PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’éducation déchiffrée – le 30 mai 2013 :

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La qualité de l’enseignement est-elle meilleure dans les écoles privées ? Au fond, il s’agit d’une question que de nombreuses familles se posent à un moment ou à un autre du parcours scolaire de leurs enfants. L’importance accrue du diplôme pour l’insertion professionnelle a renforcé la pression sur la réussite scolaire. De plus, la multiplication des organismes proposant de dispenser des cours privés, observé en France par exemple, est une évidence supplémentaire de la remise en question de l’école publique dans son fonctionnement actuel pour assurer la réussite de tous.

D’un autre coté, les détracteurs du secteur privé argueront que le développement de ces écoles, tout comme la tendance à avoir recours plus systématiquement aux cours privés ne fera qu’accentuer les inégalités entre les milieux favorisés et défavorisés, inégalités déjà bien imprégnées dans les systèmes d’éducation, et notamment lorsque l’on analyse les performances de la France.

Mais qu’en est-il vraiment ? La qualité de l’enseignement est-elle meilleure dans les établissements privés ? Ou d’autres facteurs entrent-ils en jeu ?

Dans les pays de l’OCDE, les enseignements primaire et secondaire restent l’apanage du secteur public même si le secteur privé est plus développé en France par rapport à la moyenne OCDE.

L’offre d’enseignement privé prend différentes formes, depuis les institutions entièrement privées jusqu’aux écoles sous contrat avec l’État, en passant par les écoles gérées par les ONG ou par les communautés. Dans les données de l’OCDE, il existe deux catégories d’établissements privés : ceux subventionnés par l’État (financés à hauteur de 50% au moins par les pouvoirs publics) et les établissements privés indépendants dont le financement public est inférieur à 50%.

Bien que l’on parle beaucoup des écoles privées ces derniers temps, les enseignements primaire et secondaire restent l’apanage du secteur public. De plus, la proportion d’élèves scolarisés dans les établissements privés a peu progressé depuis une dizaine d’année au sein des pays de l’OCDE. En 2010, 90 % des élèves en moyenne fréquentent un établissement public dans l’enseignement primaire dans les pays de l’OCDE (contre 85 % en France). Les pourcentages diminuent légèrement dans l’enseignement secondaire : les établissements publics accueillent 86 % des élèves au collège (contre 78 % en France) et 81 % des élèves pour le second cycle du secondaire(contre 68 % en France).

Le secteur privé est donc plus développé en France par rapport à la moyenne de l’OCDE, notamment pour la scolarisation au second  cycle du secondaire (ce chiffre prend en compte les lycées traditionnels, l’apprentissage en CFA et les lycées agricoles) où seuls l’Australie, la Belgique, le Canada, le Chili, la Corée et le Royaume-Uni ont des proportions d’élèves scolarisés dans les établissements privés égales ou supérieures à la France.

Contrairement à l’idée reçue, la taille des classes est quasiment la même entre établissements publics et privés dans la plupart des pays de l’OCDE.

 La taille des classes est également un facteur dont les parents peuvent tenir compte lorsqu’ils choisissent l’établissement où inscrire leurs enfants. Cependant, la taille moyenne des classes ne varie pas de plus d’un élève entre établissements publics et privés dans l’enseignement primaire et au collège (graphique 1 et Indicateur D2 de regards sur l’éducation 2012).

Toutefois, des écarts importants s’observent entre les pays. Ainsi, dans l’enseignement primaire, on compte, en moyenne, au moins quatre élèves de plus par classe dans les établissements publics au Brésil, en Fédération de Russie, en Islande, en Israël, en Pologne, en République tchèque, au Royaume-Uni et en Turquie. A l’autre extrême, les établissements privés comptent, en moyenne, au moins quatre élèves de plus par classe que les établissements publics en Chine et en Espagne.

Ce constat montre que dans les pays où de nombreux parents choisissent d’inscrire leurs enfants dans un établissement privé, la taille des classes n’est pas nécessairement le critère le plus déterminant dans leur choix. Plus encore, dans les pays où la part de l’enseignement privé est importante, comme la France, l’Australie ou la Belgique, la taille des classes est plus grande dans les établissements privés que dans le public. On compte ainsi en France en moyenne un élève de plus par classe dans le privé, tant à l’école primaire qu’au collège.

Et pourtant la performance des élèves de 15 ans scolarisés dans les établissements privés est supérieure à celle des établissements publics dans la plupart des pays de l’OCDE.

La taille des classes n’est pas primordiale mais une grande tendance ressort de l’étude PISA. Dans 26 des 29 pays de l’OCDE avec des données (voir graphique 2), les élèves de 15 ans scolarisés dans l’enseignement privé sont plus performants en compréhension de l’écrit que leurs homologues dans l’enseignement public. Cet écart est statistiquement significatif dans 16 d’entre eux. En moyenne, les élèves scolarisés dans le privé obtiennent un score supérieur de 30 points (39 points représentent environ une année d’étude dans PISA) à celui des élèves scolarisés dans le public. L’écart dépasse même 60 points en Nouvelle-Zélande, en Slovénie, au Royaume-Uni et aux États-Unis (voir graphique 2).

Malheureusement la France n’a pas publié ces données par établissement dans PISA, c’est bien dommage car il aurait été intéressant de voir si les fortes inégalités sociales que l’on retrouve dans de nombreux indicateurs étaient également présentes dans cette analyse. Entre nous, trouver le contraire serait surprenant.

Cependant, le niveau socio-économique des élèves explique en grande partie les écarts observés …

La première lecture est donc implacable : la scolarisation dans le privé garantit de bien meilleures performances dans la plupart des pays ! Mais la réalité est bien plus complexe. En fait, les établissements privés ont davantage d’élèves provenant de milieux favorisés que les établissements publics dans 21 des 29 pays avec des données.  Quand on sait que le milieu socio-économique des parents est un des facteurs les plus importants pour expliquer les performances des élèves, on comprend mieux. En effet, les établissements privés en attirant des élèves favorisés sont également plus susceptibles d’attirer des élèves plus performants et d’avoir de meilleurs résultats.

D’ailleurs, plus de trois-quarts de l’écart initial de 30 points entre public et privé s’explique par la capacité des établissements privés à attirer des élèves issus de milieux socio-économiques favorisés (voir PISA in focus numéro 7 :  http://www.oecd.org/pisa/pisainfocus/48572011.pdf).

… ainsi que les autres avantages qui en découlent.



Et ce n’est pas tout, à travers les études de l’OCDE, les écoles qui regroupent des élèves plus favorisés ont tendance à avoir accès à davantage de ressources en éducation et à moins subir les contrecoups d’une pénurie d’enseignants. De surcroît, ces élèves ont davantage une attitude positive envers l’éducation, ce qui crée un climat en classe plus propice à l’apprentissage comme le montre le tableau 1 dans http://www.oecd.org/pisa/pisainfocus/48572011.pdf. Ainsi, lorsque sont pris en compte dans PISA la situation socio-économique des élèves et les avantages liés au matériel, la différence de performance qui subsiste entre les élèves des écoles privées et publiques n’est plus que de 3 points, c’est-à-dire non significative dans la plupart des pays. 

Ce n’est donc pas la qualité de l’enseignement qui explique les différences observées.

Revenons à la question initiale. On l’aura bien compris, ce n’est pas la qualité de l’enseignement (ou des enseignants) qui est le facteur expliquant en premier lieu la meilleure performance des établissements privés. PISA a d’ailleurs constaté que lorsque les écoles publiques bénéficient du même degré d’autonomie que les écoles privées et que la population d’élèves est similaire dans les deux types d’écoles, l’avantage significatif conféré à l’école privée observé dans 16 pays membres de l’OCDE, disparaît dans 13 de ces pays.

En fin de compte, les écoles privées, mais aussi certaines écoles publiques, dont la majorité des  effectifs provient des milieux favorisés, tirent avantage du type d’élèves qui fréquentent ces écoles. Si on en revient à la problématique française, renforcer les moyens dans les établissements difficiles en y affectant du personnel expérimenté est sûrement la meilleure mesure pour améliorer la performance de ces écoles et faire en sorte que les parents des enfants scolarisés dans ces établissements gardent confiance dans le système public et ne cherchent pas à en partir.

Les pays où le nombre d’établissements privés est le plus important ne sont pas nécessairement les plus performants aux évaluations PISA car la qualité du personnel enseignant est le facteur le plus important à la réussite globale d’un système d’éducation. Réussite pour tous, et ceci quel que soit le milieu social d’origine des élèves.

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Categories: Laïcité

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