PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

in groupe français d’éducation nouvelle :

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"Réussir, c’est d’abord et essentiellement comprendre. 

Pour celui qui maîtrise le contenu, celui-ci s’impose souvent comme évidence. Quoi de plus simple que « b + a » fasse « ba », que 10 vienne après 9 ? Sauf que cela ne l’est pas pour bien des élèves : leurs difficultés pour accéder à la logique du système écrit ou à celle du principe de numération positionnelle nous rappellent que ce ne sont pas d’abord ni seulement des techniques et des procédures, mais des conquêtes conceptuelles Qu’est-ce qui fait obstacle ?

Outre ce que peut révéler l’analyse des difficultés déjà évoquée, la mise en perspective épistémologique ouvre des pistes intéressantes pour repenser l’approche des contenus. Où l’on s’aperçoit que, loin de s’être imposés de tout temps tels quels, les codes symboliques, les outils conceptuels ou techniques, sont d’une part nés d’un besoin,  et ont d’autre part subi des mutations, des métamorphoses, des avancées et des longues stagnations parfois, avant de se cristalliser dans leur forme actuelle. Et il est troublant de constater que les difficultés rencontrées par les élèves sont fréquemment en phase avec les turbulences de cette genèse…

Chaque enfant devrait-il récapituler l’invention faite par l’ensemble de l’humanité ? Sans accréditer l’hypothèse d’une récapitulation des étapes de la phylogenèse par l’ontogenèse, Henri Wallon évoque l’intérêt de ce rapprochement, qui met en évidence « les difficultés (que la pensée) doit résoudre (…) la similitude de l’effort qu’elles exigent de l’intelligence individuelle, à la conquête de ses moyens, et de l’intelligence collective, à la conquête de ses concepts ». Évolutions individuelle et historique qui, sans être identiques, « peuvent à l’occasion être concordantes »

Concevoir l’approche du contenu à partir de son contexte d’émergence, du processus qui l’a constitué (fait d’étapes avec des obstacles, ruptures et bonds qualitatifs) et des erreurs récurrentes des élèves, voilà de quoi alimenter l’élaboration de la séquence appropriative, de quoi « faire sens », dans sa double acception :

–          donner  valeur au contenu, qui s’impose face à un besoin social (Ex. Comment garder trace des têtes de bétail des troupeaux et des transactions ?), constitutif d’un problème intellectuel à résoudre (Comment coder le plus simplement possible de grandes quantités tout en évitant le risque d’erreurs ?) ;

–          Travailler à sa compréhension partagée, en levant les obstacles à sa maîtrise intellectuelle par le travail de la classe.

Conception socio-historique de savoirs qui n’ont pas d’intérêt seulement parce qu’ils sont au programme et notés, parce qu’ils servant à passer de classe de classe, mais aussi et d’abord plus essentiellement, pour leur valeur formative, parce qu’ils élargissent les pouvoir de compréhension et d’action sur le monde et sur soi-même.

Nous avons donc un métier créatif de conception. Imaginer la progression conceptuelle (ce qu’il y a à comprendre, à travers différentes séances si besoin), mais aussi le processus de conceptualisation (la manière dont on va faire progresser la réflexion). Il s’agit de mobiliser chacun, de mettre en scène des ruptures avec les conceptions et points de vue antérieurs des élèves, de provoquer des prises de conscience, des changements d’orientation, bref « mettre la pensée en culture ». Aventure qui n’est jamais solitaire."

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