PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Elèves en classe dans une école primaire de Mailley, en Haute-Saône.

"Ces fainéants de profs en vacances tout le temps…" Il n’y a pas loin à chercher pour tomber, au détour d’une conversation, d’un discours politique ou d’un commentaire sur Internet, sur une critique du temps de travail des enseignants. Trois syndicats (Snuipp-FSU, SE-UNSA et SGEN-CFDT) viennent d’ailleurs de demander au ministre de l’éducation nationale, qui pilote une réflexion sur la réforme des temps scolaires, une redéfinition des temps de service des enseignants. Ils réclament notamment que soit mieux comptabilisé le travail hors classe. 

 

UN DÉCRET DE 1950

Comment est comptabilisé le temps de travail des enseignants ? La chose est assez complexe, et repose toujours sur un décret qui date du 25 mai… 1950, même s’il a été précisé par un texte de 2007.

Il précise que "les membres du personnel enseignant dans les établissements du second degré sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l’ensemble de l’année scolaire, les maximums de services hebdomadaires suivants : A) Enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et artistiques : Agrégés : quinze heures ; Non agrégés : dix-huit heures".  Pour l’enseignement technique ou artistique, on passe à 20 heures.

Suivent de nombreux articles précisant ces "maximums de service hebdomadaire", qui peuvent être "majorés d’une heure" pour les enseignants qui ont moins de 20 élèves, ou à l’inverse minorés au-delà de 40 élèves. De même, il existe un statut particulier dit "de première chaire", qui permet de voir son temps diminué d’une heure pour certains professeurs (philosophie, mathématiques, enseignants qui travaillent  en classes préparatoires…) ou certains cas spécifiques. De même, certains cas (enseignants ayant à gérer un laboratoire ou du matériel particulier) prévoient des décharges horaires.

Le cas des instituteurs est à part : les décrets définissant leur charge de travail, 24 heures de cours plus 3 heures d’activités diverses (aide personnalisée, travail d’équipe…), sont plus récents et datent de 2008. A lire le seul décret de 1950, on comprend que le temps de cours des enseignants est de 18 heures par semaine, plus ou moins une heure, et hors vacances. De quoi attirer les rancœurs. Mais la réalité est plus complexe.

PLUS D’HEURES DE PRÉPARATION ET DE CORRECTION QUE D’HEURES DEVANT LES ÉLÈVES

Ce que le décret fixe, ce sont les heures de cours, où l’enseignant est physiquement devant les élèves. Mais pour donner des cours, il faut les préparer, ce qui prend du temps. Dans l’esprit des législateurs de 1950, ces 15 à 18 heures de cours hebdomadaires correspondaient à 1 h 30 de préparation effectuée par ailleurs. Ce qui aboutissait à un temps de travail total de 37 à 45 heures, soit à peu près la législation sur le travail en vigueur à l’époque. Et qui n’a pas changé depuis.

Selon une enquête menée en 2002 par l’éducation nationale, et se basant sur les déclarations de 806 enseignants, ces derniers estimaient travailler entre 39 h 30 et 41 heures en fonction de la discipline et du corps, dont 15 à 19 heures d’enseignement et 11 h 30 à 17 h 55 de travail de chez eux.

En moyenne, les professeurs interrogés estimaient effectuer environ 8 heures de préparation de cours, 6 heures de correction, 2 heures de documentation, et comptaient encore 4 heures entre travail avec d’autres enseignants, suivi, dialogue avec les parents… en plus des heures de présence devant les élèves.

Ces chiffres sont sujets à variations en fonction des disciplines. Toujours selon cette enquête, les enseignants de lycée déclarent plus d’heures travaillées que leurs homologues en collège (22 heures hors classe contre 19 h 25), et les littéraires plus que les scientifiques (24 heures contre 19 heures, toujours hors classes). Assez logiquement également, les enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) et d’arts plastique ou de musique travaillent moins à domicile que les autres (14 heures par semaine en moyenne).

LES ENSEIGNANTS TRAVAILLENT DURANT 20 JOURS DE VACANCES

Et les vacances ? Autre cliché vu et revu : les enseignants ont toutes les vacances scolaires. Effectivement, ils ne travaillent "que" durant les 171 journées de classe qu’effectuent les élèves. Mais la même logique s’applique : les enseignants travaillent aussi durant leurs journées de vacances. Toujours selon l’enquête de l’éducation nationale, en moyenne, les enseignants déclarent consacrer 20 jours de congés par an à leur travail.

Il existe en revanche un mythe qui a la vie dure, celui des enseignants qui seraient payés sur dix mois, étalés sur douze. Il remonterait à la fin des années 1940, est très difficile à prouver. Et la plupart des syndicats n’y accordent pas foi, et expliquent que le décret de 1948, qui fixe la rémunération des fonctionnaires, n’en fait aucunement mention.

ET À L’INTERNATIONAL ?

Les enseignants français sont-ils privilégiés ? Pas vraiment au regard de ce qui se pratique à l’étranger. Les comparaisons internationales sur le temps de travail des enseignants, comme celle effectuée par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) placent la France dans la moyenne basse des pays de l’OCDE, derrière l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis ou l’Espagne, mais devant l’Italie, la Corée, le Japon ou la Hongrie.

Les enseignants français donnent 918 heures de cours par an en primaire, 642 en collège et 628 en lycée, contre 805, 756 et 713 en Allemagne, et en moyenne 779 (primaire), 701 (collège) et 656 (lycée) dans l’OCDE. La France a cependant une certaine disparité. Ses enseignants de primaire font ainsi plus d’heures que la moyenne de l’OCDE ou que les instituteurs allemands.

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