PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Le fait est qu’en France, la durée de la semaine scolaire est trop longue. Les enfants sont fatigués, saturés. Ceux qui ne comprennent pas le sens des apprentissages scolaires, ceux qui s’ennuient, ceux qui souffrent du sentiment d’échec sont évidemment les plus fatigués, souvent résignés et parfois violents. Par ailleurs, les enfants sont infiniment plus sollicités aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans. Ils reçoivent infiniment plus de stimuli, d’informations, de connaissances. Ils accumulent infiniment plus de savoirs non scolaires. L’Ecole n’est pas encore en capacité de prendre ces savoirs en considération, ce qui accroît leur lassitude et leur désintérêt. La réduction de la semaine scolaire est donc une bonne chose. Le fait est qu’en France, le métier d’enseignant du premier degré a considérablement changé en trente ou quarante ans. Il n’est pas faux de dire que ce n’est plus le même métier. Il est devenu plus lourd, plus fatigant, plus complexe, plus stressant, plus exigeant, même si la moyenne des effectifs des classes au cours de cette période s’est considérablement réduite. La volonté de Lionel JOSPIN en 1989/90 de revaloriser les enseignants du premier degré et d’élever le niveau de leur recrutement prenait en compte cette évidence, mais l’écart entre le temps de travail des professeurs d’école (27h) et celui des professeurs de collège (18h) demeure excessif et difficile à justifier. Que l’on réduise le temps de travail des professeurs des écoles devant les élèves est une bonne chose. La réduction de la semaine scolaire est donc normale, elle était prévisible, elle est approuvée dans les sondages, elle aurait parfaitement pu être prise par un pouvoir de gauche… Et pourtant, elle semble poser une kyrielle de contestations. Il est vrai que la décision a été prise sans concertation. Pour autant, elle n’est pas obligatoirement mauvaise. Il est vrai que les enfants qui ne partent pas en week-end chaque semaine et dont les parents travaillent seront désoeuvrés le samedi matin. Ils l’étaient déjà le mercredi, peut-être même davantage que le samedi, on l’avait presque oublié. Il est vrai que des spécialistes estiment que c’est la journée qui est trop longue et pas la semaine. Les débats chronobiologiques reprennent de plus belle… sans réussir à prouver que la réduction de la semaine scolaire est une erreur ou une faute. Il est vrai que plus personne ne parle de cette conquête des enseignants du premier degré, la 27ème heure, le temps de concertation, le temps nécessaire pour concevoir et réguler la mise en œuvre de projets, pour améliorer la continuité pédagogique. Mais il aurait fallu faire un bilan sérieux de l’utilisation de ce temps, de l’intérêt et de l’efficacité des demi journées pédagogiques et on ne l’a pas fait. En fait, sur toutes ces questions, on sait bien qu’après la période d’agitation, on bricolera des solutions ou on laissera pourrir les situations ou les problèmes tomberont naturellement en désuétude. Tout rentrera dans un ordre des choses pas satisfaisant mais supportable. Le temps et la ouate institutionnelle auront fait leur œuvre. C’est sans doute ce qui permet à Xavier DARCOS, fin connaisseur du système, de ne pas trop s’inquiéter. Il n’y a guère de danger que les foules défilent dans les rues pour réclamer le retour aux 27 heures. Ce qui est dramatique par contre, c’est que l’Ecole semble être sur la voie de rater un nouveau rendez-vous avec l’Histoire pour se réformer en profondeur. Elle a déjà raté deux rendez-vous qui semblaient incontournables, celui de la prolongation de la scolarité de 14 à 16 ans avec son corollaire le collège unique et celui de la loi d’orientation de 1989 qui actait la fin de l’ère de l’école de Jules Ferry qui agonisait depuis une bonne vingtaine d’années avec son corollaire, la construction d’une école pour le 21ème siècle. Quand le général de GAULLE décide de la prolongation de la scolarité de 14 à 16 ans, la logique aurait voulu que l’on modifie profondément les structures de l’Ecole. On a certes fait le collège unique, mais sans le faire vraiment et en voulant à toutes fins généraliser le "petit lycée" de Napoléon et de Jules Ferry, celui de l’élitisme exacerbé, à la masse des élèves entrant désormais au collège pour y rester quatre ans. On a voulu imposer le système et les pratiques du second degré d’alors à un premier degré qui ne pouvait pas faire atteindre à tous le niveau de ceux qui avaient franchi les barrages du concours d’entrée en 6ème, du concours des bourses nationales et, dans le bassin minier, du concours des bourses des mines. On est parti du toit et de la tour en espérant que les fondations s’adapteront toute seules plutôt que de refaire les fondations et de construire un nouveau système adapté à son temps. On a raté la prolongation de l’âge de la scolarité obligatoire et le collège unique au point de réussir à faire croire à certains qu’il vaudrait mieux revenir en arrière, retour de la fin de l’école obligatoire à 14 ans et retour aux filières ségrégatives à la sortie du CM2. On a bricolé et on le paie très cher. Quand Lionel JOSPIN conçoit la loi d’orientation de 1989, la logique aurait voulu qu’elle ouvre la voie à une transformation fondamentale du système éducatif, avec les projets d’établissement, les cycles, la continuité, la transversalité, l’élève au centre du système plutôt que le professeur et la discipline scolaire, la pédagogie indispensable pour améliorer la réussite scolaire, pour prendre en compte réellement la richesse de l’hétérogénéité, pour construire une école émancipatrice. On n’a pas su assurer la réforme au point que même leurs auteurs l’ont abandonnée. On a bricolé, on a raté une occasion historique de réforme, on le paie et on le paiera encore longtemps très cher. Quand Xavier DARCOS décide de réduire la semaine scolaire, tout indique que l’on est sur la voie une nouvelle fois de rater une occasion de réforme. La réduction de la semaine scolaire devrait logiquement imposer une réforme fondamentale des programmes, une remise en cause des sacro saintes disciplines scolaires, leur décloisonnement pour donner du sens aux apprentissages scolaires, une redéfinition des missions de l’école et des missions des enseignants de l’école obligatoire, une exigence de pédagogie pour faire plus et mieux en moins de temps et pour combattre l’idée de la nécessité de ce soutien qui donne à penser que des heures supplémentaires d’apprentissage avec des personnels moins compétents que les enseignants permettraient de faire hors l’école et hors temps scolaire ce que l’école n’a pas su faire pendant le temps normal. Une réforme fondamentale des programmes s’impose par le fait même qu’il est impossible de faire en 24 heures par semaine ce que l’on était incapable de faire en 27 heures. Une telle réforme reprenant cette belle proposition d’Edgar MORIN, diffusée par l’UNESCO, des sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, à croiser avec les avancées des programmes de 2002, imposera une réforme des structures. Il faudra bien que l’on revienne au concept d’école fondamentale pour la durée de la scolarité obligatoire comme dans la plupart des pays, afin de supprimer la rupture entre l’école et le collège que personne n’a su réellement surmonter malgré les incantations réitérées et les expérimentations éphémères réussies. Partir de la gestion intelligente du temps pour redéfinir les programmes, les missions et la pédagogie, pour réformer le système en profondeur, conduira à garantir la continuité des apprentissages et des méthodes dans une nouvelle structure, rompant enfin avec le 19ème siècle et s’inscrivant dans son temps. Partir de la gestion intelligente du temps imposera une nouvelle réflexion sur le hors temps scolaire, sur le rôle des collectivités locales, des associations, des clubs, des mouvements d’éducation populaire dont la mission n’est pas de refaire l’école après l’école, mais de contribuer au développement, à l’ouverture, à l’épanouissement, à la prise ne compte des savoirs informels. Nous avons l’occasion de poser à nouveau des problèmes fondamentaux. Ne recommençons pas à bricoler, à hésiter sans cesse entre la nostalgie et le désir d’avenir; Ne ratons pas ce rendez-vous en contribuant à enliser la réflexion et l’action dans des contestations secondaires (!). 24 heures, c’est bien… N’ayons pas de honte à le dire. Mais il faut vraiment en profiter pour réformer. Pierre FRACKOWIAK Le 29/09/2007

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