PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Cercle Les Echos – le 17 septembre 2013 :

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LE CERCLE. Chaque Ministre de l’Education y va de sa réforme, souvent sans attendre de voir les résultats de la précédente. Mais notre système éducatif souffre d’un mal bien plus profond : c’est la "philosophie" qui la sous-tend qui la rend inefficace

Je ne fais pas partie de la cohorte des « pleureuses » qui, sur l’air de « c’était mieux avant »,  geignent sur le lustre et le prestige perdus de l’enseignement français, d’autant qu’on est  dans ce cas vite suspecté (et plus vite encore accusé) de sous-entendus à caractère politique. Pour contourner cet écueil, les américains ont l’habitude d’asséner en début de discours les « faits » (« fact ») qui paraissent indiscutables ; alors, essayons de faire de même et, autant que faire se peut, tentons d’objectiver ce débat.

« Fait » : la France est, au sein de l’OCDE, dans le peloton de tête de pays dépensant le plus d’argent public par élève.
« Fait » : en revanche, la France est dans le peloton de queue en termes de réussite aux tests internationaux standardisés d’assimilation de connaissances (tests PISA).
« Fait » : les résultats de la France à ces tests de connaissances se dégradent régulièrement.

Bien sûr, on peut toujours contester la validité des tests en question. On peut de même trouver des explications à la faiblesse de notre ratio efficacité/coût : rappeler par exemple que la France a une population bien moins homogène que la Finlande (championne au PISA), ce qui suppose un effort d’intégration important… et coûteux. Il n’en reste pas moins que ces faits interpellent et tendent à penser soit que l’argent dédié à l’enseignement est mal utilisé ou mal réparti, soit qu’on enseigne mal… soit les deux !

Que l’argent soit mal réparti et utilisé de manière inefficace, nul n’en doute. Notre système est malade de la préférence donnée depuis des années aux effectifs contre les salaires, à la quantité plutôt qu’à la qualité. On remarquera d’ailleurs que la problématique des nouvelles technologies à l’école s’inscrit toujours dans ce contexte, puisqu’on tend à la réduire à un problème d’équipement, sans vouloir se pencher (ou alors vraiment à la marge) sur les bouleversements pédagogiques qu’elle implique.

Ce qui nous amène au problème plus fondamental de ce que l’on enseigne et comment on l’enseigne. Là aussi, car je vois déjà la levée des boucliers, essayons d’objectiver en regardant les nombreux « rapports d’étonnement » de journalistes étrangers ou d’expatriés qui ont témoigné sur l’expérience scolaire française de leurs enfants. Autant ils sont quasi-unanimement enthousiastes quant à notre système de crèches et même de maternelles, autant ils sont critiques sur le contenu et la pédagogie de notre enseignement primaire et secondaire :
– d’une part, notre enseignement est fondamentalement conceptuel et manque en grande partie de praticité. Nous sommes probablement le seul pays au monde ayant une épreuve de philosophie dans toutes les sections du baccalauréat… alors que dans la plupart des cas, hors section littéraire, la formation en question permet tout juste d’acquérir quelque introduction à l’approche de la philosophie. Doit-on rappeler en outre le problème récurrent de l’enseignement des langues, où on recherche avant tout la perfection grammaticale, l’acquisition du bon accent et la connaissance de la littérature… et on finit par libérer dans la nature des personnes incapables de s’exprimer une fois dans le pays dont ils sont supposés avoir maîtrisé la langue. En revanche, le droit (y compris le cadre institutionnel dans lequel nous vivons) ou l’économie (notamment l’économie de l’entreprise) restent des territoires bien peu explorés ; Madame Pellerin ferait mieux à cet égard de promouvoir l’enseignement de l’entreprise à l’école avant de penser à l’école des entrepreneurs ! 
 

– d’autre part, toujours d’après ces témoignages d’observateurs externes, la pédagogie de nos écoles est axée sur la réussite individuelle et la compétition plutôt que sur le travail de groupe et la coopération et elle tend à souligner l’échec, plutôt qu’à encourager à la persévérance. Et bien que professant qu’il « vaut mieux une tête bien faite qu’une tête bien pleine », c’est le contraire qui se passe dans la réalité, ne serait-ce que par l’invraisemblable quantité de « savoir » que nos enfants sont censés assimiler pendant leur scolarité.

Oui, je sais, on m’objectera que l’école est faite pour former des citoyens responsables et non de contribuer à « l’employabilité » (oh ! le vilain mot) future. On peut certes s’enorgueillir d’amener près de 90 % d’une classe d’âge au baccalauréat ; mais forme-t-on des citoyens  quand on en a laissé plus de 20 % en chemin ?  et forme-t-on des citoyens responsables quand ils sont tellement sous-éduqués en économie qu’on leur fait avaler n’importe quelle « solution miracle » lors des élections (et quel que soit le parti qui l’importe).

Au fond, le problème de l’enseignement réside dans la « philosophie » du système, qui n’a que peu changé depuis au moins l’après-guerre, voire depuis Napoléon : notre enseignement est fait pour dégager une élite, donc éliminer ; il est fait pour des « enfants-éponges » qui boivent tout ce qu’on leur verse… mais en rendent toujours un peu moins !

Alors, si on veut obtenir de meilleurs résultats en termes d’intégration, on peut certes toujours réformer à la marge, modifier les rythmes scolaires… le problème n’en restera pas moins entier : comme pour la fiscalité, comme pour le « mille-feuilles administratif », ce sont les fondements mêmes du système qu’il faut revoir. Mais, en aura-t-on le courage ?

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