PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Ministère de l’Education Nationale – le 17 avril 2013 :

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Dans l’académie de Créteil, la commune de Collégien a placé les rythmes scolaires au cœur d’une réflexion plus globale sur les rythmes de l’enfant. Un choix étendu d’activités périscolaires et du soutien scolaire sont ainsi proposés. Brigitte Boulon, directrice générale adjointe en charge de la politique éducative de la commune, et Philippe Lemaire, directeur de l’école élémentaire, témoignent.

La commune de Collégien et l’école élémentaire du groupe scolaire Les Saules proposent aux élèves un choix étendu d’activités périscolaires, sans oublier le soutien scolaire quand il est nécessaire. Comment est né ce projet et quels en ont été les principaux acteurs ?

Brigitte Boulon, directrice générale adjointe en charge de la politique éducativ

La réflexion avait débuté en 1997. La municipalité, qui offrait déjà beaucoup d’activités en soirée – aidée en cela par les associations-, souhaitait répondre à une forte demande des parents. Il s’agissait de mieux faire correspondre notre offre, en tenant compte de leurs contraintes de temps et de celles de leurs enfants. Un diagnostic avait été mené sur la ville pour connaître la situation et les contraintes des enfants susceptibles de bénéficier de ces activités. Nous avons réuni l’ensemble des partenaires : élus, responsables des services communaux, présidents d’association, enseignants, autour du principe de base qu’il fallait avant toute chose partir de l’enfant et de son rythme.

Trois objectifs ont été définis :

  • garantir la prise en compte par la ville du rythme de l’enfant ;
  • permettre à tous les enfants d’exercer un réel choix d’activités sportives, culturelles ou de loisirs dans le cadre du temps périscolaire comme de loisir ;
  • libérer les familles de tous les problèmes d’accompagnement aux activités.
À partir de là, nous avons repensé l’organisation de notre offre, en relation avec les écoles maternelles et primaires. Le nouveau dispositif  "Service à l’enfance" a simplifié et assoupli les possibilités de participation aux activités. Les enfants ont désormais un large choix pour chaque soir. Le passage du temps scolaire aux activités périscolaires est facilité par la "pause goûter" de trois quarts d’heure. Celui-ci est offert au restaurant scolaire, par la municipalité, à tous les enfants inscrits aux activités. Ils sont encadrés par les animateurs, puis, ceux dont l’activité du soir se déroule dans d’autres lieux communaux que l’école y sont accompagnés par des animateurs ou des accompagnateurs qui restent sur place, jusqu’à ce que les parents viennent chercher leur(s) enfant(s) à 18h30.
 
Brigitte Boulon, directrice générale adjointe en charge de la politique éducative de la commune de Collégien
Philippe Lemaire, directeur de l’école élémentaire Les Saules

Pour les enseignants, la question s’était déjà posée lors de la préparation de notre projet d’école. Il nous apparaissait que la notion d’activité périscolaire pouvait être étendue à bien des activités proposées par la commune pour que tous les enfants puissent en profiter. L’idée était que le temps après les cours ne devait pas nécessairement être consacré au travail scolaire, que les enfants et leurs familles devaient pouvoir choisir des activités ludiques et que celles-ci pouvaient très bien s’organiser hors des locaux scolaires. L’objectif était de permettre à tous les enfants de développer leurs compétences cognitives sans être surchargés.
La collaboration avec la municipalité était déjà étroite et le projet s’est construit et mis en place par un dialogue direct école-municipalité, puis nous avons associé l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN).

 
Philippe Lemaire, directeur de l’école élémentaire Les Saules

Comment a été pensée et organisée la complémentarité prévue entre scolaire et périscolaire ?

 

Des activités sportives et culturelles étaient déjà menées en relation avec l’école et dans l’école. Nous les avons développées en concertation. Par exemple, la municipalité organisait depuis plusieurs années au sein de l’école de musique un "jardin musical" pour les tout petits, mais elle n’atteignait ainsi qu’une petite partie des enfants susceptibles d’être concernés. Pour offrir à tous une pratique musicale et permettre aux enfants d’exercer leur choix à partir du CP, cette activité a été intégrée dans le temps scolaire. Elle se déroule donc maintenant, avec nos animateurs, dans l’école maternelle.

En 1997, les animateurs sportifs de la commune travaillaient déjà, sur le temps scolaire, avec les élèves du CP au CM2. Il leur a alors été demandé de monter un projet périscolaire qui prenne en compte le rythme des enfants et ce qu’ils faisaient chaque jour dans le temps scolaire de façon à ce que les élèves ne fassent pas deux fois la même chose. Pour la danse et le théâtre, des intervenants sont mis à disposition en fonction des projets menés par les enseignants. La ville pense aussi aux enfants spectateurs ; la programmation qui leur est destinée est établie en relation avec les enseignants du collège ; et nous nous efforçons de répondre aux demandes particulières des enseignants du primaire.

Beaucoup de facteurs, temporels, géographiques, pédagogiques, etc. étaient à prendre en compte. Les enseignants sont avant tout concernés par les ateliers éducatifs. Mais ceux-ci doivent-ils tous être organisés à l’école ? Il fallait profiter des possibilités offertes par les équipements communaux. Par exemple, avec les CM1/CM2, l’atelier cuisine gagnait nettement à se dérouler au centre de loisirs qui dispose d’une cuisine mieux adaptée à l’activité de groupes d’enfants.

La planification de certains ateliers éducatifs doit aussi être étudiée en fonction du déroulement des programmes scolaires et de l’avancement des enseignants dans le programme. Pour plus de facilité, et aussi pour élargir les possibilités de choix des élèves, les ateliers sont programmés sur deux mois environ. Il est possible d’en changer après chaque période de vacances. Nous avons maintenu le principe de liberté de choix de l’élève sur l’ensemble du périscolaire, qu’il s’agisse des ateliers éducatifs ou d’activités de loisirs. Mais cela n’empêche pas un enseignant qui a repéré telle ou telle difficulté chez un élève de faire valoir à celui-ci tout le bénéfice qu’il pourrait retirer de son inscription dans tel ou tel atelier. Il peut aussi nous arriver d’aiguiller un élève vers une activité périscolaire qui l’aidera à dépasser certaines difficultés personnelles qui brouillent ses apprentissages, par exemple, de conseiller à un enfant trop timide d’essayer le théâtre. Bien entendu, l’enseignant peut aussi en parler aux parents. Pour l’élève, cela est d’autant plus supportable qu’il peut espérer changer d’activité dans les deux mois qui suivent.
Il faut aussi veiller à la bonne adéquation entre le programme, les compétences requises et mises en œuvre pour l’atelier et le niveau scolaire réel atteint par les élèves, sinon il risque de se produire un déphasage qui peut être préjudiciable aux enfants ou créer des tensions entre les différents intervenants.

Avez-vous rencontré des difficultés pour mettre en place ce projet ? Si oui, lesquelles et comment les avez-vous surmontées ?

Les difficultés sont de natures différentes, matérielles et humaines, mais elles se rejoignent. Elles ont existé lors de la mise en place du projet et elles subsistent aujourd’hui car elles font partie de ce genre de projet. Toutes les questions tournent autour du temps et des personnes. Les réponses se trouvent dans la concertation, l’organisation, la formation et encore la concertation ou le dialogue.

Cette nouvelle façon de travailler demande à tous plus de temps de concertation, de préparation. Sur ce point, une première aide très forte est venue de la mairie : une formation à l’efficience personnelle, basée sur la méthode La Garanderie, a été proposée à tous les volontaires ; aujourd’hui, celle-ci est aussi adaptée pour un atelier éducatif destiné aux élèves en difficulté. Nous sommes aussi allés nous former à l’animation d’ateliers, car il ne s’agit pas de refaire le cours mal compris.

La concertation entre enseignants et animateurs qui ne se croisent pas toujours, même dans les ateliers éducatifs, est facilitée par l’usage par tous du cahier de liaison, qu’il faut aussi prendre le temps de remplir.

En tant que directeur, je dois aussi veiller à ce que l’ordre du jour de chaque réunion du conseil des maîtres comporte un temps d’échange sur les ateliers, à charge pour moi, le cas échéant, de faire remonter les questions aux animateurs ou à la commission éducative de la municipalité.

Pour éviter les frustrations et les tensions entre enseignants et animateurs, il faut ensemble bien définir ce que l’on met sous les mots et le rôle de chacun, sans pour autant dresser des barrières de territoires. Bref, il nous faut apprendre à travailler entre gens de métiers différents, pour un même objectif : l’épanouissement de l’élève. Et cela, c’est aussi du temps : temps de dialogue sans cesse recommencé car les équipes tournent, les intervenants changent et il ne faut pas laisser s’installer d’équivoque ; temps de formation aussi.

Ces contraintes doivent être prises en compte ; les réponses, comme les temps de concertation et de formation, doivent être institutionnalisées, pour ne pas reposer sur la seule bonne volonté et pour ne pas voir la dynamique s’étioler et les vieilles habitudes (chacun "sa" classe, chacun "ses" élèves) reprendre le dessus et dénaturer le projet.
Et puis, ce n’est pas une difficulté mais un risque à ne pas perdre de vue, dans l’organisation des activités périscolaires, ateliers éducatifs ou activités de loisirs, notamment celles qui se déroulent pendant la pause de midi, il faut prendre garde à ne pas épuiser ou surcharger l’enfant d’apprentissages. Il doit être disponible pour affronter une deuxième demi-journée de cours.

C’était un bouleversement des habitudes. Il a fallu prendre le temps d’expliquer, d’échanger, de convaincre. Pour commencer, nous avons évacué les questions pratiques, de forme ou d’intendance et nous nous sommes concentrés sur le projet pour les enfants. Le "comment faire" a été examiné ensuite.
Le nouveau dispositif intégrant un dossier unique d’inscription, une information très large a été menée en direction des familles.
La réunion annuelle organisée par l’école pour les parents d’élèves qui passeront de la grande maternelle au CP est aussi un moment important pour nous. Nous y sommes invités pour présenter toute notre offre d’activités péri et extrascolaires.
Enfin, depuis 1999, notre action est intégrée et labellisée dans le contrat éducatif local qui est validé par l’IEN de la circonscription.

La mise en place de cette organisation a-t-elle permis une présence plus importante des élèves après le temps scolaire proprement dit ?

Oui. Même si nous avions déjà un très fort taux d’inscrits aux activités périscolaires. Nous sommes passés de 78 % d’enfants concernés inscrits en 1998 à plus de 85 % à la rentrée 2012. Nous avons amélioré cette participation par l’élargissement de l’offre d’activités et aussi par l’assouplissement des conditions d’accueil : on n’est pas obligé d’être inscrit pour tous les soirs ou pour le mercredi entier ; l’élève peut n’être inscrit que pour une activité un soir par semaine et s’il vient à la demi-journée le mercredi, il a le choix de déjeuner ou pas. Tout cela donne beaucoup de possibilités d’adaptation aux contraintes des parents comme aux goûts des enfants.

Pour les ateliers éducatifs au sens strict, je peux même dire que nous touchons maintenant 95 % des enfants concernés. Cela grâce, notamment, à la souplesse apportée au dispositif, à la qualité de ce qui est proposé et au dialogue avec les enfants comme avec les parents.

Les activités organisées dans l’école sont placées sous la responsabilité d’enseignants et d’animateurs. Comment se joue cette collaboration ?

Les ateliers éducatifs ont été mis en place en 2003. Ceux qui concernent les CP et CE1 se déroulent dans l’école. Centrés sur la lecture et l’écriture, ils sont organisés par niveau, par groupes de quinze au maximum, et sont tous encadrés par un binôme enseignant-animateur. Chacun d’eux a un rôle précis, lié au découpage en deux temps de l’atelier : 1 – apprentissage des leçons, 2 – activité ludique, en relation avec les leçons.

Pour les élèves de CE2 à CM2, à part l’activité multimédia située dans l’école, tous les ateliers (activités scientifiques, jardinage…) sont organisés dans d’autres espaces communaux où les élèves se rendent, encadrés par l’animateur en charge de l’atelier et par l’enseignant.
À l’usage, le plus difficile était peut-être de mettre en place les temps de concertation indispensables entre animateurs et enseignants. Pour pallier cette difficulté, les animateurs ont eu communication des programmes scolaires et nous avons mis en place un cahier de suivi dans lequel enseignants et animateurs peuvent échanger informations, observations et conseils. Au moins trois fois par an, nous invitons les parents pour un temps d’échange qui leur permet de suivre ce que font leurs enfants.

Nous l’avons vu tout à l’heure, la première exigence, indispensable, est la concertation. Le respect des programmes, comme la prise en compte du niveau des élèves, concerne aussi bien les animateurs que les intervenants. Ensuite, ou parallèlement, il faut que la mission et le rôle de chacun soient bien définis et que chacun sache s’écouter. Les chevauchements peuvent être sources de confusion pour les enfants et de conflits entre adultes, et donc de désengagement. 

D’après ce que vous avez pu observer, quels sont, pour les élèves, les avantages de cette articulation étroite entre temps scolaire et périscolaire ? Et pour les adultes ?

C’est peut-être dans la fréquentation et le déroulement des activités proposées par la ville avec le club des préados que nous voyons le plus les bienfaits de cette organisation. Les enfants qui ont profité de ce cadre dès le primaire sont maintenant plus demandeurs d’activités. Qu’ils souhaitent approfondir ce qu’ils ont découvert à l’école ou aborder de nouvelles activités, qu’il s’agisse de musique ou de sport, ils ont acquis le goût de mener des projets collectifs. On note aussi une plus grande complicité entre ces enfants et les personnels.
Les animateurs jeunesse interviennent en soirée dans le cadre des ateliers et jouent aussi un rôle important pour dédramatiser ou apaiser les craintes liées à la perspective du passage au collège. En fin de CM2, avec les enseignants, ils accompagnent les enfants dans la visite du collège où ils encadrent également des ateliers sur le temps de la pause méridienne. C’est aussi l’occasion de visiter le lieu de vie des préados. Le club des préados organise durant les vacances d’été des journées CM2-jeunes collégiens. Cet été, nous irons même plus loin dans la facilitation du passage au collège en proposant un séjour commun d’une semaine aux CM2 et aux 6e, sur la base départementale de plein air et de voile du Der.
En septembre prochain, moyennant quelques aménagements des emplois du temps de chacun, nous devrions passer sans encombre à la semaine de quatre jours et demi. Pour les Collégeois, l’essentiel de cette révolution est déjà passé grâce à la volonté politique de la municipalité de toujours mettre l’enfant au cœur des réflexions.

 

Les enfants y gagnent une continuité qui donne du sens à tout ce qu’ils font dans leur journée, ils font mieux le lien entre ce qu’ils ont envie de faire et ce qu’on leur demande. Cela facilite donc les apprentissages. Ils y gagnent aussi en qualité des activités et, souvent, une ouverture culturelle qu’ils n’auraient pas forcément eue seulement avec l’école et leur famille.
Pour les adultes, ce fonctionnement, nous l’avons dit, est très exigeant. Mais il est aussi très enrichissant, pour les enseignants comme pour les intervenants, artistes, sportifs ou autres. Par exemple, un enseignant qui travaille au contact d’un acteur ou d’un metteur en scène peut reprendre conscience que la pièce qu’il utilise pour faire travailler ses élèves sur le vocabulaire, la grammaire ou le plan est aussi et d’abord une œuvre littéraire, destinée à être jouée.
Brigitte Boulon a parlé tout à l’heure de révolution et le mot n’est pas trop fort, ne serait-ce que si on pense à la charge affective et psychologique qu’il y a dans les expressions courantes "mes élèves", "ma classe". Dans le mode de fonctionnement en partenariat, et la réforme qui se met en place ne peut que le renforcer, nous sommes amenés à admettre que nous ne sommes pas seuls à transmettre des connaissances, que d’autres approches existent qui peuvent être complémentaires. Les enfants y gagneront, mais nous aussi, avec, pour commencer, un regard plus complet sur les enfants.

 

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