Un peu d’histoire

Il y a plus de 30 années que des médecins, des parents, des enseignants et des élus criaient haut et fort l’absurdité des rythmes en France. En effet, la France se distingue par ses nombreux « records » : journée la plus longue du monde, nombre de journées par semaine le plus petit du monde, plus petit nombre de journées de classe par an, irrégularité entre les vacances scolaires et enfin, des vacances d’été également les plus longues du monde. Finalement, des rythmes organisés par notre société, en incohérence totale avec tout ce que l’on sait sur les rythmes des enfants.

Et parallèlement à tout cela, une baisse constante du niveau scolaire (voir les conclusions de l’OCDE de ces dernières années [ici] qui démontre par les faits l’inefficience de ce fonctionnement pour l’enfant.

Avant 2008, seulement 25% des écoles primaires de France sont organisées sur un rythme de 4 jours et 75% sur 4,5 jours. Tous les spécialistes des rythmes, de la chronobiologie et de l’éducation en général s’égosillent depuis les années 70 pour dire que ces rythmes sur 4 jours sont aberrants. Ils peuvent sans doute s’adresser à des enfants partant dans la vie avec des facilités, mais certainement pas aux enfants les plus en difficultés.

2008, le couple Sarkozi – Darcos met tout par terre

Finalement le couple Sarko – Darkos décide de pousser encore plus loin dans l’absurdité en 2008, soufflant d’un coup tout le château de cartes qui existait jusqu’alors. Plutôt que d’améliorer le système, ils le rendent encore plus absurde et inégalitaire, en imposant un passage à 4 jours pour quasiment tout le monde, en interdisant l’école le samedi.

Dès cette dates, quelques villes décident de travailler avec tous les acteurs de l’éducation pour démontrer qu’un maintient à 4 jours va totalement dans le sens contraire de l’intérêt des enfants. A contre courant, mais fort de cette conviction, Brest, Angers, Nevers et quelques autres villes décident de se lancer dans des expérimentations.

Un travail de terrain qui ne s’arrête pas à l’école ou aux parents. Au-delà du simple rythme scolaire, les enjeux sont beaucoup plus importants : ce sont tous les temps des enfants qui doivent être pris en compte dans les nouvelles organisations, mais aussi la place fondamentale de l’éducation populaire.

Une reprise en main de la gauche

Dès que François Hollande remporte les primaires, il fait de l’enfance, la jeunesse et l’éducation sa priorité. Pour l’école, il propose une véritable refondation, dont les rythmes scolaires sont la première étape. Le travail des parents d’élèves (FCPE), des fédérations d’éducation populaire et des élus locaux (Réseau français des villes éducatrices) a payé. Entre juin et septembre 2012, Vincent Peillon organise des consultations sur toutes les thématiques liées à la refondation de l’école et en particulier celle des rythmes. Celle-ci prendra la forme d’un décret, afin d’être lancée dès la rentrée scolaire 2013.

Mais voilà, autant il est facile de mettre à terre un château de cartes, autant il est plus difficile de le reconstruire. On voit là que le dossier des rythmes de l’enfant est certainement un des plus délicats qui soit à porter dans notre société. Lorsque l’on change les rythmes scolaires, c’est la société entière qui est touchée : vie familiale, vie sociale et vie professionnelle. C’est une des raisons pour lesquelles ce décret n’est sorti que fin janvier 2012, alors qu’il était tant attendu par les élus locaux à la rentrée 2012. C’est aussi pourquoi François Hollande a décidé de laisser la possibilité aux communes de ne se lancer qu’en 2014.

Reconstruire une semaine à 4 jours et demi, avec des moyens limités, sur une durée finalement bien plus courte que prévue et avec un mouvement enseignant très remonté ne fait aujourd’hui pas franchement fantasmer les milliers d’élus locaux qui ne s’y étaient pas préparés. Voilà la raison pour laquelle, si peu de communes partiront en 2013.

Mais Brest s’était préparée

Malgré les contraintes imposées par le décret et les faibles marges de manœuvre dont nous disposions, nous avons décidé d’y aller sur la ville de Brest.

Certes la copie n’est pas parfaite. Nous avons encore 2 journées longues, mais dans lesquelles nous pourrons placer les aides aux projets d’école : le nautisme, la natation, etc… Mais rapidement, pour la rentrée 2015, ces 2 journées seront réduites mécaniquement avec la diminution des vacances d’été. Il s’agira de la phase II.

Par contre, quelle évolution sur les 2 autres journées : les enfants termineront l’école à 15h10 et auront, pour la première fois, l’ouverture vers un autre monde. Ils pourront bouquiner, jouer, créer, découvrir … mais aussi choisir de ne rien faire ! Et oui, à Brest nous proclamons depuis des années le droit à l’ennui pour les petits.

Au-delà de cette première étape sur les rythmes de l’enfant, c’est aussi l’entrée à l’école de l’éducation populaire. C’est l’ouverture vers d’autres champs éducatifs au sein même de la « sacro-sainte école ».

Tout n’est pas joué, il reste encore un gros travail à réaliser : organiser au mieux cette rentrée 2013, suivre de près avec le Projet Educatif Local les effets positifs ou négatifs de notre organisation, ou même faire rapidement émerger des projets différents autour de la maternelle (on ne pourra pas éternellement organiser de la même manière la journée d’un enfant de 2 ans et celle d’un enfant de 10 ans).

Une vraie volonté de concertation

Il était impossible de répondre positivement aux différentes attentes des enseignants, des parents, des associations, des agents municipaux, qui ont pourtant chacun des demandes légitimes.

Nous espérions pouvoir aller vers une plus grande consultation, en réunissant tous les acteurs éducatifs de notre territoire. Mais le temps imparti nous a empêchés de l’organiser. Nous avons donc demandé une contribution à nos réflexions. Tous les conseils d’école de la ville y ont répondu, ainsi que les équipements de quartier et des habitants impliqués.

Comme dans les autres villes de France ayant consulté sur la demi-journée supplémentaire, le mercredi est sorti majoritairement. Et c’est normal. Même si le samedi a beaucoup d’avantages, la société a changé ces dernières années et les familles se sont appropriées le week-end. Encore plus fortement au sein des familles séparées et/ou reconstruites.

Quant à l’organisation sur la semaine, elle est ambitieuse. En libérant 2 fois une heure et demie, l’ouverture vers la construction d’un véritable projet éducatif au sein de l’école est aujourd’hui une réalité qui concernera tous les enfants de nos écoles publiques.

Un travail énorme vient de commencer. Les services de la ville de Brest, associés à l’éducation nationale et la CAF sont déjà sur le terrain, quartier par quartier et école par école pour construire dans chacune d’elle un PACTE (Projet d’ACtion Territorial d’Education). Ces PACTE lieront tous les acteurs éducatifs au sein de l’école.

Vu l’ampleur de l’ambition, il y a la nécessité d’un pilotage de ce changement. Dès le mois de juin, il sera mis en place un groupe de suivi et d’évaluation des rythmes de l’enfant, composé des acteurs de notre Projet Educatif Local (PEL) à Brest.

Quant aux élus brestois, depuis le début, ils ont tous été concernés. Tout d’abord parce que l’éducation est certainement une des politiques les plus transversales qui soit ; parce que la ville de Brest en a fait depuis longtemps son budget N°1 ; parce que presque tous les élus sont présents au sein des conseils d’école ; et enfin parce que le PEL est aujourd’hui connu et reconnu dans tous nos quartiers.

Nous aurons aussi directement ou indirectement besoin de tous les brestois. Et déjà nombre d’entre eux nous ont fait savoir leur volonté d’avancer avec nous. Un grand merci à eux.

Alors voilà, le 3 septembre prochain, c’est parti !

Ce nouveau et ambitieux château de cartes, nous le construirons ensemble. Ce sera surement un gros changement. On essuiera certainement quelques plâtres, mais avant toute chose, ce sont nos enfants qui seront au cœur de cet enjeu important. Ces enfants, qui devront tous en sortir gagnants.