PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Sénat – le 24 mai 2013 :

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Extrait
M. Vincent Peillon,
ministre de l’éducation nationale . – Merci pour votre engagement dans cette discussion, pour la qualité de vos observations. Je dois vous apporter des précisions, rectifier des erreurs, apaiser des inquiétudes, tout en acceptant des divergences.

Je salue tout d’abord les nombreux amendements adoptés. J’en appelle, pour l’école, au rassemblement. La priorité donnée au primaire doit faire consensus. M. Legendre a parlé de bonne foi, c’est bien mon intention. L’exactitude est également indispensable. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Vous m’avez reproché d’être sectaire. C’est l’inverse : 35 amendements de l’opposition – dix-huit de l’UMP et dix-sept de l’UDI – ont été acceptés par la commission. Quand vous étiez aux responsabilités, quatorze amendements de l’opposition avaient été acceptés dans la loi Fillon.

Si nous voulons avancer, que l’école soit une priorité, les arguments doivent être légitimes. Alain disait que la liberté est un pouvoir de commencement. Au départ je n’ai pas voulu évoquer le passé mais c’est vous qui avez supprimé des postes, qui êtes passés à la semaine de quatre jours sans concertation. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je ne l’avais pas rappelé, car je pense que vous étiez malheureux de votre devoir de solidarité. Je croyais que sur la remise en place de la formation vous seriez au rendez-vous, mais vous ne l’êtes pas. Je le déplore parce que je considère que l’école n’appartient pas à un camp mais à la République. (M. Jean-François Husson proteste)

Pour les directeurs d’école, vous nous reprochez de ne rien faire, mais c’est vous qui avez supprimé les aides administratives que je rétablis ! Même chose pour la prise en charge des enfants de moins de 3 ans, qui avait baissé d’un tiers.

En revanche, certaines interrogations sont légitimes : oui, monsieur Savin, l’accueil des plus jeunes ne se fait pas comme celui des 5 ou 7 ans. Une formation spécifique – le CRC y a insisté – sera assurée pour les maternelles. Mais les 70 heures de formation pour les maternelles avaient été supprimées par la droite qui avait primarisé la maternelle. Comme le sait M. Carle, pour les apprentissages cognitifs la préparation psychomotrice et affective est socialisante. Vouloir forcer les enfants de 5 ans à faire ce qu’ils ne peuvent qu’à 6 ou 7 ans, c’est provoquer difficultés, échec et exclusion. Il y a là une différence d’appréciation pédagogique entre nous. Nous assumons pleinement de redonner à la maternelle son identité pour préparer les apprentissages.

Plus de maîtres que de classes ? J’ai été étonné que ce principe pédagogique soit remis en cause par certains. Les Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) doivent être confortés car ils ont toute leur place. La pédagogie du maître surnuméraire doit permettre de diversifier les pratiques pédagogiques dans la classe, en vue de la réussite de tous.

Nous ne nous comprenons pas sur les rythmes scolaires : on me reproche d’avoir mobilisé trop de moyens pour cette réforme – même si certains, de façon contradictoire, expliquent ensuite que ce n’est pas assez….

Nous consacrons 800 millions à l’année de stage, afin de permettre une entrée progressive dans le métier alors que c’est 250 millions pour les rythmes scolaires avec le concours de la Cnaf. La priorité n’est pas financière ; elle est au service d’un progrès pédagogique.

Sur d’autres sujets, nous n’avons pas de divergences mais vous ne voulez pas voir ce que nous faisons : les Espe ont vocation à assurer la professionnalisation dans les établissements avec le concours de tous les praticiens. Nous récusons la division entre théorie et pratique pour que chacun apprenne des autres.

Mme Bouchoux appelle de ses voeux une autre pédagogie, mais la refondation se veut bien une refondation pédagogique. Dans l’esprit de Michelet, nous voulons une pédagogie de la coopération, du mutuellisme, de l’action, de l’initiative, de la confiance. On sait qu’il peut y avoir une distorsion entre les qualités requises par le citoyen, voire le travailleur, et ce qu’on enseigne à l’école. M. Baylet a évoqué l’oeuvre de Jean Zay, mais certaines lourdeurs l’ont emporté. La discussion à l’Assemblée nationale a permis d’enrichir le texte, en substituant la logique de coopération à la logique de compétition, en rappelant qu’il s’agit d’un projet d’école tout au long de la vie. Quant au numérique, il doit servir au travail en groupe pour changer les pratiques pédagogiques.

Le projet éducatif de territoire est une nouveauté. Il est difficile de s’ouvrir aux autres, de travailler ensemble. Il faut que l’État dialogue avec les collectivités locales qui font 25 % de l’investissement éducatif et que les professeurs prennent en considération les éducateurs auxquels les enfants sont confiés.

Sur le projet éducatif et l’évolution des rythmes, un comité de suivi a été mis en place, qui permettra d’améliorer le dispositif. Plus de liberté locale et de souplesse ? J’ai voulu que les quinze heures d’apprentissages fondamentaux en CP soient dispensées cinq jours par semaine à raison de trois heures le matin, c’est mieux. (Applaudissements sur les bancs socialistes) C’est une réforme que je mènerai jusqu’au bout parce qu’elle relève de la responsabilité de l’État. Aux collectivités locales d’assumer les leurs.

La question n’est pas de la richesse ou de la pauvreté des collectivités. Certaines, qui sont pauvres, passent aux quatre jours et demi dès septembre, comme Roubaix, et, madame Férat, nous donnons plus à celles qui ont le moins : 130 euros par élève, contre 50 euros pour les autres. Il ne s’agit pas non plus d’un partage entre les villes et les campagnes. Certaines grandes villes, parfois même de gauche, n’ont pas voulu de cette réforme dès septembre… En revanche, des départements ruraux l’ont décidée. C’est donc sans doute qu’il y a une autre raison. Les internats d’excellence ont fait l’objet d’évaluations, j’y reviendrai.

L’accueil des enfants de moins de 3 ans, monsieur Savin, ne signifie pas l’exclusion des autres. Les postes que nous créons serviront à cet accueil : 3 000 sur cinq ans. L’éducation nationale est mobilisée comme aucun autre ministère et je veux rendre hommage à tous ses fonctionnaires.

Je n’ai aucune objection à ce que des évaluations soient faites. La coéducation est au centre de notre projet, vous le savez, madame Bouchoux. Nous facilitons les expérimentations pédagogiques. Oui, nous croyons au collège unique. Nous devons élever les élèves au maximum d’éducation, de connaissances et de compétences. N’en déplaisent à certains, nous n’avons pas supprimé l’apprentissage à 15 ans. Nous avons, en revanche supprimé l’apprentissage junior, qui permettait à des jeunes dès 14 ans, de commencer leur apprentissage. Aucun élève ne s’est engagé dans cette voie, preuve que le débat est surtout idéologique. Le problème de l’apprentissage, c’est qu’il faut trouver un stage : le chiffre de 800 000 apprentis annoncé par Nicolas Sarkozy n’a pas été atteint ! Quinze mille apprentis de plus en cinq ans ! Nous avons supprimé le dispositif Cherpion qui concerne les jeunes de moins de 15 ans mais ceux de 15 ans peuvent entrer en apprentissage, ce qui n’exclut pas le socle commun. Les entreprises ont besoin de salariés qualifiés, qui peuvent évoluer, qui ont un niveau d’éducation suffisant. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques-Bernard Magner. – Même chez Dassault !

M. Vincent Peillon, ministre. – Mme Gonthier-Maurin a fait part de quelques inquiétudes même si elle a salué la création des Espe, et des 60 000 postes, les moyens consacrés aux remplacements, au service public du numérique.

Vous avez récrit l’article 3 du projet de loi, c’est bien. Je salue les précisions apportées aux missions de l’école maternelle et au socle commun, que je ne veux pas raboter, monsieur Legendre. En 2005, vous aviez débattu du socle commun de connaissances et de compétences. Il était dommage d’avoir supprimé le Conseil supérieur des programmes (CSP), organisme indépendant du ministre. Il fallait préciser que le socle n’était pas un aboutissement mais un commencement. Il faut donner la possibilité à tous les enfants d’avoir accès au meilleur de notre culture. Or aujourd’hui, seuls 10 % de nos enfants en bénéficient. C’est trop peu. Nous avons précisé les aides apportées aux jeunes décrocheurs.

Le pré-recrutement des enseignants est une préoccupation légitime. Le recours aux emplois d’avenir apporte un début de réponse, même s’il est insuffisant, compte tenu des contraintes budgétaires : suite aux travaux menés à l’Assemblée nationale, j’ai accepté un amendement de Mme Buffet, pour étudier la mise en place d’un système de pré-recrutement des enseignants dès la licence.

Mesdames Blandin et Bouchoux, je ne suis pas hostile à l’idée du concours en fin de troisième année, nous l’avons déjà ramené en fin de quatrième année, ce qui n’allait pas de soi, beaucoup d’enseignants soucieux de la revalorisation de leur métier étant attachés aux concours en fin de cinquième année.

Mon seul souci est de donner la meilleure formation professionnelle possible aux enseignants, pour la réussite des élèves.

Madame Gonthier-Maurin, vous vous inquiétez de la territorialisation. Reconnaissez que l’État n’a pas toujours su garantir l’égalité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Et la région ?

M. Vincent Peillon, ministre. – Il arrive que les collectivités locales défendent des valeurs utiles à la réalisation de nos objectifs. S’agissant de l’orientation, nous devons garantir une politique d’État avec un cadrage national : une loi de programmation et d’orientation de l’éducation nationale est le support adapté. Pour le reste, nous devrons en effet mieux nous coordonner. Pour les cartes de formation professionnelle, l’État et les régions doivent travailler, dialoguer ensemble.

Les régions ont cette compétence et l’État devra exercer ses responsabilités, sans imposer de diktat. À aucun moment, je n’ai imaginé toutefois que l’État abandonnerait ses prérogatives.

On m’a dit que cette loi était déterminante pour l’avenir. C’est vrai sur le numérique, sur les projets éducatifs territoriaux, sur l’apprentissage d’une langue étrangère dès le CP, sur la transmission des valeurs républicaines, sur la morale laïque, qui est tout sauf une morale d’État mais donne à chacun la capacité de construire sa liberté.

Sur les langues régionales, M. Couderc a pleine satisfaction : je ne doute pas qu’il votera notre projet de loi. Ce sont mes prédécesseurs qui sont à l’origine des reculs en ce domaine : toutes les avancées en faveur des langues régionales sont dues à la gauche, car nous savons l’atout qu’est le plurilinguisme. Les différences renforcent l’universel ! (Applaudissements à gauche)

Sur l’accueil des enfants en situation de handicap, j’ai voulu que mon action s’inscrive dans la continuité. L’inclusivité me semble essentielle. Nous recruterons plusieurs milliers d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) à la rentrée prochaine.

Il ne s’agit pas seulement de rendre service à ces enfants en situation de handicap, mais de faire grandir tous les autres. La gauche met ses actes en conformité avec ses discours. Dès notre arrivée, 1 500 postes ont été créés. Le président de la République et le Premier ministre feront bientôt des annonces : vous verrez que ce sera sans commune mesure avec ce qui a été fait précédemment. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La situation des directeurs d’école est difficile, c’est vrai – elle n’a pas été améliorée par les suppressions des aides administratives de ces dix dernières années. Je les rétablirai intégralement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Je suis ouvert à toutes les propositions, mais qu’on ne cherche pas à faire croire que tout est dans tout. Notre politique tranche radicalement avec le passé. Nous donnons la priorité au primaire, à la formation des enseignants. Or tout cela a été bousculé ces dernières années. Le numérique est bien une révolution comme l’a dit M. Assouline. Ce projet de loi est un grand projet. (Exclamations dubitatives à droite) Notre priorité, c’est l’école ; vous aviez fait d’autres choix… Nous agissons pour nos enfants, c’est-à-dire pour tous les enfants de France, sans esprit partisan. J’espère que vous nous rejoindrez à l’issue du débat. (Vifs applaudissements à gauche ; les sénateurs socialistes et du RDSE se lèvent pour applaudir)

La discussion générale est close.

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