PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’Expresso – le Café Pédagogique – le 22 novembre 2013 :

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Rattraper le retard d’équipement, résorber les inégalités territoriales, s’adapter à la demande… Les collectivités locales entendent bien s’emparer de la question de l’éducation numérique et ne plus se laisser dicter leurs choix par des instances de décision supérieures. À l’heure où les financements locaux sont difficiles et les activités périscolaires gourmandes, plus question de se plier aux demandes d’équipements exclusivement scolaires du Ministère ou du Département. Lors d’une conférence au salon Educatice, en écho au salon des Maires de France, les associations d’élus précisent leurs positions. 

Autour de Pascale Lucciani-Boyer, Présidente de la commission numérique pour l’Association des Maires d’Île-de-France (AMIF), John Billard, président de l’association des Maires ruraux d’Eure-et-Loire, Jean-Loup Burtin, de la Degesco, Guy-Noël Noguera, responsable de projet à l’UGAP (centrale d’achat public) et Arnaud Wauquier, vice-président de l’ANDEV (association des Directeurs Éducation des Villes), ont confronté leurs perspectives lors d’une table ronde sur École et numérique, comment rattraper le retard ? 

Pour les communes rurales, souvent peu équipées, financement et problèmes de réseau priment sur le reste. Le reste, c’est entre autres l’absence de conviction d’une partie des enseignants du monde rural, à l’égard desquels John Billard en appelle à une action plus volontaire de la part du Ministère. L’annonce d’une prise en charge des frais de mise en réseau par l’État dans ces territoires, lors du Salon des maires, devrait contribuer à réduire la fracture numérique entre mondes rural et urbain. 

Mais cela suffira-t-il à satisfaire la demande des citoyens, qui paient des impôts et veulent des équipements numériques à la hauteur ?, demande Pascale Luciani-Boyer. La problématique de toutes les villes, quelle qu’en soit l’importance, est la même partout : le financement. Qui doit payer quoi ? C’en est fini, affirme Arnaud Wauquier, du temps du « nous, on sait, vous, vous payez ! » Les acteurs politiques locaux veulent un vrai rôle de décision dans l’éducation numérique. D’autant, remarque-t-il, que les politiques sont contraints d’examiner chaque dépense de fonds publics. On peut interroger la pertinence d’autres dépenses, comme l’accessibilité des locaux ou le mobilier, etc., pour dégager des moyens supplémentaires pour le numérique. 

La question est celle du mode de gouvernance, à partager entre l’Éducation nationale et les collectivités. Il faut établir des instances collectives de décision qui intègrent aussi jusqu’aux enseignants de terrain. Pour Jean-Loup Burtin, les maires ne s’y retrouvent pas dans l’offre numérique des 3 politiques publiques qui se sont succédées depuis le Ministère Darcos. Le problème de gouvernance se pose à un double point de vue : la proximité, qui ne permet pas aux Conseils Généraux de décider avec précision des besoins de territoires souvent hétérogènes ; et la transversalité qui demande un projet éducatif numérique global, aussi bien pour l’éducatif scolaire que péri-scolaire. 

Invité à présenter la commande d’équipements du ministère, Guy-Noël Noguera explique qu’elle est double : d’une part la mise à disposition pour les écoles d’équipements complets pour les classes, d’autre part la proposition d’un espace numérique de travail (ENT) accessible à tous, facile à utiliser et à maintenir, pour les collectivités. L’UGAP, sous la double tutelledes Ministères de l’Éducation et  des Finances, est dispensée d’appel d’offres. P. Luciani-Boyer y voit un manque de liberté dans le jeu de la concurrence commerciale pour les acheteurs. L’avantage est de faciliter la confection de « package » et de fournir des solutions de maintenance plus efficaces, explique le représentant de l’UGAP : une plate-forme centrale d’appels pour un dépannage en 5 jours, par exemple, quelle que soit la marque du matériel. Trop long ! se récrient des responsables d’école, quand on sait qu’un TNI en panne immobilise une classe, le délai d’une semaine est excessif. 

C’est par l’approche d’un projet global commun, objecte J.L. Burtin, que doit être abordée la question de l’éducation numérique, pas par l’entrée du matériel. Il n’y a pas de réponse monolithique qui soit adaptée, par exemple sur la question des ENT. Il faut d’abord préciser le projet, se « mettre en mode projet » d’un point de vue collectif, en intégrant ensemble les usages scolaires et périscolaires à l’échelle locale, par exemple par le conseil d’école, qui inclut la Mairie. 

En somme, les acteurs des collectivités locales veulent faire entendre l’idée d’une gestion du numérique à partir du terrain, des besoins, des moyens et des attentes réelles, sans la tutelle verticale d’instances qui les dépossèdent de la décision tout en leur en transférant la charge. Pour le monde enseignant, c’est aussi l’ébauche d’un déplacement de l’autorité de l’État vers les échelons locaux en matière d’enseignement. Une perspective qui n’est pas nécessairement souhaitable à leurs yeux. 

Jeanne-Claire Fumet

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