PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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A la sortie des écoles La Fontaine et Lamartine de Lomme, le 17 octobre.

A la sortie des écoles La Fontaine et Lamartine de Lomme, le 17 octobre. (Photo Aimée Thirion pour Libération)

Reportage La ville du Nord, qui teste la réforme de Peillon, la plébiscite malgré son coût.

Par HAYDÉE SABERAN Envoyée spéciale à Lomme (Nord)

Parents contents, élus inquiets ? La semaine de quatre jours et demi, là où ça existe déjà, ça plaît aux parents. Dans les écoles maternelle et primaire La Fontaine et Lamartine de Lomme (Nord), où l’on pratique l’aménagement du temps de l’enfant, la classe dure du lundi au vendredi, mercredi matin compris, dont deux après-midi par semaine d’ateliers, et pas plus de cinq heures de cours par jour au lieu de six.

 

«Que du positif pour l’instant», estime Magalie, employée à la sécurité à la sortie de l’école et mère de Romain, 7 ans, rencontrée un mercredi midi avant les vacances. «L’école le mercredi matin, c’est bien, poursuit-elle. Les enfants sont plus concentrés, plus attentifs, ils travaillent mieux le matin.» Son fils ? «Il est content. Il a appris les planètes, les années-lumière, mais de manière cool, pas stricte. Il a visité une ferme, une station d’épuration. Il attend avec impatience l’atelier de langage des signes.»

Cirque. A côté d’elle, Julie, chargée de com et mère de Gaspard, trouve que «six heures de cours par jour, c’était trop». Pour Cécile, prof en lycée professionnel, et mère de Célestine et Mathilde, les ateliers sont «une ouverture formidable». Sandrine, mère au foyer de six enfants, dont trois dans l’école, est ravie que Mindy, 11 ans, soit allée au tribunal dans le cadre du parcours «citoyen de demain», mais trouve Sécylla, 3 ans, «un peu fatiguée». Magalie ajoute : «Le mercredi matin, ils préféreraient rester au chaud, c’est sûr. C’est un rythme nouveau, il faut s’habituer.»

L’école de Lomme préfigure la réforme des rythmes scolaires… si le ministre de l’Education, Vincent Peillon, arrive à la mener à bien. Après les déclarations consensuelles sur les défauts de la semaine de quatre jours, on est entré dans le concret. Et les discussions s’avèrent difficiles. Les communes, surtout les plus pauvres, redoutent de devoir payer davantage, et les professeurs des écoles, parmi les plus mal payés d’Europe, craignent une dégradation de leurs conditions de travail. Pour éviter l’ornière, Peillon a promis une table ronde.

A Lomme, l’expérimentation a démarré à la rentrée, sous l’impulsion du précédent maire, le député Yves Durand, spécialiste des questions d’éducations au PS. Les élèves ont vingt-quatre heures de scolarité normale, plus les ateliers – cirque, alimentation, arts urbains, sport, parcours scientifique, percussions, cinéma, et même philosophie. «Ils n’ont pas moins de cours que les autres, mais ils ont une semaine plus chargée : cinq heures de plus», explique Romy Zaghbib, chargée de l’aménagement du temps de l’enfant dans l’école. La municipalité, elle, facilite la vie des parents qui travaillent. Le mercredi, c’est cantine le midi, comme les autres jours. Puis la commune accompagne les enfants en bus au centre de loisirs.

Est-ce généralisable ? Pas en l’état. «Cela coûte 800 euros de plus par an et par enfant, un surplus dû à l’embauche de vacataires, reconnaît Olivier Caremelle, adjoint à l’éducation à Lomme. On ne peut pas généraliser ça aux huit groupes scolaires de la ville.» Dans chaque atelier, en plus de l’intervenant, il y a un animateur qui connaît les élèves et assure au besoin la discipline. Le tout coûte 200 000 euros par an et, dans cette commune modeste, l’expérience n’est possible que parce qu’elle est financée pour moitié par la ville de Lille, dont Lomme est «commune associée». La caisse d’allocations familiales fait le reste.

«Pâte à modeler». Et pour les autres communes ? Elles risquent de le payer cher. Si les cours s’arrêtent à 15 h 30 mais qu’on ne lâche pas les enfants avant 16 h 30 – le scénario initial proposé par Peillon, aujourd’hui rediscuté -, elles devront organiser des activités après la classe. «Le temps périscolaire est une compétence municipale. Est-ce que les communes en ont les capacités ? se demande Olivier Caremelle, tout socialiste et partisan de la semaine de quatre jours et demi qu’il est. On n’a pas l’ambition de faire de la pâte à modeler, mais de porter un parcours éducatif. Comment va s’organiser le temps de service des enseignants ? Qui va assurer l’aide aux devoirs ? Qui fait quoi et qui paie quoi ? On attend les décisions.» Et il reconnaît que, «dans des communes plus petites, ça peut être très compliqué».

Dans son village de Marquillies, non loin de Lomme, le sénateur-maire communiste Eric Bocquet confirme les craintes : «Cela aura forcément des conséquences.» Outre les fins d’après-midi, «une cinquième journée, ça veut dire qu’une partie des enfants déjeuneront à la cantine, qui fonctionnera donc un jour de plus. Ce ne sont pas des petites préoccupations». Le maire estime que 40% du budget de sa commune concerne l’école : «On demande aux collectivités de serrer la vis. Or, il y a des dépenses nouvelles tout le temps.»

Exemple avec la nouvelle piscine, située dans le village voisin d’Herlies. «A chaque fois que nos enfants font de la natation, c’est 65 euros rien que pour les dix minutes de car, indique Eric Bocquet. Soit 10 000 euros en plus sur le budget», limité à 1,2 million d’euros de fonctionnement. Il s’inquiète aussi de devoir trouver des gens qualifiés pour la rentrée, et d’avoir les informations à temps pour boucler le budget 2013. «C’est très bien comme idée, on est d’accord sur le fond. Mais ça va nous compliquer la vie.»

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