PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Slate.fr – le 4 octobre 2013 :

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Vincent Peillon veut du mal aux enfants. Tous les médias recueillent des témoignages de parents d’enfants fa-ti-gués, épuisés, essorés. Certains parents nous le disent: «Mon enfant n’est plus que l’ombre de lui même.» A cause des nouveaux rythmes. Oulala! La fatigue c’est vraiment dur! Qu’est-ce que c’est dur! Et puis avant, ailleurs, autrement, les enfants n’avaient jamais été fatigués. La fatigue c’est so rentrée 2013, et tout ça c’est la faute de l’école le mercredi matin.

Je me pose beaucoup de questions sur l’organisation des nouvelles journées d’école. J’ai compris qu’il est très difficile pour les enseignants de laisser leurs salles de classe à d’autres activités. «C’est un espace sacré», me disait une institutrice qui a vu passer beaucoup de réformes mais qui, là, se sent vraiment agressée. De plus, l’idée que le mercredi est un jour fait pour se reposer perdure.

 

Dans les réunions de rentrée, il a été précisé dans plusieurs classes que «le mercredi matin allait être consacré à des activités calmes car les élèves sont fatigués». Un contresens par rapport à l’esprit de la réforme, qui transfère des heures de classe au mercredi matin pour la raison qu’on apprend mieux le matin… C’est vrai que l’école apparaît un peu désorganisée.

Mais faut-il une fois de plus le rappeler? Jusqu’à ce que la réforme soit effectivement lancée, la nécessité de redonner à l’école un rythme hebdomadaire de 4 jours et demi faisait l’objet d’un véritable consensus. Luc Chatel avait lancé une commission sur la question et sa conclusion était sans appel. L’académie de médecine, qui n’est pas sous la coupe des passionaria du périscolaire, le rappelait en mars dernier. Elle avait surtout publié un rapport très complet sur la question en 2010. Avant les élections, le SNUipp, principal syndicat d’enseignants du premier degré, était sur le principe favorable à la réforme; mais il a suivi sa base, très contestataire sur ce dossier, surtout à Paris.

Nous avons survécu

C’est aussi un dossier sur lequel on a du recul et de l’expérience. D’abord parce qu’avant 2008, nous nous rendions quand même à l’école le samedi matin, y compris en maternelle, et que nous avons survécu. Et puis parce que de nombreuses communes ont déjà mis en place des projet éducatifs qui articulent scolaire et périscolaire.

Depuis 30 ans, Claire Leconte, spécialiste de la chronobiologie, travaille sur cette question. Elle préfère parler du «temps des enfants» plutôt que de rythmes. Elle a piloté des dispositifs expérimentaux, notamment à Lomme. Tout cela est extrêmement documenté, allez voir sur son blog. Des villes comme Toulouse, mais aussi Vélizy en banlieue parisienne, font du périscolaire de qualité depuis des années avec une semaine de 4 jours et demi.

Les gens ne se roulent pas par terre et les enfants sont toujours en bonne santé. Peut-être aurait-on pu s’inspirer davantage de ce qui fonctionne bien dans certaines communes pour mettre en place les nouveaux projets…

Quelques remarques en passant: on n’entend pas beaucoup les responsables du périscolaire, les animateurs. Peut-être ont-ils des choses à dire sur leur façon de travailler, leur organisation et même leur conception de l’éducation. C’est dommage, mais trop souvent les parents ne tiennent les seules informations sur ce qui se passe pendant la journée que de la bouche d’enfants qui ne sont pas toujours très clairs.

Que disent les animateurs?

Peut-être que les choses seraient finalement plus simples s’ils pouvaient pénétrer à l’intérieur des écoles primaires pour venir y déposer et chercher leurs enfants, si on pouvait parler à des gens sans qu’ils se sentent agressés.

Dans le flot de ce qui s’écrit et se dit sur le sujet, on a pu lire et entendre des interventions intéressantes pour défendre la réforme. Citons le billet de l’enseignante et auteure Mara Goyet, Antoine Prost qui s’indignait mercredi sur France Culture (oui, dans mon émission) de l’irresponsabilité des politiques. L’historien nous rappelle qu’il est impossible de réformer sans un minimum de consensus social et politique et surtout sans continuité comme le montre l’histoire de l’école en France.

Mais le dossier est maintenant trop politisé et instrumentalisé Le ministre de l’Education nationale est en train de le perdre parce que ce dossier est hystérisé. Les municipales approchent, l’UMP a sauté sur l’occasion pour faire fructifier le mécontentement. Et le cocktail explosif opposition + enseignants sceptiques + parents mécontents est en train d’exploser à la figure de Peillon. Et c’est donc un syndicat de gauche, le SNUipp, qui aura offert un boulevard à la droite pour les municipales à venir. Une droite qui se contredit elle-même sur le sujet. Le monde de l’éducation est décidément fascinant.

Louise Tourret

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