence à se mettre en place, les parents doivent être attentifs à l’heure du coucher, sous peine de voir leur enfant en manque de sommeil : "Il faut le plus possible conserver une régularité pour qu’ils se couchent à la même heure tous les soirs", conseille Claire Leconte. Plus tard, l’enfant va progressivement décaler son heure de coucher et découvrir les joies de la grasse mâtinée, sa croissance, ses heures passés à l’école le fatiguent, il a besoin de 9 à 10h de sommeil.

Une étude parue dans la revue américaine Pediatrics en octobre 2013 s’est intéressée à la façon dont l’heure du coucher pouvait impacter les enfants : "Les enfants qui s’endorment à des heures irrégulières ont plus de problèmes comportementaux dans leur vie quotidienne, par exemple une tendance à l’hyperactivité ou des difficultés émotionnelles",explique Yvonne Kelly, épidémiologiste à l’University College London (UCL) et auteure de cette étude.

Le petit déjeuner et le trajet à pied pour bien commencer

Le petit-déjeuner et le trajet qui va du domicile à l’école sont des moments importants, surtout si le réveil s’est fait en douceur. "Dans la mesure du possible, il faut donner du temps à l’enfant de se réveiller puis de recharger son organisme en prenant son petit-déjeuner". Après une nuit de sommeil, l’enfant a passé une dizaine d’heures à jeûner depuis son dîner, le petit-déjeuner est donc indispensable. Mais attention à ne pas vouloir aller trop vite, trop tôt : "si la journée de l’enfant commence très tôt par un moment chez la nourrice ou à la garderie, mieux vaut ne pas le brusquer et le laisser prendre son repas sur place", modère Claire Leconte. Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), les enfants prennent de moins en moins leur petit-déjeuner.

Faire le trajet à pied jusqu’à l’école avec son enfant a aussi son importance "pour se mettre en forme physiquement, récupérer de la lumière du jour et faire la transition entre la maison et l’école". Si aller à l’école à pied n’a aucune influence sur l’obésité infantile, comme l’expliquait un pédiatre nutritionniste sur LePlus.fr en 2012 après les résultats d’une étude menée aux États-Unis sur le sujet, ce trajet est une bonne occasion de favoriser la concentration de l’enfant pour la journée qui s’annonce. Selon une étude menée en 2012 au Danemark sur les habitudes alimentaires, l’activité physique et la concentration des enfants, un trajet en voiture où l’enfant est passif est moins bénéfique qu’un trajet en vélo ou à pied. Ainsi, "l’exercice physique effectué pour se rendre par ses propres moyens à l’école agit positivement sur la capacité de concentration durant environ quatre heures", affirme Niels Egelund, professeur à l’Université de Aarhus et responsable de la recherche.

La matinée pour apprendre, de la natation aux mathématiques

Une fois arrivé à l’école, le piège, à écouter Claire Leconte, est d’aller directement dans la cour de récréation pour se défouler : "il faudrait pouvoir proposer à l’enfant de rentrer tout de suite en classe pour qu’il se mette, dans le calme, à sa place". Dans la cour de récréation, il va se défouler et il sera d’autant plus difficile pour l’enseignant de ramener le calme. "La cour de récréation n’est pas un espace de détente. Les enfants se bousculent entre eux, le niveau sonore y est très élevé", explique Claire Leconte. Selon une étude belge publiée en 2011, le seuil des 85 décibels est d’ailleurs régulièrement franchi dans les cours de récréation.

Quand vient l’heure de l’apprentissage, il faut faire confiance à l’enfant, si on parvient à l’intéresser, il apprendra. "La capacité de concentration d’un enfant dépend de la pratique pédagogique. Tant que les enfants sont actifs et participent, ils apprennent." affirme Claire Leconte. "Il ne faut pas parler en heures d’apprentissage comme le fait la réforme des rythmes scolaires, mais de contenu. Il faut jouer sur l’alternance entre les matières. Concentrer les maths et le français le matin n’est pas la solution, il faudrait pouvoir inscrire toutes les matières en une matinée et faire des ponts entre chaque matière : pendant les cours de natation, on compte le nombre de longueur, de mètres que l’on parcoure, comme on l’appris en mathématiques."

"Quand un enfant décroche, il commence à avoir des mouvements pour rester concentré avec son stylo ou ses jambes qui se balancent." Si cette attitude se généralise dans le groupe, il faut que l’enseignant termine son activité et passe à la suivante.

Pas de pause entre le déjeuner et le temps calme

Enfants, adultes, nous sommes tous pareils. Lors de la pause déjeuner, nous éprouvons une "baisse physiologique". Comme l’explique Michel Tiberge, neurologue au Centre du sommeil de Toulouse interrogé sur le site Psychologies, "l’être humain est génétiquement programmé pour avoir tendance à s’endormir vers 14-15 heures". Si certains ne peuvent se passer d’une sieste, d’autres vont simplement avoir des difficultés à rester concentrer. Après la cantine, où comme dans la cour de récréation le niveau sonore est très élevé, l’enfant a besoin d’un temps calme. "Pour les plus petits qui ont besoin d’une sieste, le déjeuner et le coucher dans le dortoir doivent s’enchaîner. Pour les autres, il faut ouvrir des espaces où ils peuvent eux aussi se reposer comme des coins lecture ou des ateliers de relaxation."

Les activités physiques programmées à cette heure-là représentent même un danger, les risques de blessures y sont plus importants. Après deux heures de pause, en revanche, les enfants ont recouvré leur capacité d’écoute et d’attention. Si les batteries sont rechargées après la pause déjeuner, l’après-midi ne doit pas être consacré à apprendre de nouvelles choses. "On ne peut pas comparer le matin et l’après-midi, le premier reste le meilleur moment de disponibilité aux apprentissages" affirme Claire Leconte. Même s’il s’agit de faire de la consolidation des acquis, il ne faut pas douter de la capacité des enfants à assimiler beaucoup de choses sur une journée. "Combien de temps vos enfants restent-ils attentifs devant leur jeu vidéo?" demande Claire Leconte aux parents qui craignent que leurs enfants ne parviennent pas à rester concentré sur une aussi longue durée.

Voilà selon elle le fond du problème concernant la réforme des rythmes scolaires : "On n’a réfléchi qu’en termes d’heures, on ne s’est pas préoccupé de la formation des professionnels ni du contenu de ces activités", déplore Claire Leconte.

Le retour, les devoirs et la détente ou l’inverse

La sortie des classes, le goûter, le retour à la maison sont un moment de partage et de détente. "Quand on rentre à pied à la maison, l’enfant se vide de sa journée. Il en profitera peut-être pour raconter sa journée, il leur fera d’autant plus qu’en voiture où le conducteur est moins disponible pour l’écouter", assure Claire Leconte. C’est le bon moment pour lui donner son goûter et lui permettre de reprendre des forces. De retour à la maison, "les enfants les plus anxieux préféreront se débarrasser de leurs devoirs", explique Claire Leconte, d’autres seront moins pressés, ils pourront alors enfin faire ce qu’ils veulent. Dans ce cas, inutile de craindre l’ennui. Ne rien faire permet "d’explorer son monde intérieur, de faire jouer son imagination et d’être créatif" explique la spécialiste de l’éducation américaine, Laura Markham.

A un moment où à un autre, il faudra se pencher sur les devoirs. Si une directive de 1956 interdit les devoirs écrits au primaire, certains enseignants continuent de donner quelques exercices à faire chez soi. "On ne peut pas les blâmer, pour beaucoup de personnes un enseignant qui ne donne pas de travail écrit n’est pas un bon enseignant", affirme Claire Leconte. Ce moment encadré par les parents doit permettre à l’enfant de s’auto-évaluer : "l’enfant doit prendre conscience de ses capacités, de ses forces et de ses faiblesses, comme par exemple de savoir s’il a une mémoire visuelle ou auditive." Une bonne occasion de faire le point avec l’enfant et d’envisager le lendemain de manière plus détendue.

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