PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Vincent Peillon, le 10 octobre à Paris.

Ne lui parlez pas de "plan numérique". L’expression est éculée. Son ambition est plus élevée : c’est une "stratégie numérique globale" pour " faire entrer l’école dans XXIe siècle" que le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, présente ce jeudi 13 décembre. Une transformation "aussi importante que le fut, au XVe siècle, l’invention de l’imprimerie", peut-on lire dans son communiqué. Rien moins que ça. Invité de Patrick Cohen, sur France Inter, quelques heures avant de lancer officiellement sa "stratégie", Vincent Peillon a défendu une "vision d’ensemble" qui va bien au-delà de la problématique "équipement-raccordement" sur laquelle ses prédécesseurs, Luc Chatel notamment, se sont concentrés. Pas moins de quinze plans numériques ont précédé celui d’aujourd’hui. Mais le ministre entend faire la différence. Démonstration en cinq points.

  • Le numérique inscrit dans la loi

Outil privilégié de cette "stratégie", un "service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance" est inscrit dans le projet de loi d’orientation et de programmation sur l’école, qui sera présenté en Conseil des ministres en janvier. Ce service doit "offrir aux écoles et aux établissements des services numériques permettant de compléter les enseignements existants" – ressources à utiliser en classe, outils de suivi des élèves et de communication avec les familles… Il doit aussi "faciliter la mise en œuvre d’une aide personnalisée pour les élèves en difficulté."

  • Des "services" en ligne pour les élèves, les enseignants et les parents

C’est, par exemple, un service de soutien scolaire qui sera accessible, en principe dès septembre 2013, à 30 000 élèves en difficultés dans des établissements de l’éducation prioritaire. Mais aussi un dispositif interactif sur l’apprentissage de la lecture à destination des enseignants et des parents d’élèves de CP. Une collection de ressources numériques et de films d’animation sur les points clés du programme en primaire, centrée sur l’acquisition des "fondamentaux". Une offre de contenus pour l’apprentissage de l’anglais en primaire, "English For Schools" – qui se décline en "English For Pupils" pour les élèves et "English For Teachers" pour les enseignants.

Ce sera, aussi, un site d’informations sur l’orientation pour les élèves en situation de handicap, ou encore un site de "géolocalisation" des solutions de formation pour les "décrocheurs". Une offre plurielle, à étoffer d’ici 2017.

Lire : Plan numérique : neuf collèges expérimentent le soutien scolaire en ligne

  • Des changements en classe

Levier du changement : l’accompagnement des enseignants. Une formation – initiale et continue – au numérique sera mise en place au sein des futures écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), qui ouvriront leur portes en septembre. Un premier jeu de modules de formation en ligne pour les professeurs sera accessible dès 2013, avant la création d’un "campus numérique". Un "plan massif" de formation disciplinaire doit bénéficier à 150 000 enseignants sur deux ans. 

La prise en compte du numérique doit être "renforcée" dans les programmes. Les examens, "dans leurs contenus et modalités", pourront évoluer, "sur la base des enseignements qui seront tirés des expérimentations en cours".

Une éducation des élèves aux médias sera dispensée "de l’école primaire au lycée", en collaboration avec les associations partenaires de l’école.

Renouveler les relations enseignants-élèves mais aussi enseignants-enseignants : ce sont deux des objectifs fixés pour la fin du quinquennat. Le déploiement d’"espaces de travail partagés" – accessibles en classe, dans l’établissement, mais aussi à domicile – devra favoriser les échanges entre enseignants et élèves. La création d’un réseau social réservé aux enseignants, pourra leur permettre d’échanger sur leurs pratiques, de travailler autour de projets communs, etc.

  • Un lien renforcé entre l’école, les familles, les collectivités

L’usage des espaces numériques de travail (ENT) devrait être généralisée à grande échelle, l’utilisation du cahier de texte numérique facilitée, des espaces d’échange enseignants-parents mis en place… Près de 25 % des établissements disposent aujourd’hui d’un ENT. La Rue de Grenelle mise sur une collaboration plus étroite avec les collectivités pour équiper établissements mais aussi école "plus simplement et pour un coût moindre".

D’ici 2017, chaque établissement devra disposer d’un site web donnant aux parents des informations sur le quotidien de la vie scolaire : absence de professeurs, cantine, liste de fournitures, etc. Les démarches administratives, "dématérialisées", devront être simplifiées, afin d’offrir une certaine "flexibilité" pour les inscriptions au lycée, les choix d’options, etc.

  • Une gouvernance nationale sur le numérique éducatif

Mise en place dès 2013, elle reposera sur un "comité stratégique" interne à l’éducation nationale, présidé par le ministre, et un "conseil du numérique éducatif", instance de dialogue et de coordination associant des représentants de la communauté éducative, des collectivités, de la recherche, les partenaires publics et privés…

Pour la Rue de Grenelle, aucun doute : miser sur le numérique, c’est améliorer l’efficacité des enseignements, en réduisant les inégalités territoriales et sociales. C’est aider l’école dans l’accomplissement de ses missions fondamentales, en "donnant à chacun le goût d’apprendre".

"Mais cela nécessite un changement de paradigme", souligne Rémi Thibert, chargé d’études au service "veille et analyses" de l’Institut français de l’éducation. Le dossier qu’il a signé en novembre, "Pédagogie + Numérique = Apprentissages 2.0" (voir le pdf), rappelle qu’après plus de vingt-cinq ans de volontés politiques affichées, le numérique peine à entrer dans les usages scolaires. Les ordinateurs et Internet sont utilisés pour préparer la classe, pour des tâches administratives… mais moins "en" classe.

"Le numérique qui a passé les portes de l’école n’a pas modifié en profondeur les pratiques ni eu d’impact sur la réussite des élèves, affirme M. Thibert. Pour que les espoirs dont il est porteur se concrétisent, il faut que les enseignants soient formés, qu’ils remettent en jeu leur façon de faire la classe. Et ça, ça ne se décrète pas. C’est l’ensemble de notre système, encore très disciplinaire, très cloisonné, qui doit être remis en cause." L’ambition est grande. Le chemin, encore long.

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