PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

in centre de ressources sur l’éducation prioritaire de l’académie de Créteil-2006 :

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Pour aborder ces relations cinq remarques et trois pistes.

Première remarque. Les textes législatifs et réglementaires du ministère de l’éducation nationale font une large place aux parents et à leurs représentants : tout existe de ce point de vue pour que les familles par le biais de leurs représentants notamment, mais aussi elles-mêmes directement, puissent être entendues dans l’école et plus généralement dans l’ensemble de l’organisation du système éducatif. Ces droits collectifs remontent pour certains aux années 30 ; ils sont accompagnés également de droits individuels importants. La situation des parents d’élèves au regard de leurs droits est solidement étayée par les textes.

Deuxième remarque. L’existence des textes qui favorisent ces relations ne doit pas faire oublier qu’elles sont complexes.

Les enfants sont pour les parents ce qu’ils ont de plus précieux ; leur avenir revêt une importance extrême ; et l’école a pris dans la seconde moitié du XXe siècle une place de plus en plus importante dans la détermination de cet avenir. Aussi l’école finit-elle par prendre une place démesurée dans les relations entre les parents et leurs enfants : le temps passé par les familles à suivre le travail personnel en dehors de l’école des enfants ne cesse de croître d’après les données de l’INSEE ; le marché du soutien scolaire est en pleine expansion ; l’école est le principal motif de conflits entre les parents et les enfants : autant de signes de l’implication et de l’inquiétude des familles.

Pour un parent, dans ce contexte, rencontrer un enseignant, entendre de cet enseignant un avis sur l’enfant — sur le travail scolaire de l’enfant, mais aussi sur son comportement, mais aussi sur ses relations avec les autres…– présente des enjeux très forts — et donc des occasions de blessure, de déception, voire d’expression de désarroi. Cette rencontre, même si elle s’opère à un moment où le jugement prononcé n’a pas d’effet immédiat (redoublement, orientation…), ne peut qu’être lourde de sens et d’attentes, voire de tensions.

Un enseignant qui reçoit un parent se trouve lui-même dans une situation dans laquelle sa professionnalité est interpellée : ses cours sont-ils organisés pour que les enfants réussissent ? est-il à même de dire au parent quelque chose de fondé et d’avéré sur son enfant ? peut-il faire coïncider l’image qu’a le parent de l’enfant et celle qu’il a lui de l’élève ? quels conseils peut-il donner le cas échéant pour que la situation qu’il a repérée puisse évoluer favorablement ?

Le moment de la rencontre est donc un moment délicat pour les deux acteurs en présence.

Troisième remarque. Si l’on quitte la rencontre elle-même et si l’on regarde à présent la situation des familles et la situation de l’école, on fait le constant qu’il s’agit de deux institutions en pleine évolution.

L’école et les familles prennent de plein fouet le choc de relations démocratiques à l’intérieur de chacune des institutions. L’autorité dans les deux ne va pas de soi ; elle doit se construire. Les parents doivent expliquer leurs décisions. L’institution scolaire également. Une salle de classe doit être à la fois un lieu d’expression, de construction et d’apprentissages collectifs et un lieu organisé où chacun doit pouvoir trouver sa place et apprendre.

Les deux institutions sont l’objet de critiques. Les parents sont accusés de démissionner, de trop protéger leurs enfants, de les défendre à tous prix ou au contraire de s’en désintéresser et de ne pas les éduquer. Quant à l’institution scolaire, engagée dans le considérable effort que représente l’accès de tous à l’enseignement, elle connaît de nombreuses réformes pour s’ajuster et se moderniser. Parents et acteurs scolaires ne sont pas si sûrs que cela de ce qui se passe — c’est sans doute la raison pour laquelle les relations sont rendues encore plus complexes ; il y a chez eux un doute profond sur leur place. Que doivent-ils faire ? qu’est-ce qui est attendu d’eux ?

Quatrième remarque. Pour les familles l’école constitue un système complexe.

Rien d’original dans cette remarque. Les chercheurs constatent la réussite scolaire singulière des enfants dont la mère est enseignante et le père cadre et ont parfois parlé d’un délit d’initié à ce propos. Le discours des acteurs scolaires et la réalité des faits ne coïncident pas toujours, ne contribuant pas à aider les interlocuteurs à se repérer dans cette complexité.

Le bulletin scolaire avec ses nombreuses disciplines et ses notes qui n’ont pas toutes la même signification ou ne sont pas porteuses des mêmes enjeux est un merveilleux exemple de cette communication complexe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est extrêmement utile qu’il soit remis en main propre, par un professeur au parent, et commenté et expliqué, de façon à ce que la totalité des informations qu’il contient prenne sens;

L’orientation, les nombreux moments de bifurcation organisés dans le système, sont eux aussi difficiles à appréhender. C’est la raison pour laquelle des actions exemplaires de professeurs principaux qui rencontrent régulièrement les familles collectivement et individuellement, qui ont le souci de mettre à plat les enjeux et d’ajuster chaque proposition à chaque élève dans une coélaboration entre l’enfant, sa famille et l’école ont un effet aussi positif.

Cinquième et dernière remarque. Les relations entre les familles et l’école sont parfois des relations indirectes.

Entre les familles et l’école, c’est à l’enfant, à l’élève, bien souvent, d’assurer la circulation de l’information. C’est ce qu’attend l’école notamment grâce à des outils de liaison dont l’enfant a la charge. C’est lui qui dispose du carnet de correspondance et doit le montrer et le faire signer. Chaque enfant sait bien que suivant l’heure à laquelle le document sera présenté, il sera regardé plus ou moins en profondeur : est-ce un tel hasard si ces documents sont souvent présentés à une heure où il faut signer très vite une série d’informations ? Ne parlons pas de ceux qui ont la charge de traduire et d’expliquer le sens des messages. L’enfant "passeur" n’est pas neutre : l’information qu’il délivre est aussi l’information qui l’arrange.

Les familles et l’école doivent dépasser cette situation et se rencontrer : mais, on l’a vu, ces rencontres ne sont pas faciles. Elles supposent que les parents sachent trouver la bonne distance par rapport à leur enfant (être positif toujours, sans être irréaliste ; être cohérent dans les attentes). Elles supposent également que les enseignants, conscients de ce qui se joue pour un parent, se montrent délicats dans le choix de leurs mots et aidants dans leur approche. C’est dire si elles supposent qu’ils soient pleinement professionnels, y compris dans cette relation.

Trois pistes

Pour aider et soutenir les différents acteurs dont l’action vise à faciliter les relations entre les familles et l’école, un certain nombre de partenaires, réunis dans le cadre du comité de pilotage élargi de l’accompagnement à la scolarité, comportant des représentants de différents ministères, et notamment le ministère de l’éducation nationale, et des grands financeurs que sont la caisse nationale d’allocations familiales, le fonds d’action et de soutien à l’intégration et à la lutte contre les discriminations et la mutualité sociale agricole, ainsi que les fédérations et associations de parents d’élèves, l’union nationale des associations familiales et la fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, ont élaboré une quinzaine de fiches à partir des questions que se posent les parents pour proposer des actions concrètes. Ces fiches, en cours de finalisation, seront mises à disposition des organismes qui en feront la demande pour leurs sites.

Le médiateur de l’éducation nationale propose un outil dans son rapport annuel 2004 (annexe 3) : une charte des relations entre les parents et les enseignants qui peut être un support pour la formation et la réflexion.

Enfin, peut-être faut-il, dans les écoles, dans les collèges et les lycées, s’interroger sur la façon dont sont accueillies et orientées les familles. Accueil téléphonique ? accueil individuel ? accueil pour les réunions collectives ? Support et clarté de l’information proposée ? identification des différents responsables ? Moyens de communication entre les familles et l’école ?

Le témoignage, déjà ancien, d’un principal de collège dans une zone difficile mérite qu’on s’y attarde : " Une ligne directe est à disposition dans la salle des professeurs pour que les enseignants puissent appeler les familles. Nous n’avons pas de mal à les joindre. Les parents qui inscrivent leurs enfants en 6e au collège sont invités en juillet, avec du café et des croissants, et nous leur expliquons la classe de 6e : le sens du travail demandé à la maison ; comment aider les enfants à bien suivre l’école lorsqu’on est parent ; le tout accompagné d’un livret d’aide pour les devoirs du soir. Les familles reviennent ensuite au collège pour rencontrer l’équipe pédagogique à l’occasion de l’évaluation 6e ; puis pour élire leurs représentants ; et enfin les bulletins trimestriels leur sont remis en mains propres. 85% des familles sont présentes."

Une politique d’établissement, résolument orientée sur le travail avec les familles, peut contribuer à conférer efficacité et professionnalisme à la relation individuelle entre le parent et l’enseignant.

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