PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In l’Observatoire régional de la santé du Nord-Pas-de-Calais :

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Dans la littérature, le territoire apparaît comme un concept aux limites variables, une notion multiple aux définitions variées. On peut s’interroger sur le fait que le terme de territoire n’ait jamais fait l’unanimité parmi ses penseurs. Ainsi, le territoire est au coeur
de notre société, chacun le pratique, il structure notre vie, mais demeure paradoxalement une notion aux limites floues, ce qui semble être le comble pour un tel mot.
 Si le territoire est une notion si complexe, c’est qu’il a bien évolué depuis ses premières apparitions dans notre vocabulaire, au XIVe siècle. Depuis plusieurs dizaines d’années, sous l’impulsion des géographes, économistes, ou sociologues, le terme s’est transformé en concept et a fait l’objet de débats d’idées et de nombreuses publications scientifiques.
Le territoire est devenu une notion utile, nécessaire et complexe pour beaucoup. Pourtant, il s’agit bien du cadre dans lequel s’assemblent, d’une part le raisonnement de la géographie de la santé et d’autre part, le terrain d’application des différentes politiques publiques, tous ces besoins de décisions provenant tant de projets nationaux déclinés localement, que d’entités intercommunales coopératives.
Les deux termes, territoire et décision sont liés, sont presque indissociables.
Le premier est l’un des outils privilégié du second, lorsque ce second entend s’appliquer et aller au-delà de la seule intention.
Espace, mobilité, intention et limites (territorialité).
Dans un dictionnaire classique, le territoire est défini comme « une étendue de surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain », mais également « une étendue de pays sur laquelle s’exerce une autorité, une juridiction ». On parle également de « zone, région précisément déterminée » ou encore de « zone qu’un animal se réserve et dont il interdit l’accès à ses congénères ». On constate qu’il est, dans tous ces cas, le produit d’une pratique de l’espace et d’une appropriation consécutive à une intention. De sa racine latine territorium qui définissait une étendue limitée de terre agricole, le territoire renvoie à la terre et à son appropriation par l’homme.
Dans son acception première, le territoire est donc une portion de l’espace terrestre, cartographiable, au périmètre établi, sur lequel s’exerce une intention. Le territoire n’est donc pas préexistant ; il est un produit, celui de son concepteur qui l’imagine et le matérialise en lui fixant des limites.
On parlera d’espaces de montagne ou de plaine, de zones de transitions entre ces différents espaces, d’aires de réparttion de telle ou telle espèce végétale mais pas de territoire, car il n’existe pas d’intention. L’intention fait partie du vivant, et plus précisément de ce qui peut se mouvoir, de ce qui est mobile. Le territoire est un terme employé chez les naturalistes dès lors qu’il existe une intention chez un animal, qui a pour conséquence de produire des limites territoriales (territoire d’accouplement, d’alimentation, territoire hivernal, territoire collectif etc.). Cet usage effectif de l’espace renvoie à la notion de territorialité.
En géographie, la territorialité peut être définie comme la structure latente de la quotidienneté, c’est-à-dire l’ensemble des relations entretenues par une société pour satisfaire ses besoins, dans la perspective d’acquérir la plus grande autonomie possible, compte-tenu des ressources du système3. On s’approche là de la notion de territoire vécu, pratiqué par la population dans son quotidien, et dont les limites sont fixées à par tir des besoins à satisfaire. Cette acception du territoire est importante à prendre en compte, en complémentarité avec la notion plus classique de territoire administratif aux limites fixes.
Exception faite des intercommunalités puisque toutes les communes de France n’appartiennent pas forcément à une intercommunalité. En effet, les premiers territoires qui viennent à l’esprit sont les territoires administratifs, les territoires de gestion : Europe, états, régions, départements, collectivités locales, communes, sur lesquels une autorité s’exerce. Leurs limites sont fixes et les différents échelons territoriaux s’emboîtent parfaitement et couvrent l’ensemble de l’espace géographique4. Ces territoires sont le siège des intentions politiques, de l’intervention publique, qui organisent notre société.
En France, à partir des années 50, les politiques d’aménagement du territoire se développent et font du territoire administratif, un outil d’organisation et de planification. Les compétences s’y organisent à différentes échelles, selon une vision très centralisée, l’État restant souvent au coeur des processus de décision.
L’action publique est partagée entre les différentes échelles : c’est la territorialisation des politiques publiques, ou comment se servir du territoire comme d’un outil pour organiser une répartition  équitable des ressources et intervenir sur les inégalités géographiques. Le territoire est à la fois un outil d’observation des déséquilibres, par comparaison d’indicateurs, et un outil de planification, puisque pour être utile et efficace, l’action publique, se doit d’être territorialisée.
Les compétences en matière de santé publique sont présentes à tous les niveaux d’échelle, ce qui nécessite une bonne articulation pour que les actions entreprises soient réellement efficaces.
Les découpages géographiques liés au monde de la santé sont multiples, ce qui entraîne une certaine confusion. Les géographes de la santé ont inspiré la distinction entre territoire d’action et territoire d’observation, aux groupes de travail du rapport « Territoire et accès aux soins »
Les territoires d’action regroupent les différents espaces où les politiques sont élaborées et mises en oeuvre. L’élaboration est toujours issue d’un espace administratif (État, région, département, sur lesquels s’appuient les organismes de gestion), tandis que l’espace opérationnel d’application peut être différent. Les territoires opérationnels sont élaborés en fonction des problématiques qui ne peuvent se décliner sur des territoires administratifs existants. Il est souvent nécessaire de se réapproprier le territoire en fonction des enjeux liés à la proximité, à l’éloignement, et à la graduation de l’offre. Il faut alors chercher à comprendre comment fonctionne un territoire, en relation avec les objectifs recherchés : quelles sont les pratiques spatiales de la population, les disparités et les spécificités territoriales ?
Les territoires d’observation sont élaborés pour comprendre les dynamiques en oeuvre, et doivent aider à identifier les espaces pertinents pour la mise en oeuvre des politiques. Les territoires spécifiques découlent de cette logique : il s’agit de découpages infrarégionaux conçus pour l’observation de certaines activités (bassins de naissance, de cancérologie), pour matérialiser les espaces de coopération entre établissements et acteurs, ou encore pour optimiser l’offre de soins.
Enfin, on peut distinguer les territoires de projet qui sont basés sur les acteurs locaux et dont le maillage n’est pas systématique. Au contraire des autres territoires, ils sont portés par une démarche ascendante, appuyée par ses acteurs. Il peut s’agir des territoires de coopération de réseaux, informels et évolutifs, et également des intercommunalités. Ces dernières offrent la possibilité d’inscrire les projets de santé dans un cadre plus large et de tenir compte de la pluralité des politiques publiques.
Dans le cadre d’une analyse de l’offre et des besoins des territoires, il est nécessaire de pouvoir concilier territoires d’observation et territoires d’action. Le passage de l’un à l’autre s’opère souvent par un processus de désagrégation et de réagrégation du territoire sur le plus petit dénominateur territorial utile (souvent la commune). Il est alors possible et utile de décomposer la totalité du territoire régional en espaces observés, multiples mais cohérents et homogènes, et de les surimposer aux secteurs de
décision, eux-mêmes multiples.
Les Systèmes d’Information Géographiques (SIG) et toutes les méthodes d’analyses spatiales qu’ils autorisent, constituent un outil précieux pour ce processus de désagrégation/réagrégation, comme pour une meilleure lecture des territoires de manière générale. Ils évitent ainsi d’être confronté à des territoires disjoints, étanches entre eux et donc à des projets et des intentions qui ne se rencontrent pas ou qui s’articulent mal.

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Categories: Généralités et ARF

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