PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In l’Orientation Scolaire et Professionnelle (OSP) :

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L’éducation inclusive en France et en Europe est un thème relativement récent et suffisamment important pour l’ensemble des acteurs sociaux pour qu’un état de l’art des problématiques en cours soit mis à la portée de tous.

C’est le sens de l’entreprise coordonnée par D. Zay, professeure émérite en sciences de l’éducation à l’université de Lille 3, de nous présenter les résultats comparés des dix pays européens du projet international DOCA (DocumentatioOnderzoekCoördinatieAdvies), dont le volet français a été mené au sein du laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille) qui associe des équipes de recherche en éducation de l’Académie de Lille, avec la contribution de l’Association Prisme, Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs.

L’ouvrage est introduit et se termine par une question vive, tout à fait centrale : l’enjeu de l’éducation est-il de préparer les futurs citoyens à s’entretuer ou à vivre ensemble (introduction) ? L’éducation inclusive peut-elle contrer l’accroissement des inégalités (conclusion) ?

Structuré en huit chapitres, l’argumentaire répond à huit questions bien définies :

1. Qu’est-ce qu’une éducation inclusive des « décrocheurs » ?

2. Quel sens peut avoir une éducation inclusive dans des zones socio-économiquement défavorisées ?

3. Que signifie l’inclusion des élèves issus de l’immigration ?

4. L’éducation interculturelle : de quelles cultures parle-t-on ?

5. L’éducation inclusive : une réponse à la violence ?

6. Où en est le système français d’inclusion scolaire ?

7. Force et limites d’une approche comparatiste en éducation inclusive ;

8. Va-t-on vers plus d’inégalités ?

L’auteure défend avec conviction une thèse : oui, l’éducation inclusive est un des leviers dans la lutte contre l’échec scolaire. Encore faut-il s’entendre sur les mots. D’où la réflexion conceptuelle sur la notion « d’éducation inclusive », transposition d’une terminologie initialement conçue pour aménager la scolarité des élèves en situation de handicap.

L’idée de justice est sans cesse questionnée dans l’ouvrage avec une sensibilité particulière aux enjeux politique et idéologique propres aux traditions des pays concernés. Par exemple, l’enseignement, chez les Anglo-saxons, est une activité économique comme une autre, un marché lucratif qui rapporte des devises et crée des emplois. La première conséquence est de transformer l’étudiant en consommateur, en client, avec qui l’on passe un contrat de « cocréation de connaissances » dans le but de le rendre employable à bon salaire, et à qui l’on doit fournir un service de qualité, vérifié par des études régulières de satisfaction. On est loin de « l’école à la française » soucieuse de fabriquer l’homme, le citoyen et le travailleur (Plan Langevin-Wallon, 1947).

Cette recherche collaborative en sciences de l’éducation n’a pas pour seule visée la construction d’une nouvelle philosophie pour l’éducation en ce début du XXIe siècle dans un monde globalisé et multiculturel. Convoquant une pluralité de ressources bibliographiques et documentaires, elle projette sur des données empiriques multiples et variées, un regard comparatiste et critique en éducation. C’est ainsi que sont discutés les résultats des enquêtes PISA qui sont une véritable « claque pour la France », avec toutes les nuances qui s’imposent, pour qui sait voir que notre pays réalise une « double contre-performance… » (p. 18).

Faut-il ici rappeler que les résultats comparés des dix pays ont été évalués en fonction de sept indicateurs :

1. Structure du système scolaire ; 2. Durée de la scolarité obligatoire ; 3. Participation à l’éducation préscolaire ; 4. Abandon scolaire précoce ; 5. Redoublement et/ou placement hors scolarité normale ; 6. Groupes défavorisés bénéficiant de mesures prioritaires ; 7. Choix de l’éducation spécialisée pour les élèves handicapés.

Du choix des indicateurs, découlent l’orientation des mesures à prendre pour relever les défis et contrer des évolutions non souhaitables. C’est la perspective offerte par l’éducation inclusive dans la mesure où la volonté politique est au rendez-vous, et si elle est appuyée par la mobilisation constante des acteurs de terrain.

Lucide, cet ouvrage ne se limite pas à être un réquisitoire contre les effets pervers de la politique éducative du quinquennat de N. Sarkozy, il sait mettre en lumière les acquis de dispositifs comme « Démission impossible » (DI) présenté par M. Lemoine, M. Guigue et B. Tillard, ou encore, la lutte contre l’échec scolaire organisée en réseau d’éducation prioritaire menée par une école Freinet, finement analysée par Y. Reuter ou enfin, le projet soutien à l’excellence présenté par G. Padoani.

Comment faire face aux violences et à la crise de l’autorité en milieu scolaire ? C. Carra (laboratoire RECIFES, université d’Artois), part de l’étude de cas des écoles primaires en France pour mettre en question les logiques professionnelles et le recours ambigu au collectif.

La question de l’échec scolaire – sous-titre de l’ouvrage – peut se dire de diverses manières. Par exemple, les chercheurs mentionnent la dimension polysémique de la définition du « décrochage scolaire » qui passe en particulier par l’analyse des facteurs de défaillance des procédures d’orientation : « mécanique d’exclusion, fonctionnement en circuit fermé, dispersion des structures d’orientation scolaires et postscolaires … » (pp. 40-41).

L’orientation, c’est aussi le changement de direction apportée à la politique éducative après 2006, et qui a consisté en une remise en cause de l’éducation prioritaire et du modèle de l’éducation inclusive, (pp. 71-74). Ce « tournant politique » après les émeutes qui ont éclaté en banlieue en 2005, oblige à un nouveau regard sur les fondements de la laïcité et sur les mesures pour contrer les discriminations culturelles et sociales liées à la diversité des populations et des situations. Le modèle républicain français vit désormais sous l’influence de l’Union européenne. Les sociétés contemporaines sont plurielles : c’est un fait, c’est aussi une valeur à laquelle s’attache l’éducation interculturelle de tous. Reste posée la question de la formation des enseignants au « raisonnement interculturel » : base d’une éducation inclusive du citoyen du monde.

Du sommaire à la table des matières détaillée, le propos est alerte, « engagé », comme le remarque le préfacier, G. Langouët, mais aussi richement documenté, toujours référencé, avec des index qui facilitent la lecture d’un ouvrage appelé à devenir une référence obligée sur un thème émergent, qui questionne les politiques éducatives nationales dans l’Union européenne, par contraste avec l’évolution des idées Outre-Atlantique. On le voit, la mise en œuvre d’une politique d’éducation inclusive qui pose la question des « bonnes pratiques » est inéluctablement adossée à une posture éthique et à une conception de la justice sociale.

 

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