PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Eduveille – le 18 décembre 2013 :

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La polysémie du mot anglais “care” rend difficile une traduction littérale de ce concept qui touche entre autre le monde de l’éducation.  Les pratiques du care sont caractérisées essentiellement par la prise en compte de la vulnérabilité et de la dépendance des individus. Selon P. Paperman : “l’idée, c’est que l’éthique du care est une modalité du rapport à autrui qui concerne tout le monde“.

Un récent article publié par Review of Education  se penche sur cette question et propose une revue de littérature sur les recherches portant sur les pédagogies du care.

Dans le sillage de l’éducation à la morale, l’éthique du care, développée principalement dans les pays anglo-saxons, en particulier par la psychologue Carole Gilligan,  met l’accent sur la notion de vulnérabilité considérée comme l’une des caractéristiques essentielles de la condition humaine. La définition du care donnée par F. Cancian comme “une combinaison de sentiments d’affection et de responsabilité, accompagnés d’actions qui subviennent aux besoins ou au bien-être d’un individu dans une interaction en face-à-face” semble bien qualifier la relation qui pourrait s’instaurer entre enseignant et élève, entre carer et cared for.

Certains chercheurs en éducation ont donc tenté de mieux cerner le rôle que joue le care, d’en mesurer les effets et de définir les contextes dans lesquels il serait un important levier de réussite. La recherche montre que l’utilisation  d’une pédagogie du care peut améliorer l’apprentissage, en particulier quand  l’enseignant rajoute des éléments de “nurturing” (verbe utilisé en anglais pour les divers sens de “cultiver” tout en incluant la notion d’attention, de soin et de développement) dans ses pratiques en classe et son comportement. Il s’agit principalement d’amplifier l’aspect humain de l’enseignement, plutôt que l’aspect technique, en insufflant des concepts moraux et sociaux pour impacter les résultats scolaires, la motivation et le développement moral et social (voir Battistich et al., 1997; Witt et al., 2004; Wilson, 2006; Cornelius-White, 2007).

Les contributions de la philosophe Nel Noddings à l’éthique du care appliquées à l’éducation sont particulièrement éclairantes sur le sujet et définissent ainsi les composantes du care :

  • être attentionné ;
  • être enclin à détecter le besoin des autres ;
  • avoir la volonté/responsabilité de répondre à ce besoin ;
  • avoir les compétences pour répondre à ces besoins ;
  • prendre en compte les sentiments des autres (se mettre à la place de).

Mais comment prendre la mesure du “care” ? Comment mettre en place des valeurs, des vertus, ou encore engendrer une disposition, un état d’esprit à “care for” un élève, une classe, un établissement et le reste de l’humanité si possible ? Qualifiée de très complexe par Noddings elle-même, la pédagogie du care est le fruit d’une relation symbiotique entre l’enseignant et l’enseigné à travers laquelle l’apprentissage se fait par le “modeling” (l’enseignant montre l’exemple : comment être bienveillant, comment accepter cette bienveillance), le “dialogue” (dialogue ouvert et tolérant, prise de décision pour l’élève, échange d’idées), la “practice” (créer un environnement dans lequel peuvent s’exprimer la confiance et l’écoute) et la “confirmation”  (prendre en compte et accepter ou rendre possible l’éthique idéale et la conduite morale de chacun).

Pour rendre plus concrets ces théories, les recherches en pédagogie du care devraient,  principalement pouvoir répondre aux questions suivantes :

  • le care est-il un attribut indispensable de l’enseignant ?
  • le care est-il lié aux disciplines ?
  • Existe t-il des limites dans la relation care et résultats scolaires ?
  • Quels sont les élèves qui bénéficient le mieux de la pédagogie du care ?
  • Quel est l’impact du contexte sur sa mise en place et son succès ?

Pour Noddings, l’éthique du care peut aider les enseignants à “cultiver” les élèves, intellectuellement, socialement et moralement, à un niveau individuel mais également au sein de la communauté.

Références :

  • Andrea Velasqueza, Richard Westa*, Charles Grahama and Richard Osguthorpe (2013). “Developing caring relationships in schools: a review of the research on caring and nurturing pedagogies”. Review of education, vol.1, n°2, juin.
  • Gilligan, C.J. (1982) In a different voice: Psychological theory and women’s development (Cambridge,MA, Harvard University Press).
  • Goodlad, J. I. (1984) A place called school: Prospects for the future (New York, NY, McGraw-Hill).
  • Meyers, S.A. (2009) Do your students care whether you care about them?, College Teaching, 57(4), 205–210.
  • Noddings, N. (1984) Caring: a feminine approach to ethics and moral education (Berkeley, CA, University of California Press).
  • Noddings, N. (2008) Caring and moral education, in: L. Nucci & D. Narv-aez (Eds) Handbook of moral and character education (London, Routledge), 175–203.
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Categories: 4.2 Société

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