PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Blog de Bernard Desclaux – le 21 septembre 2013 :

Accéder au site source de notre article.


En préparant mon intervention à la prochaines Journée nationale du Refus de l’Échec Scolaire (JRES) organisée par l’Afev, en partenariat avec le cabinet d’études Trajectoires-Reflex et plus de trente organisations , le 25 septembre, j’ai bien sûr abordé le thème de l’état formateur. En France l’état est garant de la formation professionnelle, en très grande partie au travers des diplômes, mais aussi des modalités de formations. On rappellera quelques étapes pour la partie formation initiale.

 

Etat éducateur

Claude Lelièvre, sur son blog d’Educpros il y a quelques jours avait rappelé l’émergence en France en 1763 de la notion d’état éducateur avec le texte de Louis-René de Caradeuc de La Chalotais.  « Dans son « Essai d’éducation nationale » (le titre est significatif) La Chalotais veut une « éducation nationale » parce que « toute nation a un droit inaliénable et imprescriptible d’instruire ses membres ; parce que les enfants de l’Etat doivent être élevés par des membres de l’Etat ». ». Cette notion se diffuse en Europe lors de la construction des états modernes (Les stratégies de l’État éducateur, Etudes de cas et problématiques par Natalie Petiteau).

Mais des transformations de cette notion apparaissent. Yves DUTERCQ (2006) dans « Que reste-t-il de l’État-éducateur ? » écrit :  « Le problème est que la nouvelle régulation qui domine actuellement en France les politiques éducatives est en fait à l’articulation de deux dimensions : d’une part, une dimension supranationale représentée par l’Europe, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dont le cadre réglementaire s’imposerait à la réglementation nationale française au point d’interdire à l’État d’imposer sa vision des choses, soit une véritable ambition politique ; d’autre part, une dimension infranationale revigorée par le processus décentralisateur et qui là encore retirerait à la puissance centrale la capacité de produire une politique nationale. ». 

Si ce rôle de l’Etat est amoindri par cette tenaille, il faut relever avec une modification concernant l’objectif. Robert BALLION, Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS) avait déjà écrit dans « Les conduites déviantes des lycéens et l’éducation à la citoyenneté », Ville École Intégration n° 118 – septembre 1999 : « En 1975, le ministère Haby supprime l’éducation civique à l’école, enseignement qui était tombé en fait en désuétude depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La société d’alors, qui s’apprête à entrer dans les Trente Glorieuses, n’a plus besoin de mettre en avant la fonction d’intégration nationale, qui cède le pas à celle d’insertion économique. Avec les réformes Berthoin, Fouchet, on passe de la logique politico-culturelle de l’État éducateur à la logique économique de l’État formateur, développeur. La république, la démocratie ne sont plus contestées, le système économique adresse au système éducatif une forte demande en formation et, dans cette société de croissance, c’est par le biais de l’économique, en étant producteur et consommateur, que l’individu s’intègre à la société. » 

La Charte de la Laîcité est l’une des manifestations spécifique à cette notion d’état éducateur encore vivant pourtant. 

Etat formateur

En France, l’expression « formation professionnelle » est le plus souvent interprétée comme étant la formation continue ou la formation des adultes… La Revue internationale d’éducation Sèvres a publié un numéro intitulé : La formation professionnelle initiale : une question de société, n° 34, décembre 2003.

Je vous propose quelques extraits de l’article de Vincent Troger : Une exception française La scolarisation de la formation professionnelle initiale.

« Dans beaucoup d’autres pays d’Europe, il existe des établissements équivalents à nos lycées professionnels ou technologiques mais dans aucun d’entre eux ces établissements n’assument une part aussi déterminante de la formation professionnelle initiale. Il convient donc de s’interroger sur cette particularité française. »

J’avais indiqué que la suppression des corporations en France a provoqué une rupture dans l’organisation de la formation(voir mon post « Apprentissage : le contexte historique français »). Au début du XXème siècle l’état a tenté de relancer l’apprentissage. Mais suite à l’échec de la loi Astier du côté des grandes entreprises qui ne relèvent pas le défi de la formation professionnelle par l’apprentissage, l’état dit réagir et prendre un autre chemin. « Cette réticence de la majorité des entreprises à participer à l’effort de formation explique le développement de l’enseignement professionnel. En effet, d’abord dans la France occupée et dirigée par le gouvernement de Vichy, puis après la Libération, un certain nombre d’initiatives vont occuper un terrain laissé en quelque sorte en friche par l’échec des efforts antérieurs en faveur d’une prise en charge collective de l’effort de formation par les entreprises. »

Bernard Porcher dans « La formation professionnelle initiale du second degré » précise : « Le régime de Vichy entend renforcer les pouvoirs de l’État (monopole sur l’organisation des examens et la délivrance des diplômes) et revaloriser le travail manuel. Il crée un enseignement professionnel de masse, organisé par l’État, distinct de l’enseignement technique et complètement intégré à l’appareil scolaire. Ces deux types d’enseignement se séparent progressivement. Ainsi, les centres de formation professionnelle, créés en 1939, deviennent centres d’apprentissage en 1944, collèges d’enseignement technique en 1960 (réforme Berthoin), lycées d’enseignement professionnel en 1976 puis lycées professionnels (LP) en 1985. Quant aux écoles pratiques de commerce et d’industrie, créées en 1892, elles sont transformées en collèges techniques en 1941, en lycées techniques en 1960 (réforme Berthoin), puis en lycées technologiques en 1985. »

Ainsi une forme de monopôle de la formation professionnelle initiale s’est installée dans cette période, et Vincent Troger fait le constat suivant : « De ce fait l’enseignement professionnel n’accueille plus que les élèves ayant terminé la scolarité obligatoire au collège en situation d’échec, et les filières technologiques accueillent les élèves qui, en fin de seconde, ont un niveau insuffisant pour poursuivre en enseignement général littéraire, scientifique ou économique. Le sociologue Pierre Bourdieu a désigné les élèves de l’enseignement technologique comme les « exclus de l’intérieur » du système éducatif. » 

Ebauche d’un rappel des séquences historiques

L’état s’occupe du haut : les principales grandes écoles sont créées fin XVIII par l’ancien ancien régime puis à révolution, Les Ponts-et chaussées, Polytechnique, les Mines (le réseau permettant les transports, les techniques pour l’armée, et la recherche de la première énergie industrielle : le charbon).

Dans cette même période les formations de bases des artisans sont mises en péril avec la suppression des corporations.

Mais l’industrialisation se développant, quelques nouveaux acteurs apparaissent : industriels et municipalités qui mettent en place un enseignement technique pour les cadres intermédiaires dirait-on aujourd’hui.

L’état se préoccupe enfin de la formation des ouvriers avec le Cap et l’apprentissage en 1919.

Mais « frilosité » du monde industriel rend nécessaire une scolarisation de ce niveau sous Vichy, puis ce sera l’intégration de ces établissements dans le système scolaire par les CET puis les LP.

Au retour de la guerre mondiale la nationalisation du « technique » crée les lycées techniques.

Dans les années 60-70 création des formations supérieures, BTS dans les lycées puis les DUT dans les Université. Si les BTS furent très bien accueillis dans le secondaire (permettant de l’étendre dans le supérieur), la création des IUT et du diplôme DUT furent très controversés au sein des Universités. Ainsi lors de la création du premier IUT à Angers, les enseignants qui acceptèrent de venir faire cours aux étudiants furent les enseignants de l’Institut catholique d’Angers…

Les formations professionnelles dans le supérieurs s’étant démultipliées hors de l’Université, celle-ci a finalement réagit en créant également des formations professionnelles (DESS puis Master et enfin licence professionnelle). 

Deux ressources pour élargir ces propos :

 

 

Bernard Desclaux

Print Friendly
Categories: 4.2 Société

Répondre