PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In France Info – le 24 septembre 2013 :

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L’école sait-elle évaluer autre chose que les savoirs ? La question se pose de nouveau avec la suppression probable de la "note de vie scolaire" au collège et la simlification du "livret de compétences". Elle avait été instaurée en 2006 par Gilles de Robien.

La note de vie scolaire va être bientôt supprimée au collège © Radio France – Céline Asselot

A l’époque l’objectif était double :

– afficher une fermeté renouvelée, cette note avait un petit côté "retour du zéro de conduite" puisqu’elle évaluait le comportement.

– mais selon ses promoteurs elle était également censée permettre aux élèves de faire valoir des compétences extra académiques.

Pour l’heure elle est maintenue mais elle n’apparaît plus dans la loi, et syndicats et fédérations de parents réclament l’officialisation de sa suppression.

Quatre critères étaient pris en compte ?

"Assiduité", "respect des autres dispositions du règlement intérieur", "participation de l’élève à la vie de l’établissement" et "obtention de l’attestation scolaire de sécurité routière et de l’attestation de formation aux premiers secours". La moyenne obtenue au cours des années collège pesait pour 5% dans la note finale au brevet des collèges.

En fait, la moitié de la note sanctionnait, l’autre moitié récompensait…

Oui. Première ambiguïté. Assiduité et respect du règlement étaient là pour faire peur, tandis que participation à la vie de l’établissement et obtention des attestations de sécurité routière et de premiers secours témoignaient d’engagements positifs.

Mais la principale critique des parents d’élèves, notamment de ceux de la FCPE, la fédération majoritaire, qui est proche du PS, la principale critique portait sur le flou de l’attribution de cette note. Tantôt elle serait utilisée comme une épée de Damoclès, pour faire peur aux élèves, tantôt pour relever la moyenne et tirer d’un mauvais pas scolaire un élève dont le comportement était exemplaire. Ils dénoncent une notation " à la tête du client ".

On retrouve donc l’ambiguïté de départ.

Oui. Accentuée par l’hostilité de certains enseignants à cette note. Ils estiment que ce n’est pas en faisant peur aux élèves ou en mettant une note qu’on obtient une amélioration de l’attitude.

Mais derrière ces critiques, il y aussi l’incapacité du système à objectiver des évaluations qui portent sur autre chose que sur des savoirs. Parce qu’au fond un certain nombre de critiques émises contre la note de vie scolaire pourraient l’être à propos de toutes les notes délivrées au collège.

La " tête du client " compte…

Oui. Toutes les études sur la notation le prouvent. L’une d’entre elles – je le dis parce qu’il est encore temps de réagir – montre par exemple que la première impression produite par l’élève pèsera toute l’année. D’autres démontrent qu’un redoublant, à niveau égal, obtient de moins bonnes notes qu’un élève non redoublant. Et je parle bien de notes en maths ou en français, pas de cette note de vie scolaire. Idem du "flou" et des différences de notation entre établissements ; cela existe pour toutes les disciplines.

Et puis il existe, de la maternelle à l’université, une réticence massive du système à évaluer des engagements extrascolaires. Exemple, à l’autre bout du cursus, à l’université : cela fait 20 ans qu’on parle de prendre en compte dans l’obtention du diplôme, des engagements associatifs, eh bien cela entre à peine dans les mentalités.

Et dans le primaire, il y aussi des critiques contre le livret de compétence.

Oui. C’est un document qui est renseigné en CE1 et CM2 puis au collège. Les élèves sont en effet censés arriver au terme de la scolarité obligatoire en maîtrisant un socle commun de connaissances et de compétences – c’était dans la loi Fillon de 2005. Il lui était reproché sa complexité. Les enseignants l’avaient surnommé "l’usine à cases".

En 3e, il comportait près de 100 items !

Oui. 97 !

Chacune de ces compétences pouvait prêter à des interprétations infinies… sans parler du temps pour le remplir.

Résultat, 94% des enseignants du secondaire sondés par le Snes étaient pour sa suppression.

Il faut dire que s’ajoutait une dimension politique

Je cite un enseignant qui avait témoigné dans Libération : "c’est un outil bureaucratique, inspiré de recommandations européennes et de l’OCDE, qui véhicule l’idée d’élèves employables avec des compétences et qui tourne le dos à à une vision humaniste du savoir". L’enseignante et écrivain Mara Goyet n’y allait pas avec le dos de la cuillère : c’est à se demander si "le livret qui a des côtés hilarants n’a pas été écrit sur le capot d’une bagnole par des mecs bourrés avec un stylo qui ne marchait pas"

Il a donc été simplifié.

Mais il a été si bien simplifié qu’on se demande bien ce qu’il apporte de plus qu’un bulletin de notes. En CE1 par exemple il ne comporte que trois items

  • Maîtrise de la langue française
  • ?Principaux éléments de mathématiques
  • Compétences sociales et civiques, c’est-à-dire comportement, une sorte de note de vie scolaire finalement… La boucle est bouclée.

Résultat l’Education nationale est de nouveau coincée entre sa volonté de ne pas réduire les acquisitions scolaires au strict registre des savoirs et son impuissance à diffuser une approche lisible de la notion de compétence. En tout cas pour l’instant, entre la suppression de la note de vie scolaire et la simplification du livret de compétence, elle a pour l’instant choisi de ne pas trancher.

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