PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Favorable au retour de la semaine de 4,5 jours à l’école, Vincent Peillon sus­cite la grogne d’une majo­rité de parents d’élèves, selon un son­dage IFOP. Paradoxe : la pro­messe de cam­pagne de François Hollande est approu­vée par 67% des Français. René Clarisse, chro­no­psy­cho­logue et maître de confé­rences en psy­cho­lo­gie du déve­lop­pe­ment à l’université de Tours, nous livre sa posi­tion de scientifique.

Êtes-vous favo­rable à la fin de la semaine de 4 jours au pro­fit de 9 demi-journées de classe, allé­gées, à l’école ?

Nous dis­po­sons de don­nées tan­gibles, repo­sant sur des évalua­tions menées depuis 30 ans dans dif­fé­rentes villes et auprès de nom­breuses écoles. Sur le plan bio­lo­gique, l’idéal c’est la semaine de 4,5 jours avec école le samedi matin, ce qui était le cas pour la majo­rité des enfants avant la ren­trée 2008 et la réforme de Xavier Darcos. Le pro­blème avec la semaine de 4 jours c’est la désyn­chro­ni­sa­tion de l’horloge bio­lo­gique le week-end. Différents tra­vaux ont mon­tré que les enfants sont dans la pers­pec­tive du week-end dès le jeudi. Ces longs week-ends vont donc s’accompagner, le plus sou­vent, d’une perte de som­meil qui engendre des phé­no­mènes de fatigue. Quant à la solu­tion du mer­credi matin, ce peut être un com­pro­mis. Cette demi-journée du mer­credi a sou­vent un effet d’entraînement pour les jours qui suivent.

Quel est le rythme de tra­vail idéal au quotidien ?

L’enfant est peu dis­po­nible en début de mati­née, son atten­tion va ensuite pro­gres­ser jusqu’à 11h30-12h, régres­ser entre 12h et 15h, puis s’élever à nou­veau au cours de l’après-midi. Dans le cadre de la semaine de 4 jours, les élèves ont du mal à pro­gres­ser l’après-midi, sur­tout les plus jeunes. Je pré­co­nise donc que les appren­tis­sages sco­laires ne débutent pas avant 9h et se ter­minent vers 16h. Les enfants doivent aussi dis­po­ser d’une pause méri­dienne de 2h amé­na­gée pour leur per­mettre de « souf­fler ». Et il faut adap­ter les acti­vi­tés aux rythmes de l’enfant et du jeune. Il est pré­fé­rable de concen­trer les appren­tis­sages nou­veaux ou les acti­vi­tés qui demandent atten­tion entre 9h30 et 11h30, en sachant que l’optimum d’attention sera en fin de mati­née. L’après-midi, évitons de sol­li­ci­ter les enfants sur des tâches exi­geantes avant 14h30. Pour les moments moins favo­rables, ce peut être l’occasion aussi de tra­vailler autre­ment avec une péda­go­gie per­son­na­li­sée. Ces recom­man­da­tions valent pour le sport ! Il est aber­rant de sys­té­ma­ti­ser, comme cer­tains le conseillent, les cours d’EPS en tout début d’après-midi car c’est le moment où les acci­dents sont les plus fréquents.

Faut-il rac­cour­cir les « grandes vacances », parmi les plus impor­tantes en Europe ?

Au cours de l’année, l’idéal est d’alterner 7 semaines de tra­vail avec 2 semaines d’interruption. Il est pos­sible de conser­ver les trois zones sco­laires, pour pré­ser­ver l’économie du tou­risme, à condi­tion de les amé­na­ger pour éviter qu’une zone ne se retrouve avec des tri­mestres sco­laires dis­pro­por­tion­nés. Les vacances d’été devraient alors être rac­cour­cies de 2 semaines, en fixant la fin de l’année sco­laire autour du 15 juillet. Il fau­drait égale­ment 15 jours de repos à la Toussaint, car une semaine ce n’est pas assez pour oublier le rythme de l’école.

Devrait-on s’inspirer davan­tage de nos voi­sins européens ?

On ne peut pas assi­mi­ler le modèle fran­çais à celui des pays scan­di­naves et pla­quer un modèle sur un autre. La Finlande compte 12 fois moins d’habitants par exemple. Quelle est la part d’activité pro­fes­sion­nelle des mères dans ces dif­fé­rents pays ? On a une image idéa­li­sée de l’Allemagne : la situa­tion n’est plus celle des années 80. Le modèle des cours le matin et du sport l’après-midi a vécu : com­bien d’élèves alle­mands sont livrés à eux-mêmes l’après-midi ? En France, nous avons les congés d’été les plus impor­tants et il n’y a pas de quoi se van­ter. Mais l’essentiel est de res­pec­ter les rythmes de l’enfant en répar­tis­sant mieux les temps de travail.

Quels sont les risques si l’on ne tient pas compte des rythmes biologiques ?

Il suf­fit de regar­der les chiffres des centres du som­meil en France : de plus en plus d’enfants souffrent de troubles du som­meil. Cela génère une plus grande irri­ta­bi­lité, des phé­no­mènes de vio­lence et des situa­tions d’apathie. On fait sup­por­ter aux enfants des jour­nées de plus en plus impor­tantes. Derrière ce phé­no­mène, il y a une réflexion à mener pour amé­na­ger le temps de tra­vail des parents. Les struc­tures d’accueil qui vont prendre le relais pen­dant les temps péri et extra-scolaires doivent aussi être bien adap­tées et acces­sibles pour tous les enfants.

Comment être sûr de res­pec­ter le rythme de som­meil de son enfant ?

Le meilleur moyen c’est de se mettre dans la situa­tion où le réveil de l’enfant n’est pas pro­vo­qué. Imaginons que pen­dant les vacances, avec un réveil natu­rel, les parents constatent de manière répé­tée une durée de som­meil de 12h. Il suf­fit alors en période sco­laire, de cou­cher l’enfant plus tôt pour res­pec­ter cette durée. Précisons que de manière tout à fait nor­male, entre le CP et le CM2, l’enfant perd 10 à 15 minutes de som­meil par an. En revanche, le constat d’une réduc­tion de 30 à 45 minutes du temps de som­meil jour­na­lier des enfants en 30 ans pose une véri­table ques­tion de société. C’est dans la qua­lité du som­meil que s’écrit le déve­lop­pe­ment har­mo­nieux de l’enfant tant sur le plan cog­ni­tif que sur le plan social.

Charles Centofanti

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