PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In France Monde – le 13 octobre 2013 :

Accéder au site source de notre article.


« On a tous une névrose scolaire importante », constate le pédopsychiatre Marcel Rufo, qui se dit favorable à la réforme des rythmes scolaires.

Vous allez bientôt donner une conférence sur le thème « Comment lui faire aimer l’école ? » C’est toujours aussi difficile de faire aimer l’école ?

« La première chose, c’est qu’on a tous une névrose scolaire importante, on a tous eu des craintes scolaires, la peur d’un échec à un examen, la peur de ne pas réussir, on est construit sur le désir et la crainte de l’école. Dès le CP, on pose l’école en termes de carrière et d’avenir. On le voit bien par le désastre que représente le redoublement en CP, qui est une pure ineptie. Je n’ai jamais vu un redoublement en CP qui réussisse, d’ailleurs je n’ai jamais vu un redoublement qui réussisse, sauf peut-être un adolescent qui fait le couillon en première ou en terminale, mais les redoublements en troisième pour les gosses qui ne peuvent pas suivre le circuit général c’est toujours un échec. »

Mais vous constatez un plus grand désamour de l’école actuellement ?

« Pas du tout, au contraire. Je trouve que l’école a plus d’importance maintenant, on le voit bien dans le débat actuel sur les rythmes scolaires. Tout le monde est ministre de l’Éducation nationale et sélectionneur de l’équipe de France de football. Dans mon prochain livre, qui s’appelle « Tu réussiras mieux que moi », l’idée c’est justement l’importance fondamentale qu’a pris l’école de nos jours, et que les parents, quel que soient les milieux, investissent l’école, avec des codes et des règles que certains connaissent moins bien. L’école, c’est l’avenir de nos enfants, et on comprend que l’avenir on puisse en douter, on puisse le craindre. »

Comment vous situez-vous dans la polémique sur cette réforme ?

« Ma position n’est pas politique, elle n’est pas éducative, elle est uniquement celle d’un spécialiste de l’enfance. Cette réforme est indispensable pour les enfants en difficulté d’apprentissage. Un enfant qui a du mal à apprendre a besoin de répétition, c’est plutôt le samedi matin qui doit être incorporé que le mercredi matin, car la rupture des deux jours fragilise les fragiles. Vous verrez que, grâce à cette réforme, on diminuera les 15 % de gosses qui arrivent en sixième sans savoir lire et écrire, vous verrez que ce sera significatif dans quatre-cinq ans à venir, je suis à fond pour cette réforme. Les parents et le week-end, je m’en fiche. L’école, c’est fait pour les enfants, ce n’est pas fait ni pour les parents ni pour les enseignants. »

Les enfants passent de plus en plus de temps devant les écrans, télé, ordis, tablettes, pensez-vous aussi qu’il faut leur donner des règles d’utilisation ?

« Oui, bien sûr, mais en même temps il ne faut pas diaboliser cet outil absolument merveilleux, on a avec soi une encyclopédie Universalis. Internet est merveilleux pour maintenir une continuité pédagogique, comme on a une continuité des soins ; il ne crée pas de maladie, il révèle une pathologie. L’enfant qui va être addict ne sera pas rendu malade par internet, au contraire, internet va révéler qu’il est obsessionnel, répétitif, qu’il sort de la réalité, c’est un point d’appel pour le faire aider, voire soigner. Un adolescent qui a beaucoup d’amis virtuels a aussi plus d’amis dans la réalité. »

Vous êtes présent dans la presse écrite ( Version Femina ), à la télé (France 5), la radio… Vous jouez le rôle de docteur pour la société ?

« C’est une question qui peut m’être opposée par certains de mes collègues. Je crois que l’idée de la transmission, de l’enseignement, c’est vraiment le fait de ma fonction d’enseignant de pédopsychiatrie, je ne suis pas professeur uniquement pour les spécialistes, je dois essayer de vulgariser les notions un peu complexes du développement de l’enfant. L’agora s’est déplacée par les moyens de communication, le tam-tam de l’internet a multiplié cela, mais je crois que ce qui nous différencie de toutes les bestioles, c’est la notion de notre finitude, de la mort, et surtout la parole. »

Vous donnez des consultations, des conférences, vous êtes dans les médias, vous écrivez des livres… Qu’est-ce qui vous fait courir comme ça ?

« C’est la question de ma fille, qui me demande : mais qu’est-ce que tu veux prouver, papa ? Je réponds de manière assez simple, que dans mon métier on est plutôt compétent tard, il faut avoir fait beaucoup fait de clinique, rencontré beaucoup de gens, pour être serein dans les questions qu’on pose et les avis qu’on donne. Je suis depuis le 1er septembre professeur émérite, c’est un joli titre mais en même temps ça veut dire que ça sent le sapin. Je n’ai plus de fonction hospitalière, mais je vais m’installer avec mes élèves en ville pour faire des consultations trois fois par semaine, je suis essentiellement et fondamentalement un clinicien. »

Avez-vous un conseil à donner pour être de bons parents ?

« Soyez moyens. Soyez des parents à 12/20, c’est ce qu’il faut être. On le voit de manière terrible avec les parents adoptants, qui essaient d’être de trop bons parents. J’admire cette démarche, je ne sais pas si j’en aurais été capable, mais mon conseil c’est de ne pas être trop bons, de montrer de temps en temps vos limites, que vous en avez marre, qu’ils vous cassent les pieds… La frustration est nécessaire, il faut savoir dire non pour que les enfants disent oui. »

Print Friendly

Répondre