PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Ministère de l’Education Nationale – le 27 septembre 2013 :

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George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, s’est exprimée lors du colloque de la mission relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites, à l’Assemblée nationale, le vendredi 27 septembre 2013.

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs,

Je suis honorée de participer à cette Journée nationale d’échanges sur "L’anticipation et l’accompagnement des opérations d’évacuation de campement".

Cette journée démontre qu’il est possible de mener un débat apaisé sur un sujet où la passion et l’irrationnel priment malheureusement.
C’est aussi pourquoi je profite de cette occasion pour rendre hommage, au nom du gouvernement, à l’action certes difficile mais ô combien salutaire, du préfet Alain Régnier et de l’ensemble de la Mission.

En tant que ministre déléguée chargée de la réussite éducative, je suis avec une attention particulière la question de la scolarisation des enfants Roms, véritable enjeu pour la vie future de ceux-ci, mais aussi pour l’inclusion des familles qui se sont engagées dans une démarche d’insertion.
La scolarisation est une condition sine qua non de l’insertion.

Ce postulat vaut tant pour l’État que pour les familles Roms.

La circulaire interministérielle signée le 22 août 2012 souligne la responsabilité de la puissance publique vis-à-vis des enfants vulnérables et victimes de préjugés, donc des enfants Roms.

Ainsi, conformément à l’esprit de la circulaire du 26 août 2012, j’ai impulsé la publication de trois circulaires sur la scolarisation effective des enfants allophones arrivants, des enfants issus de familles itinérantes et de familles sédentarisées depuis peu. Le cas des enfants roms est souvent à l’intersection de ces trois situations.

Si ces circulaires ont chacune un objet propre, elles se complètent et se combinent autour d’un même principe, celui suivant lequel l’accès à l’École est un droit fondamental de tout enfant, y compris donc des enfants Roms.

Les particularismes sociaux et culturels ne sauraient justifier le non-respect de nos principes fondamentaux et de nos engagements internationaux comme la Convention internationale des droits de l’Enfant : la République est responsable de la scolarisation de tous les enfants. Les conditions de cette scolarisation ne doivent pas porter atteinte à la dignité de l’enfant, ni obérer ses chances de réussite.

L’"école pour tous" n’est pas un credo démagogique, mais une expression politique du principe juridique d’égalité ou de non-discrimination sur lequel repose notre République.

Nous sommes conscients des difficultés posées, notamment pour les habitants des quartiers populaires souvent les plus exposés à des conditions de cohabitation insatisfaisantes. Il n’est pas évident de rompre avec des décennies, voire des siècles d’indifférence et d’exclusion qu’ont connus les familles Roms et qui ont induit certains comportements qui dérangent parfois.

Notre gouvernement veut, conformément à l’esprit de la circulaire du Premier ministre du 26 août 2012,  assumer en la matière une politique courageuse et volontariste, qui dépasse de loin le simple démantèlement de campements illicites.

Trois axes de l’action gouvernementale méritent ici d’être soulignés :

Le respect de l’ordre public

Notre politique connaît certes un volet coercitif, mais légitimé par les exigences d’ordre public, des exigences d’intérêt général par définition.

Nous rejetons tout discours essentialiste. Nous croyons au contraire que tout enfant est éducable et que nul n’est délinquant ou marginal par nature. Mais, il est de la responsabilité de la puissance publique de faire respecter la Loi, y compris en démantelant des campements illicites et dangereux, pour des raisons d’hygiène et de salubrité publique, en luttant contre la criminalité et autres réseaux quasi-mafieux. Pour autant, il ne s’agit pas seulement d’évacuer, de démanteler ou d’expulser.

Une politique équilibrée, ferme et humaniste, respectueuse à la fois de l’ordre public et de la dignité humaine , signifie une application effective des indications de la circulaire, à commencer par le déclenchement systématique et le plus en amont possible d’un travail de concertation, de diagnostic et d’accompagnement des populations présentes dans les campements (scolarisation, santé, habitat, emploi).

Je salue à cet égard l’action positive de nombreuses associations qui se dévouent sans compter pour aider les populations les plus démunies.

Les familles Roms doivent aussi bénéficier d’un meilleur accès aux soins de santé. Les conditions sanitaires dangereuses qui caractérisent la vie dans ces campements contreviennent également au respect de l’ordre public et doivent être suivies dans l’intérêt même du voisinage.
Il convient en conséquence d’accroître le niveau de vaccination de ces populations, d’améliorer la confiance entre les personnels de santé et les patients, d’améliorer l’accompagnement des filles-mères et de renforcer la médiation sanitaire.

La coopération internationale, y compris la coopération décentralisée

L’action gouvernementale se déploie au-delà de nos frontières, la "question Rom" doit être traitée au niveau européen et d’abord bien sûr dans les pays d’origine, mais sans confondre les solutions possibles pour des ressortissants de pays tiers et pour des ressortissants de pays membres de l’espace européen. La controverse sur l’espace Schengen ne semble pas essentielle en l’espèce.

Cette réalité nécessitait le développement de la coopération en direction de nos partenaires européens dont sont originaires les familles Roms installées en France.

Résultat de la coopération bilatérale entre la Roumanie et la France, le programme de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a financé 500 projets en Roumanie, afin notamment d’assurer et de faciliter leur retour en Roumanie, mais aussi leur réintégration dans les communautés d’origine.

Ce type d’action est prolongé par la coopération décentralisée et la signature ainsi des contrats de coopération entre les localités d’origine et les collectivités territoriales françaises.

Depuis le début des années 90, les territoires dont sont originaires les populations dites "Roms" ont vu la multiplication d’initiatives locales.
La coopération décentralisée franco-roumaine est dense : on dénombre aujourd’hui plus de 250 partenariats, dont une cinquantaine concerne des projets structurants sur des thématiques comme l’intégration sociale des populations défavorisées dont font partie les Roms.

L’intégration/l’insertion sociale

Parce que la marginalité n’est pas une fatalité pour les familles Roms, leur insertion sociale doit être possible pour ceux qui en expriment la volonté.
Un tel projet suppose l’amélioration de l’accès au Droit, de l’accès aux droits. 

  • Améliorer l’accès à l’École. Souvent il nous appartient de peser fortement auprès des communes pour assurer l’obligation de scolariser ces enfants, mais aussi auprès des familles pour faire respecter l’obligation d’assiduité. Notre seul fil conducteur est l’intérêt des enfants.
  • Améliorer l’accès à l’emploi, par un assouplissement des contraintes des mesures transitoires en vigueur jusqu’à fin 2013, limitant l’accès au travail en France pour les Roumains et les Bulgares ; ces mesures appliquées en France, comme dans sept autres pays européens, limitaient le marché de l’emploi à 150 métiers dits "en tension", après la délivrance d’un permis de travail et le versement d’une taxe à l’OFII par l’employeur. Un arrêté publié le 14 octobre 2012 au Journal officiel, a supprimé cette taxe et a étendu la liste des emplois accessibles aux Roms à 291 métiers contre 150 auparavant.

Ces mesures transitoires restreignant le droit au travail des Bulgares et des Roumains ont de toute manière vocation à être levées le 1er janvier 2014.
Je précise qu’ensuite les ressortissants roumains devront toujours, et comme n’importe quels citoyens européens, respecter une condition de ressources pour résider de façon régulière sur notre territoire.

  • Améliorer le droit au logement, à travers des "villages d’insertion" de véritables sites de transition ont été créés. En plus d’un logement, ils apportent un accompagnement social et professionnel aux familles.

Le gouvernement soutient ces sites de transition qui sont autant de  sas de réinsertion sociale. C’est ainsi que le Premier ministre a nommé un directeur de projet «campement» pour mieux anticiper et accompagner les opérations d’évacuation en région île-de-France, et dont l’une des missions consiste précisément dans la mise en place de sites de transition.

Le cas de la ville de Strasbourg offre ici un exemple de bonne pratique : le développement de bidonvilles sur la commune de Strasbourg a conduit la municipalité à engager une action tendant à résorber les campements présents sur son territoire. Dès 2011, elle a ainsi aménagé un espace temporaire d’insertion afin d’accompagner des familles vers l’insertion : l’espace 16.

Proche des transports en commun et situé en centre-ville, l’espace 16 est composé de vingt-six caravanes et d’infrastructures sanitaires. Ce programme concerne aujourd’hui quatre-vingt quatre personnes, dont dix-huit enfants (vingt-deux familles).

Les populations concernées sont responsabilisées à travers la création du Conseil de vie social (CVS), lequel est composé des adultes du site et permet l’organisation de la vie quotidienne sur l’espace 16. Ainsi, les bénéficiaires du projet sont inclus dans la gestion de ce dernier, ce qui permet de les investir d’une responsabilité vis-à-vis de sa réussite.

Deux travailleurs sociaux de l’association « horizon amitié » sont chargés de l’accompagnement social. Un contrat précisant les objectifs d’insertion et les règles de fonctionnement de l’espace 16 a été signé par les familles bénéficiaires.

Une campagne d’information relative à la santé a été lancée auprès des bénéficiaires du projet. Elle abordait notamment les maladies sexuellement transmissibles, la tuberculose et l’hygiène dentaire, ainsi que le fonctionnement du système français de santé.

Un partenariat établi avec les services de l’éducation nationale a permis de scolariser et d’accompagner tous les enfants en mobilisant enseignants, parents et associations de quartier. Un soutien scolaire a été apporté, et l’accent a été mis sur l’obligation d’assiduité.

Tous les bénéficiaires âgés de seize ans et plus ont été inscrits à des cours d’apprentissage du français qui ont notamment permis d’aborder les règles de base de la vie dans la société française. Plus de la moitié des individus concernés ont suivi ces cours avec assiduité.

Le bilan de l’opération étant très positif, la municipalité a souhaité poursuivre ses actions pour une extinction rapide des différents campements illicites disséminés sur le territoire de la ville.
En janvier 2013, une équipe dédiée a ainsi été créée au sein de la Direction des solidarités et de la santé. La ville travaille aujourd’hui en synergie avec l’État, le Conseil général, la Région et les associations permettant la mise en place d’un plan d’action global pour réellement améliorer la situation  des familles concernées.

À la demande de la ville, ce plan d’action s’appuiera sur la création d’une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS), dont une partie du financement sera assurée par l’État, grâce aux crédits du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale dédiés à l’anticipation et l’accompagnement des évacuations de campements dans le cadre de la circulaire interministérielle du 26 août 2012.

Ensemble, faisons que la situation des familles Roms échappe à la pure et simple instrumentalisation politique, pour trouver au contraire des solutions puisées dans les principes et valeurs de la République. Notre pays a su, au fil du temps, intégrer des populations variées, souvent marquées à leur arrivée par la précarité et la marginalité. Nul n’a oublié les bidonvilles de Nanterre, de Champigny ou de Villeneuve-Saint-Georges où s’agglutinaient dans la boue les portugais ou les maghrébins. Nul doute que le défi posé par ces nouveaux déshérités n’est pas au-dessus de ses forces si les efforts sont justement répartis à travers notre pays et les différents pays d’Europe.

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