PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Education et Management :

Accéder au site source de notre article.


Les environnements numériques de travail (ENT) font leur entrée dans les systèmes de pilotage… Voit-on apparaître là un nouvel art de manager ? Le système éducatif y gagnerait-il en "humanisme"?

Des perspectives nouvelles de travail coopératif se profilent avec les ENT, qui peuvent se définir comme étant un prolongement, sur les réseaux de la communauté éducative, de la pédagogie, de l’administratif et de la vie scolaire. Avec une plate-forme globale de travail collaboratif, les acteurs des écoles, les enseignants, les communes, les associations pourraient travailler ensemble avec une efficacité accrue. Favorisant la rencontre "des affinités d’apprentissage", proposant aux communautés d’utilisateurs des outils permettant de collaborer, de mutualiser, d’échanger, les ENT permettront de développer une "culture de réseau" en intégrant le partage des ressources, des connaissances et des expériences.

Pour une organisation apprenante

La circonscription comme entité est un espace pertinent de pilotage du premier degré. Les ENT doivent s’inscrire dans les systèmes de pilotage de circonscription en intégrant le paradigme du Knowledge Management1 et des communautés de pratique. Avec le km, on peut stocker, gérer et rendre accessible le savoir pertinent. Ce concept doit être le fondement sur lequel s’appuie un ENT qui doit permettre de trouver un savoir pertinent pour une tâche ou un contexte. La conception d’organisation en réseau offre à l’IEN en circonscription des positions et des rôles nouveaux. Il peut être présent et acteur là où s’établissent les "noeuds" de la communication, de la décision, de l’action, là où se croisent les idées, les valeurs, les personnes, les projets. Pour André Legrand2, le territoire circonscription3 est le lieu par excellence d’élaboration d’une politique particulière, dans le cadre des finalités et des objectifs nationaux. Il a cet avantage d’être adapté à ce qui légitime désormais les principes d’un management dynamique, l’irruption du "local" dans la vie du système éducatif. Les pratiques pédagogiques, celles qui "marchent" et qui ont fait leurs preuves, celles qui ont été repérées par les inspecteurs lors de leur visite, celles qui font preuve d’expertise des enseignants, doivent donc être diffusées, mises à jour et être connues dans la communauté des enseignants. Grâce à la banalisation des outils informatiques et des réseaux, le développement des communautés de pratiques est facilité. Ces dernières permettent la transmission de savoirs tacites, basés sur l’expérience dans l’action et les savoirs explicites acquis par la formation. La circulation de ces informations crée effectivement un savoir collectif qui peut servir de base au perfectionnement professionnel et à la résolution de problèmes dans l’action. Les communautés de pratiques reposent sur l’intérêt individuel : on y participe car on en attend des bénéfices personnels ou l’on est à la recherche d’une identité professionnelle. Elles produisent un patrimoine partagé, collectif, bien au-delà de l’addition des contributions de leurs membres. Elles ont des effets bénéfiques concrets pour l’organisation en termes de compétences que les participants réinvestissent dans leur activité professionnelle. Les communautés de pratiques doivent rester d’abord relationnelles, humaines et donner du plaisir aux participants. Le développement de la communauté ne repose pas seulement sur la somme de moments dans un programme d’activités mais aussi sur la vitalité des liens réticulaires entre les membres et les groupes. Autrement dit, il ne suffit pas de mettre en place un site web, une base de données et un journal en ligne, il faut soutenir des échanges plus "fins", développer une connaissance des expertises, des projets des membres de la communauté. Il faut l’accompagner avec des méthodes spécifiques d’animation.

Les communautés de pratique

Dans ce système, chaque enseignant peut apporter quelque chose à son pair, devenir acteur, auteur… Pilotage, formation professionnelle des enseignants, fonctionnement des communautés de pratiques, institutionnelles ou non, s’interpénètrent dans des dynamiques nouvelles. Les enjeux en sont le partage des connaissances, leur gestion organisée, la compétence des enseignants… en définitive, la qualité de l’enseignement et l’efficacité du système éducatif. La banalisation des outils informatiques et des réseaux, le développement des communautés de pratiques dans une approche coopérative et collaborative facilitent ce qu’on pourrait appeler un "km éducatif". C’est une nouvelle approche intéressante pour l’enseignant à la recherche d’identité professionnelle. La transférabilité du km des entreprises dans le système éducatif, possible grâce aux tic et aux communautés de pratiques et par les ENT, peut apporter une plus-value importante à la professionnalisation des enseignants.

Ne voit-on pas là déjà les fondements d’un pilotage englobant l’humanisme dans les rouages des organisations ? Les ENT… seront-ils les nouveaux outils pour un pilotage plus "humaniste"? L’introduction de nouvelles technologies aura toujours d’importants effets sociaux et organisationnels. Plus les changements seront grands, plus il sera nécessaire de gérer l’interface entre les caractéristiques de cette technologie et les caractéristiques de la vie organisationnelle. Il faudra donc s’assurer de sensibiliser l’ensemble du personnel, de l’impliquer, de l’habituer aux changements (principalement par une formation adéquate) et enfin de généraliser, c’est-à-dire prendre en compte les effets des changements sur l’ensemble des pratiques de l’organisation. L’organisation apprenante repose sur une conception qui va à l’encontre de la gestion traditionnelle. Elle n’est pas le lieu d’une direction "forte", au sens traditionnel, c’est-à-dire qui commande, énonce et contrôle une multitude de directives "du haut" pour ceux qui oeuvrent "en bas". Pour Claude Durand-Prinborgne4, "la conception hiérarchique s’efface obligatoirement dès lors que la nécessité d’une conviction partagée et d’un travail en équipe apparaît de plus en plus comme une condition sine qua non du progrès. […] Toutes les orientations données au système éducatif reposent sur des engagements individuels et collectifs qu’on n’édifie pas par la coercition". Face à la complexité, Hervé Sérieyx5 dans son ouvrage, précise : "La pyramide hiérarchique, faite de décideurs, de transmetteurs, de contrôleurs, d’exécutants aura été l’outil spécifique de l’ère industrielle. […] La pyramide est figée ; le réseau jouit d’une géométrie variable. La pyramide s’autocentre sur son fonctionnement ; le réseau ne cesse de co-évoluer avec son environnement." L’efficacité des organisations suppose une conjugaison dialectique de l’ordre et de la vie. La pyramide garantit l’ordre tandis que le réseau assure la vie.


(1) km : Knowledge Management. Terme utilisé dans les entreprises mais, pour une part, transférable dans les pilotages du système éducatif. Drechsler Michèle, Mémoire DEA, Sciences de l’information et de la communication : "Quels changements induits par les tic pour la formation professionnelle des enseignants face au paradigme du km et des communautés de pratiques ?"

(2) André Legrand, Le Système E : l’école… de réformes en projets, Denoël, 1994.

(3) Circonscription : "territoire" piloté par les inspecteurs de l’Éducation nationale.

(4) Claude Durand-Prinborgne, L’Éducation nationale, une culture, un service, un système, Nathan Université, 1999.

(5) Hervé Sérieyx, Face à la complexité, mettez du réseau dans vos pyramides : penser, organiser, vivre la structure en réseau, Village mondial, 1996.

Print Friendly

Répondre