PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In La Gazette.fr – le 26 Février 2014 :

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Devant les professionnels de la prévention de la délinquance réunis le 6 février 2014 à Aix-en-Provence, le sociologue Laurent Mucchielli a déploré le détournement de l’action publique de prévention et a appelé à la définition d’une stratégie politique. Il répond aux questions du Club prévention sécurité.

Comment analysez-vous l’évolution récente de la politique de prévention de la délinquance ?

Nous sortons d’une décennie qui a considérablement brouillé les repères, créant une véritable confusion pour les professionnels de la prévention. Il est urgent aujourd’hui de redonner du sens à cette politique publique. En rappelant pour commencer que la prévention et la répression ne s’opposent pas.

La prévention, c’est l’anticipation et le traitement des causes de la délinquance tandis que la répression, c’est le traitement de l’urgence. Ces deux volets de l’action publique sont indissociables, ils doivent être menés de front ensemble mais ne doivent pas non plus être confondus.

Quel impact a eu cette confusion sur les professionnels ?

Pressés par leurs élus, qui demandent des résultats rapides et visibles, bon nombre de professionnels se sont enfermés dans un rôle de pompiers à traiter les situations d’urgence. Les détournant de fait du coeur de leur mission qui consiste à s’attaquer aux racines de la délinquance.

Prenons l’exemple des violences intrafamiliales. La prise en charge des victimes et des auteurs est certes la première mission à remplir. Mais les acteurs de la prévention doivent aussi réfléchir au sort des enfants car toutes les études montrent que les adolescents auteurs d’agression sexuelle ont souvent été des enfants victimes ou spectateurs de violences intrafamiliales. La prévention, c’est aussi effectuer ce travail d’anticipation. Pareil pour l’absentéisme, qui cache souvent un échec scolaire ancien et qui est la véritable cause à travailler en prévention.

Le constat d’un essoufflement partenarial est partagé par tous. Comment y remédier ?

Faire travailler ensemble des institutions nombreuses et cloisonnées est une gageure qui aboutit le plus souvent à des formalismes de plus ou moins bonne tenue ainsi qu’à des négociations de couloirs parfois boutiquières. Qui est en capacité à faire jouer une symphonie à des écoles de musiciens aussi différentes ?

Privé d’ingénierie publique sur laquelle s’appuyer véritablement, se heurtant à des cloisonnements et des enjeux de pouvoir divers et variés, étant lui-même élu et généralement très soucieux de sa réélection, le maire doit-il être le pivot des politiques locales de sécurité et de prévention comme la proclame la loi Je n’en suis, à vrai dire, pas certain.

Que préconisez-vous ?

La configuration actuelle ne fonctionne guère. En réalité, le travail ne repose trop souvent localement que sur l’investissement personnel de telle ou telle personne dont le départ peut menacer presque du jour au lendemain des choses construites durant plusieurs années. Il me semble urgent de remettre cette question sur la table de travail.

Mais au-delà, on ne pourra trouver l’esquisse d’une solution que dans le cadre d’un consensus doctrinal et stratégique global sur les politiques de prévention et de sécurité, cadre et consensus qui font depuis longtemps défaut dans notre pays où le thème de la sécurité est à la fois surpolitisé et surmédiatisé.

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Categories: 4.2 Société

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