PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Médiapart – le 4 novembre 2013 :

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En 2008, la semaine de quatre jours est instituée. Plus d’école le samedi matin. Le temps d’enseignement obligatoire est passé de 26 heures à 24 heures. Les deux heures supprimées ont été proposées par l’enseignant aux familles des enfants en difficulté en soutien scolaire. C’était l’aide personnalisée. Mesure stigmatisante, puisqu’elle ne vise que les élèves en difficulté et discriminatoire, puisque pendant ce temps, les autres élèves bénéficient d’activités culturelles ou de détente.

Une perte sèche de deux heures hebdomadaires d’enseignement, l’équivalent de trois semaines par an. Une concentration du temps scolaire : 144 jours d’école avec une semaine de quatre jours pour un programme scolaire toujours aussi chargé.  De quoi essouffler davantage les enfants et creuser encore les inégalités scolaires.

C’était une mesure démagogique, une décision imposée dans le déni de l’intérêt de l’enfant, des recherches en chronobiologie. Il s’agissait, a-t-on entendu, de permettre aux familles de « se retrouver » le samedi, mais quand on sait que le gouvernement encourageait à cette époque le travail le dimanche, on pouvait en douter !

En 2012, après les élections présidentielles, le nouveau ministre de l’Éducation nationale annonce le retour à la semaine de quatre jours et demi. Dès l’été, une grande concertation pour jeter les bases d’une loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école est mise en place. Un atelier « Des rythmes éducatifs adaptés » de la concertation abordera la problématique, mais le consensus ne sera pas au rendez-vous… L’intérêt de l’enfant est vite oublié dans le cycle des négociations qui suivront le premier projet du ministre qui propose le retour de la semaine de quatre jours et demi avec classe le mercredi matin.

 1. Descriptif du décret sur les rythmes

Le décret[1] relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires est publié le 24 janvier 2013, l’expression « organisation du temps scolaire » enterre le projet sur les temps éducatifs de l’enfant, c’est la semaine scolaire qui est au cœur du décret.

Il prévoit la mise en place d’une semaine scolaire de 24 heures d’enseignement réparties sur 9 demi-journées afin d’alléger la journée d’enseignement. « Les heures d’enseignement sont organisées les lundi, mardi, jeudi et vendredi et le mercredi matin, à raison de cinq heures trente maximum par jour et de trois heures trente maximum par demi-journée. »

« Le directeur académique des services de l’éducation nationale peut donner son accord à un enseignement le samedi matin en lieu et place du mercredi matin lorsque cette dérogation est justifiée par les particularités du projet éducatif territorial et présente des garanties pédagogiques suffisantes. »

 L’organisation de la semaine scolaire de chaque école du département est décidée par le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) agissant par délégation du recteur après avis du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunal intéressé.

Le texte prévoit également la mise en place d’activités pédagogiques complémentaires en groupes restreints pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages, pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école, le cas échéant en lien avec le projet éducatif territorial. L’organisation générale de ces activités pédagogiques complémentaires est arrêtée par l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription (IEN), sur proposition du conseil des maîtres. 

Les deux heures d’aides personnalisées (AP) sont supprimées et remplacées par des activités complémentaires pédagogiques (APC) en groupes restreints d’élèves.

« Art. D. 521-13.-Des activités pédagogiques complémentaires sont organisées par groupes restreints d’élèves :
1° Pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages.
2° Pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école, le cas échéant en lien avec le projet éducatif territorial.
L’organisation générale de ces activités pédagogiques complémentaires est arrêtée par l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription, sur proposition du conseil des maîtres. Les dispositions retenues à ce titre sont inscrites dans le projet d’école. Le maître de chaque classe dresse, après avoir recueilli l’accord des parents ou du représentant légal, la liste des élèves qui bénéficient des activités pédagogiques complémentaires. »

La réalité en 2013

Dans les premiers temps du projet, l’enfant ne quittait pas l’espace scolaire avant 16 h 30, des activités périscolaires ou péri-éducatives gratuites devaient lui être proposées sur les temps libérés par la nouvelle organisation de la semaine scolaire, mais le ministre pour « soulager » les communes les a rendues facultatives et payantes. Ce qui n’a pas encouragé pour autant un grand nombre d’entre elles à choisir la nouvelle organisation du temps scolaire pour la rentrée 2013. En effet, selon l’article 4 du décret :

 « Toutefois, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut, au plus tard le 31 mars 2013, demander au directeur académique des services de l’éducation nationale le report de l’application du présent décret à la rentrée scolaire 2014 pour toutes les écoles de la commune ou des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale. »

Le retour à la semaine de quatre jours et demi dans le primaire a concerné en septembre 2013 près de 4.000 communes et 1,5 sur les  6,6 millions d’écoliers. La réforme est facultative pour le privé sous contrat. Selon le ministère de l’Éducation nationale, 17 % des communes et 22 % des élèves ont été concernés par la réforme des rythmes scolaires dès la rentrée 2013. Sur 2013/2014, le fonds destiné à aider les communes qui se lancent les premières dans la réforme sera financé par une dotation de la Caisse d’allocations familiales et des fonds du budget de l’État (ce fonds devrait être reconduit en 2014/2015). Le choix des communes souhaitant attendre la rentrée 2014 a été souvent dicté par le coût financier que représente la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, lié au transport, à la cantine, au recrutement d’animateurs ou encore à l’organisation d’activités.

Quelques exemples d’aménagement

Les communes ont fait différents choix afin de « récupérer » les trois heures de classe du mercredi matin ou du samedi matin. Certaines réduisent le temps scolaire : 15 minutes de moins le matin à 8 h 45 au lieu de 8 h 30, pause du midi allongée de quinze minutes, quinze minutes de moins le soir 16 h 15 au lieu de 16 h 30. La réforme peut ici se faire plus en douceur financièrement, sachant que seul le temps de garderie du matin, du soir et du midi est modifié. Une autre variante de cette approche consiste à réduire les journées d’une heure avec des activités périscolaires mises en place le plus souvent, le soir après la classe.  Le raccourcissement de la journée de classe de 45 minutes tous les soirs durant lesquelles sont proposées des activités périscolaires facultatives est également possible, mais il présente plus d’inconvénients en termes de planification et pilotage. Autre possibilité, le regroupement des activités périscolaires sur deux jours, soit deux fois une heure trente environ.

 2. Les inquiétudes

  • Le temps de l’enfant réduit à celui de l’école

Lorsqu’on sait que la plupart des enfants passent 45 heures en dehors de leur famille par semaine (hors vacances), il est essentiel de considérer le temps de l’enfant dans sa globalité.

Dans ce temps, il y a bien sûr les temps éducatifs, les temps de repas et de repos (dormir, ne rien faire, être seul, rêver…) Le plus souvent, ce qui se passe en dehors de ses murs, n’intéresse guère l’école. Pourtant, l’avant, l’entre et l’après, est aussi long que le temps de classe.

Tous ces temps se suivent sans se regarder et souvent s’opposent dans leur organisation et dans les principes et valeurs qu’ils mettent en œuvre.

Certains privilégient la coopération pendant que d’autres utilisent la compétition et la concurrence.

Certains permettent à l’enfant de participer, de proposer de donner leur avis, alors que les autres perçoivent l’enfant comme un être obéissant et passif.

Certains prônent l’expression et la création et les autres amoncèlent, transmettent et voient l’enfant comme un objet, un vase à remplir.

Certains laissent l’enfant aimer, désirer pendant que les autres obligent et dirigent…

Le mieux n’est pas toujours à l’école, le pire n’est pas toujours dans la structure d’accueil ou de loisirs.

On entend depuis la parution du décret et du temps périscolaire qu’il occasionne, des inquiétudes d’enseignants et de parents sur la qualité des contenus des propositions éducatives, des méthodes pédagogiques et sur la formation des animateurs. C’est une excellente chose. Il faudrait aussi s’inquiéter du contenu des heures de classe, des méthodes pédagogiques et de la formation des enseignants.

On entend depuis la parution du décret des inquiétudes sur le long temps passé en collectif par les enfants. C’est une réalité, mais décret ou non, il ne change pas quantitativement. Et comment pourrait-il diminuer ? Arrêter de travailler pour les mères ou les pères ? Donner les moyens pour les familles de s’offrir des éducateurs à domicile ? Diminuer le temps de travail ? Engager une révolution économique ?

En attendant… il est urgent de mettre le qualitatif au cœur de tous les temps éducatifs et de repos des enfants.

Difficile, car le décret sur l’aménagement du temps ne prend pas en compte le temps de l’enfant dans sa globalité, il le réduit à la journée et à la semaine scolaire. Pourtant, le temps de l’enfant, c’est tous les jours, toutes les semaines, toute l’année. Ce temps devrait pouvoir s’étendre tranquillement sans pression, sans discordances avant, entre et après l’école (vacances comprises). 

  •  L’heure d’Activités pédagogiques complémentaires (APC)

Elle risque de se réduire à ce qui se faisait avant le décret, avec une heure de moins. Elle peut ne pas concerner tous les enfants et se centrer sur les élèves en difficulté scolaire.

– le soutien aux élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage, qui ressemble à s’y méprendre à l’aide personnalisée (AP) avec les défauts signalés en introduction : mesure stigmatisante, puisqu’elle ne vise que les élèves en difficulté et discriminatoire, puisque pendant ce temps, les autres élèves bénéficient d’activités culturelles ou de détente.

– le soutien au travail personnel, ce qui justifierait de donner des « devoirs » même si le terme est supprimé, pourtant interdits depuis 1953 sous une forme écrite et qui a mobilisé encore en 2012 les parents d’élèves (FCPE) et le mouvement Freinet (ICEM – pédagogie Freinet).

Les deux heures d’activités complémentaires auraient pu être une opportunité d’offrir aux enfants un accès différent à la culture, de permettre aux enseignants de travailler avec d’autres acteurs de l’éducation, de donner un peu plus de cohérence au temps de l’enfant. Ce n’était qu’une amorce, certes, mais l’on pouvait imaginer une suite… L’ouverture aux activités culturelles pour tous les enfants se réduit comme peau de chagrin au profit des activités purement scolaires.

Combien d’équipes enseignantes proposeront aux enfants la troisième possibilité du décret : une activité prévue par le projet d’école, en lien (ou non) avec le projet éducatif territorial (PEdT) ?

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