PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Aide aux Profs :

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Après avoir été instituteur, maître formateur, il est devenu Inspecteur de l’Education Nationale (IEN) et délégué du Syndicat des IEN-UNSA. Actuellement il est Inspecteur honoraire de l’Education nationale, retraité depuis 2008, et fait partie des "grands personnages" de l’éducation. Il est Vice-président de la Ligue de l’Enseignement 62. Il a publié plusieurs ouvrages :

– Co-auteur avec Philippe Meirieu de L’éducation peut-elle être encore au cœur d’un projet de société ?. Editions de l’Aube. 2008. Réédition en format de poche, 2009.

– Auteur de Pour une école du futur. Du neuf et du courage. Préface de Philippe Meirieu. La Chronique Sociale. 2009.

– Auteur de La place de l’élève à l’école. La Chronique Sociale. Lyon. Auteur de tribunes, analyses, sur les sites educavox, meirieu.com.

– Une BD avec les dessins de J.Risso :L’école, en rire, en pleurer, en rêver. Préface de A. Giordan. Postface de Ph. Meirieu. Chronique Sociale. 2012.

La refondation de l’Ecole est-elle à la hauteur des espoirs qu’elle a suscités ?

Vincent Peillon et le gouvernement en général ont annoncé un énorme projet, une réelle transformation en utilisant le mot « refondation », qui n’a pas été choisi au hasard. Il s’agissait d’interpeller l’opinion. Cet affichage très grand (même en banderoles le long de la façade du 110 Rue de Grenelle à Paris) a débuté par une phase de concertation au niveau national, qui a été un très grand moment, un exercice rare de démocratie.

Cependant, toute cette ambition et ce travail au sommet semblent déboucher sur une accumulation de mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux présentés, pour ces raisons :

– Le mot refondation n’a pas été vraiment défini au départ. Pour tous, ça allait de soi, et chacun a parlé de ses travaux, de ses idées, dans une joyeuse cacophonie. Les finalités du système éducatif n’ont pas assez été travaillées, et aucune vision prospective n’a émergé, et les fondements et rapports entre l’école et la société ont été à peine abordés ;

– La base, ceux qui travaillent sur le terrain, au contact des élèves, n’a absolument pas été consultée, associée à la réflexion, à la concertation, et pour la refonte de la formation des jeunes enseignants.

A ce jour, dans la majorité des écoles et des collèges, personne ne parle de refondation. Les cadres départementaux, locaux, les IA, les chefs d’établissements, ont continué comme avant leur travail, au nom de la continuité. Parfois les choses ont été poursuivies avec un zèle encore accru sur le quinquennat précédent. Par exemple, les programmes de 2008, mis en place sans concertation, subsistent. Comment parler dans ce cas du temps de l’enfant ? Les élèves s’ennuient de plus en plus à l’école, car ils se trouvent en décalage entre les savoirs qu’ils développent en-dehors de l’école, ceux de leur temps – une révolution de haute technologie dont ils sont des consommateurs actifs – et les exigences conservatrices de l’Ecole.

Vincent Peillon a voulu faire quelque chose de grand, mais il s’est trompé. La pédagogie, les contenus, les finalités n’ont pas été travaillés comme ils auraient pu l’être.

S’agissant des 108 heures d’aide individualisée, que l’administration s’est toujours efforcée de comptabiliser à la minute près, montrant sa volonté tatillonne à fliquer le temps de travail des enseignants, en réduisant leurs marges de liberté dans une profession qui le nécessite pourtant, tout le monde les a contestées. Cette aide avait été instituée pour supprimer progressivement les emplois en RASED et le samedi matin. Quel changement y a-t-il ? Cette aide a été maintenue sous la même forme.

J’avais proposé de suspendre les inspections telles qu’elles perdurent, pour passer à des accompagnements réels, d’encouragement, pour faciliter la réflexion et la concertation avec les enseignants appelés à agir sur le terrain. Mais c’est la continuité qui a été imposée, alors que ce gouvernement avait promis « le changement, c’est maintenant ».

On ressent donc une forte désillusion, déjà, une démobilisation sur le terrain, un profond découragement, dont les responsables de l’Education nationale ne mesurent pas encore l’ampleur, car ils n’ont du terrain qu’une vision parcellaire, entre deux déplacements et remontées de statistiques en tableaux Excel. Il sera très difficile de remonter la pente, si cela continue.

Vous avez récemment écrit que les enseignants étaient « anesthésiés », pourquoi ?

Pendant 5 ans, ce furent des années assez dramatiques pour l’Ecole. Beaucoup partagent cet avis, car les profs ont subi une politique d’un autoritarisme accru, sans précédent dans l’Education Nationale, avec des supérieurs hiérarchiques qui agitaient la menace de sanctions, dans lesquelles leur ministre les a confortés. Sanctions financières sur leur carrière, comme avec les désobéisseurs, sanctions administratives. L’administration a appliqué la loi du plus fort : la sienne.

Le pilotage par les résultats a empêché les gens de penser, les chefs d’établissement et les corps d’inspection ayant appliqué avec docilité cette politique de contrôle.

Alors, avec la refondation, on aurait pu penser que les portes et les fenêtres auraient pu s’ouvrir pour nous apporter un peu d’oxygène, après ces 5 ans de dictature institutionnelle, où les inspecteurs ont joué un rôle considérable. Il faut absolument que l’on sorte de cela, car la confiance des enseignants diminue, et leurs souffrance d’enseigner s’accroissent, quand ils sentent que leur hiérarchie ne les soutient pas, en préférant pointer leurs erreurs, de son point de vue. Philippe Meirieu le pense aussi.

Pourtant, je pense profondément que l’Ecole est entrée dans une nouvelle ère. L’Ecole de Jules Ferry a suscité peu d’opposition jusque dans les années 1960. Avec le Ministre Jean-Zay, il y a eu quelques tentatives de réformes, avec dans les années 1960 des prolongations avec l’allongement de la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans. Avec l’évolution de la société ensuite, l’Ecole de Jules Ferry est devenue obsolète, mais beaucoup ont préféré fermer les yeux sur cette réalité. Le système actuel est en train de mourir, et tous les essais pour le transformer semblent vains, car ils ne se penchent pas sur les fondamentaux de l’Ecole.

En 1968, le gouvernement de droite a voulu rénover le système éducatif. En 1969-70, c’est la formation continue, les nouveaux programmes, mes maths modernes (une belle erreur !). Puis en 1989 la Loi Jospin, qui ne sera pas appliquée, et enfin en 2007-2007 un système agonisant, avec une marche arrière de la Droite avec un retour aux programmes de 1923, en y appliquant un autoritarisme débridé, et décomplexé, avec une obsession des résultats, quitte à les enjoliver quelque peu. En 2013, la situation est devenue catastrophique, et c’est pour cela que la refondation déçoit déjà.

Il faut au moins 2 à 3 générations pour mettre en place une vraie réforme, et quatre concepts fondamentaux la conditionnent :

– Depuis 1970 la société a beaucoup évolué ;

– Il y a eu un accroissement exponentiel des savoirs de l’humanité, tout s’accélère, ce qui pose le problème de la poursuite de l’enseignement des disciplines scolaires telles qu’elles ont été conçues à l’origine. Quels savoirs transmettre à l’école ? Pourquoi ne pas introduire de la philosophie à l’école primaire par exemple ? Doit-on aussi s’interdire de faire un peu d’économie en fin de primaire ? Elle n’est pas plus difficile que l’histoire-géographie;

– Le numérique crée un appel d’air, avec un ensemble d’outils dotés de potentialités extraordinaires. Si l’on ne s’en sert que pour embellir les pratiques du passé, on va dans le mur. Il nous faut accompagner cette évolution et modifier la manière d’enseigner les disciplines, car beaucoup d’élèves s’ennuient à l’école, et parfois contestent les savoirs de l’enseignant, parce que le web leur en apprend beaucoup plus. Dans ce contexte, le cours magistral, voire frontal, semble condamné. Il faut apporter plus d’autonomie à l’élève dans la recherche des savoirs, pour que l’enseignant puisse ensuite les optimiser avec eux. Le modèle un cours/une classe/une heure/une discipline sera condamné dans 10 ans, autant s’y préparer dès maintenant;

– La place du territoire est elle aussi importante. On en a de plus en plus besoin. Il y a le savoir du territoire, pour connaître le monde qui nous entoure, et les collectivités territoriales, avec lesquelles il faut de plus en plus apprendre à travailler.

Ces 4 points là imposent une transformation globale de l’Ecole. On ne les prend pas en compte suffisamment. On reste trop techniques dans notre approche.

Actuellement, on constate dans la société une forte dégradation du lien social, des relations humaines, des conditions du « savoir vivre ensemble ».

Qu’avez-vous pensé du projet numérique de Vincent Peillon le 13 décembre 2012 ? Que préconisez-vous ?

La plaquette est séduisante, cela paraît répondre aux enjeux industriels et économiques, mais quid de la prise en compte des savoirs extérieurs à l’école, ceux que les élèves développent de plus en plus, dans cette société moderne où l’élève est connecté en permanence aux réseaux sociaux sur Internet, et à ses amis par sms ou mms via son téléphone portable, car plus de 90% en possèdent un ? Ils s’entraident entre eux, sur facebook, ou par sms, en s’en envoyant plusieurs centaines par jour.

Il faut changer résolument nos pratiques pour donner une chance à l’Ecole d’évoluer avec son temps, au lieu de s’installer dans le dernier wagon du train en marche. Elle pourrait en devenir la locomotive, mais il y a encore trop de corporatismes en cause, trop de résistances, de freins pour évoluer.

Il est important de considérer que les élèves peuvent devenir producteurs de savoirs, alors qu’on a toujours tendance à considérer qu’on leur apporte le savoir, comme par le passé. L’Ecole n’utilise pas les savoirs possédés par les élèves des différentes catégories socio-professionnelles : ils sont laissés à la porte de l’Ecole, et jamais pris en compte dans l’acquisition des compétences du socle commun.

Avec le numérique, il se passe plein de choses, tous les jours, et celui qui n’est pas connecté a le sentiment de perdre du terrain, d’être rapidement déclassé dans cette course au savoir, à la nouveauté, à la créativité. Il est curieux de penser que nous vivons une période technologique surprenante et motivante, et qu’en parallèle, notre réalité est déprimante, entre une société enferrée dans un chômage qui ne cesse de s’accroître malgré les politiques des gouvernements successifs, et le maintien coûte que coûte des corporatismes qui n’aident pas à progresser. Pour l’instant, le cours demeure à l’école le modèle référent, permanent, universel. Quand s’en sortira-t-on pour inventer une autre Ecole ?

Je crains que la refondation ne finisse par un retour en arrière, car l’opinion publique n’est pas mobilisée sur la refondation. Pour l’instant, le sommet de l’Education nationale, comme à son habitude, est en train de concevoir des directives qu’elle diffusera vers 900 000 enseignants. Comme s’ils enseignaient tous dans la même école, avec des élèves du même niveau, dans un contexte économique et social identique. L’administration assure ici sa propre continuité, puisque ni François Hollande, ni Jean-Marc Ayrault, ni Vincent Peillon n’ont souhaité lancer de chasse aux sorcières. Le changement promis n’a donc pas eu lieu encore. Alors que les recteurs avaient été les instruments zélés de la politique de Nicolas Sarkozy, on commence à peine à les changer en ce début d’année 2013, sous forme de jeu de chaises musicales, sans vraiment sanctionner tout ce qu’ils ont pu faire par le passé pour détruire l’Ecole. La haute administration conserve son pouvoir, et l’on peut se demander si ce n’est pas elle, depuis plus de 25 ans, qui applique sa propre politique, dans la continuité, quels qu’aient été les ministres pour la diriger.

Pourtant, les recteurs ne font pas de politique, mais de la gestion, avec zèle. Nous sommes depuis deux ans dans la glorification des DASEN, avec un nouveau langage : évaluation, pilotage, feuille de route…et les corps d’inspection comme les chefs d’établissement ont été formatés par un système qui n’admet d’eux aucun mouvement d’humeur, ni d’esprit de contestation. Seulement le fait de constituer une armée de bons petits soldats capables d’appliquer les directives et les injonctions qui leur sont adressées, sans réfléchir à leur bien-fondé ou pas pour sauver notre Ecole.

Néanmoins je ne perds pas confiance que les choses puissent changer un jour, et que l’on puisse s’extraire de cet autoritarisme rampant, et préjudiciable à toute l’Ecole.

Que pensez-vous de la dernière réforme des rythmes scolaires ?

Cette réduction de 30 mn de la journée scolaire ? C’est positif, mais c’est peu. Car la journée d’école est lourde. Alors à quoi servira cette demi-heure ? Va-t-on imposer aux enseignants de faire la même chose que depuis 2008 avec les mêmes évaluations contrôle, un dispositif unanimement condamné ? Et les mairies qui décideront de mettre en place des activités ? Il n’y a guère de différence avec la réforme Darcos. Ce temps bref n’a pas de sens, c’est un problème d’annonce, un défaut de communication, on n’est pas dans la refondation, la transformation fondamentale. Et quid de l’articulation entre le temps scolaire et ce pseudo temps extra scolaire ? Il y a un fort risque de juxtaposition.

Je soutiens que le temps scolaire n’est pas qu’un problème d’horloge, et qu’il faut prendre en compte la perception du temps subi, ou vécu. Une heure de cours ennuyeux peut paraître trois heures pour l’élève qui doit réaliser une journée de 6 h de cours. Une heure de cours intéressante, avec un prof motivant, ça passe très vite et peut paraître une demi-heure. Le temps scolaire est très lié à la pédagogie employée, aux programmes dispensés, et à la qualité des activités proposées, au sens des activités, à leur articulation avec les savoirs extérieurs à l’école. La réflexion qui est menée actuellement est sur ces plans insuffisante.

Les professeurs des écoles vous semblent-ils remotivés par la politique actuelle ? Sommes-nous dans la continuité, ou dans le changement ?
Vincent Peillon ne touche pas aux structures, ni aux programmes. Le député Yves Durand nous dit que la grande avancée de ces dernières années et la liaison CM2-6e. Cela fait 30 ans qu’on en parle, et qu’elle est pourtant encore à inventer, à prouver, car dans de nombreuses communes, ça ne se fait pas. Alors on est toujours dans le procès de l’amont, à reprocher aux enseignants « passés avant » ce qu’ils auraient dû faire ou ne pas faire. L’amont est toujours le bouc-émissaire de l’aval, c’est trop facile comme raisonnement.
La refondation est aussi beaucoup trop frileuse.
Le moral des enseignants est au plus bas, leur motivation est au plus bas, ils en ont ras-le-bol. Des enseignants démotivés, bordelisés parfois, personne n’en parle, c’est un sujet encore tabou que l’administration préfère esquiver. Il y a comme une autoprotection des cadres administratifs dans ce fonctionnement, comme si leur tutelle leur imposait des œillères, pour ne pas regarder la réalité en face.
Quand un prof est bordélisé, il ne s’en vante pas bien sûr, et son collègue dans la classe d’à côté ne bouge pas, car ce serait déplacé de sa part. Le chef d’établissement, souvent, le sait, par les parents, par les élèves, par les collègues, mais en-dehors d’une posture de remontrances, manque de moyens pour accompagner le prof dans ses difficultés. L’attitude de l’administration est bien plus souvent culpabilisante qu’autre chose, même si elle en vient à proposer parfois des stages de réapprentissage de la conduite en classe, pour savoir se faire obéir, instaurer des règles de fonctionnement avec ses élèves. L’erreur est ensuite de replacer l’enseignant dans le même établissement, comme si rien n’avait changé, alors que les élèves ont conservé l’image de leur enseignant qui ne savait pas se faire respecter. Cela devient alors un tour de force pour lui de s’imposer.
Les enseignants sont souvent emmerdés au quotidien, disons le franchement, par des élèves qui protestent, qui négocient, qui contestent, qui remettent en question son savoir, dénigrent son statut. Comment l’Education nationale peut-elle ignorer à ce point la dégradation du climat dans les classes, partout dans l’hexagone ? La souffrance des enseignants, les enquêtes d’Eric Debarbieux et de Georges Fotinos l’ont montré, n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Alors si les programmes n’évoluent pas, pourquoi cette situation s’arrangerait-elle miraculeusement ?

Pour beaucoup de profs aujourd’hui, enseigner, c’est d’abord survivre.

Il faut arriver à convaincre l’administration que ce n’est pas en poursuivant une politique d’étouffement des enseignants qu’elle arrivera à regagner leur confiance. Il faut les laisser respirer dans leurs pratiques pédagogiques, arrêter de les surcharger de taches administratives diverses et variées, arrêter de vouloir les contrôler.

Au contraire, il faut les accompagner, en transformant les missions des corps d’inspection.
Le système éducatif aurait tout à gagner en accordant plus de latitude aux enseignants pour aller voir ailleurs en cours de carrière, et même en cours d’année : cela aurait beaucoup d’impact sur leur motivation. Les enseignants sont actuellement dans une situation d’enfermement, facteur de dégénérescence, montrant encore que notre système devient obsolescent.

Il manque de l’humain dans le système éducatif. La rénovation de la Gestion des ressources humaines n’est malheureusement pas encore passée de la théorie des circulaires à la réalité dans les comportements.

Directeur d’Ecole, est-ce que cela pourrait devenir une fonction à plein temps ?
Oui. On ne pourra pas le contourner longtemps encore. Le problème vient de la réaction des syndicats qui s’opposent à cet échelon hiérarchique dans le 1er degré. Cela provient aussi du vécu des professeurs des écoles qui souffrent de la tutelle autoritariste grandissante des inspecteurs de circonscriptions, en adoptant des postures d’infantilisation des enseignants, alors que maintenant, on leur demande Bac+5 ! Les profs des écoles craignent un échelon de plus dans leur hiérarchie, mais s’il se substituait à celui de l’IEN, pourquoi pas ?
Malgré la 27e heure pour la concertation entre enseignants, malgré les projets d’établissement, rien n’a changé au statut de directeur d’école, qui devraient dans l’école du futur devenir des animateurs d’équipe et de projets.
C’est la raison pour laquelle je plaide pour que les écoles soient regroupées dans des cités scolaires avec des collèges, pour un travail en harmonie, avec un réel travail en équipe des enseignants.

Le problème actuel est celui du temps de travail. Ségolène Royal avait braqué brutalement les enseignants en évoquant les « 35 h » pour les profs dans les établissements. Pour l’instant, Vincent Peillon bricole sur l’existant, et n’a pas de stratégie de long terme. Philippe Meirieu parle lui de « réparation de l’existant ».

Quand les syndicats parlent de revalorisation, le Ministre leur propose « une rédéfinition du métier » : que préconisez-vous à ce sujet ? S’en va-t-on vers un blocage ?
Non. Actuellement, le métier depuis 5 à 6 ans a nettement perdu de son attractivité. Il est devenu de plus en plus pénible, difficile à exercer au quotidien. Pour beaucoup d’enseignants de primaire ou de collège, il faut bien 15 mn en début de cours pour obtenir le silence, et se battre les 15 dernières minutes du cours pour le conserver avant de laisser partir les élèves vers le cours suivant. Les jeunes enseignants ont du mal à enrayer le bazar de certaines classes. Que leur conseiller quand tous les élèves décident, par défi, en fin d’heure, de tous monter sur leurs tables ?
Vincent Peillon est à ce propos d’une grande prudence. La rédéfinition des missions du métier est pourtant une problématique étroitement liée à celle de la refondation. Il est donc important de faire réfléchir les gens, en ne se limitant pas à confier ce chantier aux seuls hauts fonctionnaires ou aux conseillers producteurs de notes de synthèse à l’infini, si brillantes soient-elles. Les profs ne sont pas bêtes, on leur demande Bac+5, ils savent eux aussi réfléchir.

Actuellement nous sommes en pleine pénurie d’enseignants. Les académies, depuis près de deux ans, refusent les demandes des enseignants pour les disponibilités de convenances personnelles, mais aussi les temps partiels et les mi-temps, et parfois même leur démission ! Un métier où l’on vous retient prisonnier peut-il demeurer attractif dans ces conditions ? Que faire ?

La transformation du système s’impose. Il faut une construction collective, en y associant tous les acteurs : parents, enseignants, élus, il faut une intelligence collective. Parce que si c’est toujours dans un esprit pyramidal, avec une administration qui fait descendre ses incantations autoritaristes de manière uniforme, via ses centaines de circulaires annuelles, rien ne changera vraiment.

Aide aux Profs remercie Pierre Frackowiak de sa grande disponibilité pour la bonne réalisation de cette interview réalisée par téléphone.

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