PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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CONCLUSION de l’avis
Au terme de ce travail, aborder le thème de l’école s’est avéré être un défi audacieux car parler de l’école, c’est parler de tout ou presque. A telle enseigne que des sujets auraient sans doute pu trouver leur place dans ces développements compte tenu de leurs effets sur le fonctionnement de l’école ou en conséquence des difficultés de celle-ci. Il en est ainsi des programmes de « raccrochage » mis en oeuvre, notamment par les écoles de la 2è chance (E2C), des politiques de prévention de la violence dans les établissements scolaires, comme de l’adaptation des pratiques pédagogiques à des publics différenciés. De même, une analyse comparative des approches scolaires d’autres pays européens aurait sans doute pu trouver sa place dans ce propos.
Si cela aurait pu être, c’est l’intensité des thèmes communs ou récurrents évoqués au cours des auditions qui a guidé l’écriture.
En effet, ce qui apparaît aujourd’hui et que font ressortir, en plus des échanges, les nombreux ouvrages, rapports, voire films consacrés à son sujet, c’est un malaise global de l’école républicaine, ressenti aussi bien par les professionnels de l’enseignement que par les familles et les élèves eux-mêmes. Les causes en sont multiples et nous pourrions débattre indéfiniment sur les difficultés d’intégration professionnelle, sur la crise de l’autorité, sur la remise en cause du savoir, sur l’effet de génération, sur le "pédagogisme". Les idéologies qui traversent l’école, loin de l’apaiser, amplifient aussi le malaise. Dans ce contexte, les élèves immigrés ou issus de l’immigration, par leur profil socioéconomique et familial, leur histoire, sont les révélateurs d’une école qui ne parvient pas à pallier les inégalités sociales et culturelles.
L’environnement socio-économique, bien sûr, ne peut pas être ignoré. Il est en effet plus facile d’intégrer quand le marché du travail est porteur. Par ailleurs, c’est peut-être parce que l’école a trop longtemps fondé son fonctionnement sur l’idée d’un public homogène qu’elle est souvent incomprise. Il ne s’agit aucunement de revenir sur les missions essentielles de l’école  ni de l’assujettir à la mondialisation ou aux modèles économiques Il s’agit bien plus de réaffirmer les ambitions de celle-ci, de les faire partager, donc de les expliquer, sans craindre de recentrer son action sur la transmission des connaissances, l’apprentissage de la citoyenneté et l’appropriation des valeurs de la République. A juste titre, dans une société où l’intégration professionnelle des jeunes est difficile, il revient à l’école de maintenir un niveau d’exigences élevé. La réussite scolaire est un sésame pour l’avenir et l’école ne doit pas être délégitimée, comme on l’entend trop souvent, du fait de la crise économique. L’école vaut pour elle-même : elle émancipe l’individu en même temps qu’elle construit la nation. Le fait que tant d’individus luttent encore dans le monde pour un droit à l’instruction, quand bien même ils n’ont aucune perspective d’avenir, ne peut nous faire souscrire si facilement à l’idée que la crise de l’école viendrait du fait du manque de débouchés professionnels pour les jeunes.
Les auditions effectuées par le HCI, les témoignages recueillis au cours des déplacements portent l’expression d’interrogations fortes vis-à-vis de l’école et tout particulièrement dans les établissements situés sur les territoires de la Politique de la Ville, là où les populations, objets de ce rapport, sont les plus nombreuses. Insuffisance des résultats scolaires avec des écarts de performances révélateurs, crise de l’autorité lorsque l’institution elle-même est remise en cause et subit de plein fouet les incivilités et les phénomènes de violence, crise culturelle lorsque certains élèves ne reconnaissent pas les valeurs républicaines et laïques que porte l’école, ne manquent pas d’interpeller les citoyens dans leur ensemble.
Aussi, il apparaît que pour continuer à intégrer des générations d’enfants issus de
l’immigration à la société française, comme des générations de Français, l’école doit relever un triple défi :
– un défi migratoire face à l’arrivée chaque année d’élèves immigrés parfois non
francophones ;
– un défi social lié aux inégalités socio-économiques et territoriales ;
– un défi culturel visant à l’appropriation du patrimoine commun et aux valeurs de la République française de plus en plus contestées.
Face à ce triple défi, si l’école doit se restructurer, elle ne peut pour autant être seule à conduire la politique d’intégration sociale et culturelle. D’autres ministères doivent donc oeuvrer à consolider la politique scolaire.
Aussi, une politique interministérielle volontaire et lisible doit aider l’école dans sa mission d’intégration.
L’intégration sociale par l’école sera d’autant mieux assurée qu’elle se construira dans une communauté de confiance, organisée autour d’un responsable de la structure scolaire, et dont l’autorité sera reconnue par les parents comme par les partenaires. Cette confiance ne sera véritablement acquise que si les parents sont préparés à la rencontre avec l’école. Pour cela, s’ils doivent être aidés dans les démarches, ils doivent aussi être informés des termes du contrat implicite qui les lient à la scolarité de leurs enfants. Ces termes portent la richesse du Contrat social. L’école primaire, et tout particulièrement l’école maternelle, constitue le premier niveau d’intégration. Elle en est le maillon essentiel. Par rapport aux populations immigrées et celles issues de l’immigration, elle constitue l’outil d’éducation dont la portée dépasse l’élève pour aller vers la famille. Une telle perspective interroge le rôle, la place et le statut du directeur ou de la directrice dont la compétence doit s’étendre à la gestion de ressources, y compris des ressources humaines, compétence dont il est aujourd’hui dépourvu. Si ces évolutions font débat, elles constituent, de notre point de vue, une réponse aux transformations du système éducatif pour faire face aux modifications de l’environnement et à l’émergence de problématiques éducatives plus globales. L’expérimentation du programme CLAIR (Collèges, Lycées, pour l’ambition, l’innovation et la réussite) concerne expressément les élèves scolarisés en zone défavorisée. Plus que le contenu des projets et des contrats d’objectifs qui seront conclus, c’est l’organisation nouvelle préconisée qui constitue une ouverture et transforme l’approche éducative. Introduisant davantage d’autonomie, l’expérimentation trace les contours d’un nouveau mode de gouvernance pour réussir l’intégration scolaire, sociale et culturelle des élèves114. Le HCI reconnaît que ce programme répond à ses attentes. En revanche, il regrette que le premier degré soit laissé en marge de cette (r)évolution structurelle. Dans tous les cas, aujourd’hui, les missions de l’enseignant sont interrogées, particulièrement dans leur dimension éducative. Celle-ci doit être intégrée, sans ambigüité, au côté de la
transmission des savoirs et savoir-faire.
114 Circulaire n°2010-96 du 7 juillet 2010 Bulletin officiel de l’Education nationale n°29 du 22 juillet 2010

Ces évolutions et la pression des contextes interrogent également la formation des enseignants dans ses contenus. Aujourd’hui, il ne saurait être pensée une formation qui ne prenne pas en considération les problématiques liées à la laïcité et aux valeurs républicaines, laissant ainsi s’installer des réponses individuelles et empiriques d’enseignants qui n’auraient pas été préparés à agir en représentants de l’Etat, porteurs et garants de ces valeurs. Si l’école de la IIIème République a visé à former une élite quelles que soient les conditions d’origine, elle s’est depuis engagée dans la voie de la démocratisation de l’enseignement.
C’est ce défi auquel l’école est toujours confrontée : faire que tous les élèves réussissent, c’est-à-dire soient formés aux exigences scolaires et maîtrisent un socle commun afin de s’engager dans une voie qui leur conviennent, quelles que soient leurs conditions de vie et à la mesure de leurs capacités. La lutte contre l’échec scolaire est une priorité de l’école et de la société. Si le HCI regrette l’absence ou l’insuffisance des indicateurs permettant d’évaluer la réalité des parcours scolaires des élèves immigrés ou issus de l’immigration, c’est parce qu’à côté des échecs de l’intégration, des réussites existent mais ne sont pas ou insuffisamment valorisées. Or, nombre d’élèves issus de l’immigration ont bénéficié, comme d’autres, de l’effet d’"ascenseur social " de l’école républicaine. C’est particulièrement le cas des enseignants issus de l’immigration qui portent, auprès des élèves, le témoignage de la réussite et dont l’exemplarité a toute sa place dans ce rapport. Enfin, le HCI veut souligner la qualité du travail de nombreux enseignants et les résultats qu’ils obtiennent, parfois dans des conditions difficiles. Ceux que nous avons rencontrés méritent qu’on reconnaisse leur engagement. Les constatations que nous avons faites tout au long de ce rapport relèvent d’une lucidité indispensable, fut-elle dérangeante. L’ambition de la promotion des individus par l’école et de leur adhésion au contrat républicain ne doit pas céder devant les obstacles que l’école rencontre. Au contraire, le Haut Conseil à l’Intégration demande que la France :
– réaffirme par la voix de son école les valeurs de la République ;
– refuse le déterminisme des origines et des cultures ;
– surmonte les obstacles nouveaux qui se dressent sur la route de l’intégration en
augmentant radicalement les moyens de cette politique.
L’objectif de tous les Français doit être de vivre dans une société unie dans ses différences par les principes républicains que l’histoire nationale a construit, dans une même communauté de destin.

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