PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’instit’humeurs – France TV Info – le 5 juin 2013 :

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L’un des sujets les moins abordés dans les médias, concernant les nouveaux rythmes scolaires, est le coût que cela va représenter pour les enseignants. Je me suis amusé à calculer combien le passage à la semaine de 4 jours et demi allait me coûter, à moi, instit lambda, dix ans de carrière, deux enfants. J’aurais peut-être pas dû.

Pour la semaine de 4 jours et demi

Avant toute chose, il me faut ici redire que je suis POUR la semaine de 4 jours et demi, parce que je pense que les journées sont trop chargées pour les élèves, les heures de classe trop denses, et que les premiers à en pâtir sont les élèves en difficulté, qui s’enlisent. Je ne suis pas persuadé que la réforme des rythmes qui sera mise en place à la rentrée 2013 soit la meilleure, je ne vois pas trop le gain pour la classe en l’état actuel, parce que le volume horaire annuel ne change pas, que les heures de classe seront donc toujours aussi denses et que j’ai beaucoup de doutes sur la qualité du périscolaire qui sera mis en place ; j’attends une réduction des vacances d’été qui me donnerait deux semaines de plus pour boucler un programme démentiel que le ministre a encore alourdi avec la morale laïque, j’attends avec encore plus d’impatience un indispensable allègement de ces programmes sans lequel l’allègement des rythmes ne sera que chimère ; enfin j’aurais préféré le samedi matin au mercredi matin. Je suis pour la semaine de 4 jours et demi, donc, mais pas tout à fait celle qui nous attend, on l’aura compris.

En septembre, les élèves de ma ville seront parmi les 22% de petits Français à essuyer les plâtres. La formule retenue est la suivante : le lundi et le jeudi, on aura classe de 8h30 à 16h30, comme aujourd’hui. Le mardi et le vendredi, les cours s’arrêteront à 15 heures, laissant la place à une heure et demie d’activités périscolaires, récréation incluse. Le mercredi matin, classe de 8h30 à 11h30, donc.

rythmes

Finie la cantine

Comme bien des instits de France et de Navarre, je "fais la cantine" plusieurs fois par semaine, histoire d’arrondir mes fins de mois (pour ceux qui ont encore des doutes sur le fait que les instits français sont mal payés, petite session de rattrapage par ici). Cette année, je fais la cantine deux fois par semaine, une collègue fait les deux autres jours, on assure donc un service hebdomadaire complet à deux. Deux heures de travail à chaque fois, à 10,37 € brut de l’heure, soit 9,46 € net. A raison de 36 semaines à 37,83 €, j’ai donc gagné cette année 1 362,19 € net en faisant la cantine.

La réforme des rythmes scolaires prévoit une heure par semaine d’Activité pédagogique complémentaire (APC), qui sera coupée en deux fois une demi-heure dans notre commune, sur le temps de pause du midi. Du coup, ces deux midis-là, pas question de faire la cantine. Comme ma collègue fera son APC les mêmes jours que moi (on ne peut pas choisir ses jours), on ne pourra plus assurer à nous deux un service hebdomadaire complet : il nous faudrait à chacun un demi-service. Or la commune ne propose pas de demi-service, les animateurs qui seront recrutés l’année prochaine le seront à titre hebdomadaire sur un service complet…

Donc, l’année prochaine, plus de cantine, ni pour ma collègue, ni pour moi. Manque à gagner : 1 362,19 € net. A ceci, il faut ajouter le prix des repas, aujourd’hui compris dans le service, demain à payer : 3,79 € le repas pour ce qui me concerne (bon, d’accord, c’est pas cher, mais croyez-moi, le rapport qualité-prix est encore défavorable), soit 272,88 € supplémentaires sur un an.

Coût total de l’arrêt de la cantine : 1 635 €, soit une baisse de mes revenus annuels de 6,75% environ. Presque un salaire. Le prix de chouettes vacances.

Frais de garde de mes enfants

J’ai une petite fille en bas âge, que je fais garder par une assistante maternelle agréée tous les jours (trop de demandes pour la crèche dans ma ville, pas de place pour nous). Tous les jours sauf le mercredi. Enfin, ça, c’était avant. Dès la rentrée de septembre, il me faudra laisser mon enfant chez la nounou au moins la matinée (dès 7 h 30, histoire d’être dans ma classe à l’heure), soit, temps de transports compris, 5 heures minimum repas inclus, soit la journée complète facturée. Petit coup de calculette : l’année prochaine, je vais devoir débourser 1 116 € de frais supplémentaires de nounou. Heureusement, notre nounou n’est pas très chère (et elle est géniale).

Voilà pour la petite. Mais j’ai aussi un aîné. Il se trouve que je n’habite pas dans l’académie dans laquelle je travaille. La ville où je réside ne passera aux 4 jours et demi qu’en 2014, et mon fils avec. L’année prochaine, il faudra donc que je le laisse au centre de loisirs le mercredi matin. Je ne pourrai le reprendre qu’après le repas, ce qui me reviendra chaque mercredi à 7,90 €, soit 284,40 € sur l’année.

Coût total des frais de garde générés par les nouveaux rythmes : 1 400 €.

Frais de transport

Il se trouve que je vais à mon travail en transports en commun, et que j’ai un abonnement ; je n’aurai donc pas de frais de transport supplémentaires en allant un jour de plus chaque semaine à l’école. Mais de nombreux instits n’ont pas ma chance et vont à l’école en voiture… or le prix de l’essence n’est pas à la baisse, vous devez être au courant.

Je pose zéro et je retiens trois…

L’année prochaine, le passage à la semaine de 4 jours et demi va donc me coûter 1 635 € à cause de la fin du service de cantine + 1 400 € de frais de garde supplémentaires pour mes deux enfants, soit au total 3 035 €, ce qui correspond à 12,5 % de mes revenus (bon d’accord, là je triche, les frais de garde sont à répartir entre la mère de mes enfants et moi). Voilà ma situation, ce n’est que la mienne, tous les instits n’auront pas les mêmes frais, certains n’auront pas les miens, en auront d’autres…

Dites donc, ça tombe bien que je sois assez attaché à mes convictions, dans l’ensemble : j’aurais presque de quoi être contre la semaine de 4 jours et demi, vu ce qu’elle va me coûter l’année prochaine !…

Fort heureusement, le ministre a prévu un geste : on parle de 90 € annuels. Mais c’est pas encore sûr.

 

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