PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Eduveille – le 24 septembre 2013 :

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Pascal Bouchard, entre autres animateur du site d’information Tout Educ, a publié cet été un ouvrage remarqué dont le titre provocateur et paradoxal, “je hais les pédagogues“, vise en fait à critiquer cette guerre des religions qui oppose “républicains” et “pédagogues” concernant la question scolaire. L’auteur étant particulièrement expérimenté et documenté sur ces questions, la lecture de son essai s’avère, sans surprise, enrichissante et stimulante.

Il met notamment le doigt sur le fait que ce n’est pas avec les arguments de la raison qu’on peut raisonnablement discuter les thèses que font circuler les divers anti-pédagogues (sont cités Natacha Polony, Jean-Paul Brighelli, Charles Coutel, Jean-Robert Pitte, Sophie Coignard, Natahalie Bulle, Alain Finkielkraut, Jacques Muglioni), pour la bonne raison que ces gens là défendent la foi en une civilisation et une culture dont aucune école ne pourra jamais être digne. Leur livre de référence ultime est la crise de la culture d’Hannah Arendt et en ce qui concerne l’école, pour paraphraser Victor Serge, il est “minuit dans le siècle”  depuis déjà au moins 40 ans ! En face, les pédagogues,  bien peu nombreux (un Mérieu par ici, un Dubet par là…) alors même qu’ils sont censés avoir submergé nos classes et nos salles de profs, peinent à se faire entendre face aux discours eschatologiques qui dénoncent la fin de l’École et celle de la République.

Il faut lire les quelques lignes de Pascal Bouchard dans lesquelles il démonte placidement les mythes républicanistes sur l’école, propagés bien sûr par quelques polémistes professionnels mais aussi par certains universitaires. Dans leur défense d’un idéal culturel transcendant, ces derniers n’hésitent en effet pas à convoquer leur autorité académique pour proférer un certain nombre de propos qui ont peu à voir avec la science revendiquée et proclamée. C’est ainsi qu’on se retrouve , comme N. Bulle, à convoquer Vygotsky contre Piaget ou à invoquer tout et son contraire pour affirmer qu’on lit mal les résultats de PISA, car il faut absolument combattre l’idée que les bons résultats de la Finlande pourrait plaider pour le modèle d’une école commune.

Pour finir sur une note plus divertissante, voici un extrait, à propos d’un argument de J. Muglioni, où P. Bouchard montre combien dans ces débats on use abusivement de certains termes, comme arguments d’autorité:

“École vient, affirme-t-il, du grec skholé, qui signifie “le loisir”. L’École serait donc ce lieu merveilleux où nous aurions le “loisir” de l’étude, le temps de penser, sans aucun souci d’efficacité économique, sans céder au moindre utilitarisme. Qu’on mit en relation le budget de l’éducation national et le rendement de l’école, son efficacité sociale, lui paraissait d’ailleurs la chose la plus imbécile du monde. L’école n’a pas à se justifier. Elle est hors des raisons et des causes, elle est skholé. Problème, les grecs du temps de Socrate et de Platon n’avaient pas obtenu la 5° semaine de congés payés, ni même la première. (…) ils n’avaient pas non plus inventé le monachisme et ces lieux tranquilles où se retirer du monde, loins des vanités du siècle. Lorsque le citoyen, qui était par définition un homme riche, prenait des skholé, du loisir, ce n’était pas pour farniente sur le sable de Marathon ni pour méditer sur les vérités éternelles. Il mettait entre parenthèses sa citoyenneté, il ne participait plus aux débats du l’agora, il avait enfin le temps de vendre son huile, d’acheter des esclaves, de surveiller le travail dans les mines d’argent et d’affréter des navires de commerce. L’École, si elle était Skholé, serait donc exactement le contraire de ce que Muglioni aurait voulu qu’elle fût, elle serait le temps des affaires et du profit.” (p. 33).

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