PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs



Créée au début des années 1960 pour accompagner l’expansion et l’ouverture de l’enseignement secondaire, la carte scolaire a au des effets très positifs. Elle a permis de rationaliser la gestion des effectifs scolaires : les élèves sont affectés à l’établissement le plus proche de leur domicile. Elle a également encourager le brassage scolaire : tous les élèves d’un même secteur géographique, quelles que soient leurs origines et leur classe social, se retrouvent au sein du même établissement.

Sous l’effet du renforcement de la ségrégation urbaine dans notre pays, la carte scolaire est cependant aujourd’hui fragilisée. Elle connaît une triple défaillance.

Premièrement, elle ne concerne que le secteur public. Les établissements privés n’y sont pas astreints et restent libres de sélectionner leurs élèves. Ils jouent de plus en plus un rôle de recours pour les parents.

Ensuite, et c’est le fait le plus marquant, le rôle social de la carte scolaire s’est inversé : du fait de la montée en puissance de la ségrégation urbaine, elle est devenue, depuis les années 1980, un des dispositifs les plus favorables à la reproduction sociale, notamment pour les classes supérieures. Compte tenu de l’explosion des prix du logement, ces dernières restent en effet seules en capacité de résider à proximité des établissements les plus réputés. Inversement, la carte scolaire est désormais perçue par une frange croissante des populations défavorisées, françaises et immigrées, comme une source d’injustice : elle les « assigne à résidence scolaire » dans les quartiers défavorisés. Les couches populaires sont ainsi de plus en plus nombreuses dans les sondages à se déclarer favorables au libre choix. Perçues comme particulièrement graves encore parce qu’elles compromettent le devenir scolaire et professionnel de leurs enfants, les injustices liées au fait d’avoir accès à une offre scolaire de moindre qualité redoublent en effet à leurs yeux celles associées au fait de vivre dans des territoires caractérisés par le chômage et l’insécurité. Le ghetto urbain entraîne le ghetto scolaire. D’instrument de brassage social, la carte scolaire est alors ressentie comme une « double peine ».

Enfin, la carte scolaire est mise en œuvre de façon souvent inéquitable par les administrations locales. La gestion déconcentrée de ce dispositif a fini, au fil des ans, par permettre aux inspections académiques de privilégier l’objectif de limitation des fermetures de classe, pour des raisons de bonne organisation de la rentrée, objectif qui l’a dans les faits emporté sur celui de favoriser la mixité sociale. Autre faiblesse dans l’application du système : la priorité accordée aux boursiers dans les textes n’a pas trouvé d’écho sur le terrain faute de volonté politique de la part du ministère.

Ces tendances se sont renforcées depuis la réforme de 2007 de libéralisation de la carte scolaire. Elle a étendu la compétition à tous les niveaux. A cet égard, les premières études montrent que cette réforme a encore contribué à déséquilibrer le système par l’apparition de deux phénomènes nouveaux : une ségrégation interne aux établissements (renforcement des classes de niveau dans le but de retenir leurs meilleurs élèves) et l’exclusion plus massive d’élèves perturbateurs ou en grande difficulté par des établissements pouvant espérer, grâce à la nouvelle procédure, des meilleures recrues en provenance d’autres établissements.

Faut-il dans ces conditions prôner la disparition de la carte scolaire ? La réponse est clairement négative. Car  tous les travaux conduits soit dans des pays où les choix scolaires n’ont jamais fait l’objet d’une régulation étatique comme la Belgique ou les Pays-Bas, soit dans ceux qui ont éliminé les procédures d’affectation des élèves par les administrations éducatives locales comme l’Angleterre, montrent qu’il existe une forte corrélation entre le libre choix, la ségrégation scolaire et les inégalités entre établissements.

La carte scolaire doit repensée, et non supprimée. Elle doit être rendue plus équitable dans son application quotidienne et surtout accompagnée d’autres moyens de régulation. Parmi les pistes qui pourraient être explorées, une des plus prometteuses serait de permettre aux familles d’exprimer un choix à l’intérieur d’un territoire délimité et de donner aux administrations et aux établissements la mission — dont la réalisation serait évaluée par des instances externes chaque année — de prendre en compte ces demandes en respectant des indicateurs de mixité scolaire entre les établissements

 

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