PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Les Pratiques de la Formation – le 16 novembre 2011 :

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Serious game ou serious play ? La question peut paraître vénielle, mais, à en croire Éric Sanchez, maître de conférences spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’École normale supérieure de Lyon ainsi que dans un institut universitaire québécois, la différence d’interprétation se révèle, au contraire, fondamentale. « En anglais, le terme "game" désigne le jeu en tant qu’objet ou artefact, alors que la notion de "play" recouvre la situation, l’activité de jouer, de simuler. En termes sémiotique, il serait plus convenable de parler de serious playing dès lors que le jeu est mis au service de l’enseignement ».

Présent aux neuvièmes rencontres du Forum français pour la formation ouverte et à distance (FFFOD) le 15 novembre 2011, l’universitaire a brossé un tour d’horizon de l’enseignement par des détours ludiques. Reste encore à définir les modèles les plus adéquats en matière de pédagogies numériques alternatives : « Actuellement, le prix d’un jeu sérieux peut s’élever à 600 000 euros. Quel établissement d’enseignement secondaire ou universitaire peut se permettre d’investir à ce prix ? Aucun » a indiqué Éric Sanchez.

Mais au-delà des simples aspects financiers, des notions d’ordre culturel influent sur la perception de ces jeux. « Au Québec, les étudiants perçoivent négativement le concept de "formation" qu’ils rapprochent de celui de "formatage". La notion de formation induit un dispositif centré sur le formateur alors que la mentalité nord-américaine préfère y substituer celle de développement personnel. En dépit d’une langue commune, la manière de présenter un cours à des étudiants français ou québécois ne répond absolument pas à la même logique ».

Pour cet universitaire, spécialiste de la modélisation et du développement des jeux destinés à l’enseignement et l’apprentissage, l’efficacité d’une pédagogie ludique dépend davantage des critères de simulation et d’évaluation que du jeu en tant qu’objet. « Quand évaluer un apprenant qui se forme par l’intermédiaire d’un serious game ? Pendant la session de jeu ou après ? Je n’ai pas la prétention d’imposer un avis définitif à cette question, mais cependant, inscrire un moment de débriefing consacré à l’évaluation après une partie me semble indispensable ».

En effet, Éric Sanchez plaide pour des pédagogies ludiques adaptatives, susceptibles d’être appropriées par les apprenants-joueurs. « Les jeux reposant sur une logique essai/erreur, dans lesquels l’évaluation est donc immédiate, empêchent les apprenants d’identifier les concepts de jeux et donc, les objectifs d’apprentissage ». Une logique qui impose que le pédagogue puisse s’impliquer dans les contenus du jeu afin de se les approprier ou, le cas échéant, les détourner pour les adapter à son cours, à l’image de ce serious game créationniste américain ("Who wants to live a million years") dont le contenu à été justement retourné pour en faire un outil d’apprentissage des thèses évolutionnistes par plusieurs enseignants. « L’enseignant doit être co-créateur du contenu, ou, du moins, doit être en mesure d’agir sur ce dernier » a souligné l’universitaire. « Mais il doit aussi savoir se faire oublier pour ne pas influencer le joueur-étudiant. Le temps de jeu doit constituer un espace sécurisé dans lequel l’apprenant (qu’il soit seul ou en groupe) est amené à développer ses propres stratégies, ses propres idées, sa propre créativité ».

par Benjamin d’Alguerre

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