PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In GEM GIF – le 1er novembre 2013 :

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Des journées moins longues pour l’écolier, mais plus fatigantes pour l’enfant ? La question, lancinante, qui m’est venue en travaillant sur les trois scénarios encore en discussion à Gif, était celle-là. Surtout quand je repense à ce que dit Claire Leconte : « le cadre temporel imposé rigidifie totalement l’emboîtement des heures, scolaires, non scolaires. Il émiette les temps des enfants, et celui des enseignants, au lieu de leur donner la cohérence indispensable au développement harmonieux des enfants. ».

C’est exactement cela que j’ai ressenti à la lecture des trois scénarios. Du temps émietté, des enfants qui vont être sans arrêt basculés d’une activité à l’autre, sans cohérence les unes avec les autres. En effet, si l’on regarde, pour chacun des scénarios proposés, l’emploi du temps d’un enfant restant de 8h30 à 18h dans les locaux scolaires, mis à part le matin, qui « laisse le temps », l’impression que ça me donne (mais peut-être est-ce très personnel) est un zapping permanent. Et il me semble que les enfants ont suffisamment l’occasion, dans la vie actuelle, de savoir comment zapper pour ne pas en rajouter à l’école qui devrait rester le lieu où l’on prend le temps, où l’on apprend en profondeur, sans faire les girouettes :

1) 3h30 de classe, 2h de temps de midi, 1h45 de classe, 3/4h de TAP, 1h d’étude

2) 3h30 de classe, 2h de temps de midi, 1h de classe, 1h30 de TAP1h d’étude

(deux jours par semaine, les deux autres jours, c’est comme actuellement)

3) 3h30 de classe1h50 de temps de midi1h40 de classe1h d’étude, 1h de TAP 

L’objectif de la réforme (extraits du site du Ministère de l’Education) : « les écoliers français ont des journées plus longues et plus chargées que la plupart des autres élèves dans le monde. Et cette extrême concentration du temps est inadaptée et préjudiciable aux apprentissages, source de fatigue et de difficultés scolaires. Il faut donc mieux répartir les heures de classe sur la semaine, alléger la journée de classe. ». Certes, et l’on prêche une convaincue des 4,5 jours d’école par semaine. Mais un enfant ne peut pas être saucissonné comme un emploi du temps. C’est l’ensemble de sa journée qu’il faut examiner, pas seulement son temps scolaire. En l’occurrence, actuellement, un enfant restant à l’école de 8h30 à 18h fait l’emploi du temps suivant (je l’améliore avec le principe, validé par tous, que la matinée gagnerait à être plus longue) :

3h30 de classe, 2h de temps de midi, 2h30 de classe, 1h d’étude

Cela ne vous parait-il pas plus « paisible », moins « zapping », moins « agitateur d’enfants dans tous les sens » (ne serait-ce que pour se rendre de la classe au TAP, du TAP à l’étude, etc), plus cohérent avec l’objectif de résoudre les difficultés scolaires ? 

L’un des 4 piliers de la refondation : « la réussite scolaire pour tous » :

Car quand même, le point de départ de la refondation, est que le niveau de l’école est à remonter, que les classements internationaux ne sont pas flatteurs pour l’Ecole Française. Et au final, que fait M. Peillon pour essayer de remédier à cela ? Il ne touche qu’à la répartition des heures de classe dans la semaine, avec la volonté affichée d’une moindre fatigue des enfants (mais cela reste à démontrer, comme on vient de le voir) et ajoute du temps, certes, mais hors école, temps qui s’avère, en outre, dans bien des endroits du temps de garderie et est totalement tributaire des moyens humains, financiers et de la volonté des communes. 

Alors je me demande pourquoi. Pourquoi mettre en place cette usine à gaz des TAP, coûteuse en temps (il serait intéressant d’additionner toutes les heures passées, France entière, sur le sujet, on serait, je pense, effrayés), en énervements (le pire, selon moi étant le regain de repli de chacun sur sa position de parent, d’enseignant,… qu’on constate sur le terrain quand la concertation est mal ou pas faite dans les communes), en argent public (j’aimerais qu’on me dise le coût total, Etat + collectivités locales, de ces TAP), en stress (M. Peillon réalise-t-il à quel point les équipes communales en ont sur le sujet : ne serait-ce qu’à l’idée qu’il va leur falloir trouver, en septembre 2014, suffisamment d’encadrants (bien formés, compétents dans l’animation et avec les enfants, disponibles aux heures choisies, et pour peu de temps, pas trop cher etc etc) pour assurer les TAP.. quand toutes les autres communes seront-elles-aussi à la recherche de ces perles rares et quand elles ont déjà du mal à trouver les animateurs actuellement pour les temps périscolaires )? Non, bien sûr, maintenant, M. Peillon, directement et par l’intermédiaire de ses DASEN (Directeurs Académiques des Services de l’Education Nationale) se défausse « les TAP sont du temps périscolaire, cela ne concerne pas l’Education Nationale » ! Ben voyons !

Pourquoi ne pas faire plus simple ? 

Pourquoi avoir voulu sortir ces trois heures du temps scolaire ?

Ne pourrait-on pas imaginer, inscrit dans le marbre des programmes du Primaire, trois heures où les enseignants font l’école autrement ? Du culturel, du sportif, du citoyen, du bricolage, de l’artistique, du jardinage, un journal d’école, des jeux de sociétés, du théâtre, la découverte de leur ville, de métiers,… Chaque enseignant déciderait, en fonction du reste de son enseignement et de ses goûts personnels le ou les projets qu’il pourrait mener sur l’année. On pourrait imaginer qu’il fasse appel, ponctuellement, à d’autres personnes (animateurs mairie, artistes, grands-parents, parents, associations…) pour l’aider à le(s) réaliser. L’enseignant positionnerait ces heures, là où il sentirait que ses élèves en ont besoin pour souffler. Ceux-ci n’auraient pas besoin de changer de classe, de groupe, d’adulte référent… Et cette organisation donnerait à l’enfant peu scolaire l’image d’une école où on fait aussi autre chose. Pas que des maths et du français. 

Impossible ? Pourquoi ? Deux de ces heures existent déjà, elles ont été supprimées pour les élèves en 2008, en même temps que le samedi matin, mais elles font toujours partie des obligations de service des enseignants (les 2h d’aide personnalisée devenues depuis cette année, l’heure d’APC et l’heure consacrée à « l’identification des besoins des élèves, à l’organisation des activités pédagogiques complémentaires et à l’amélioration de la fluidité des parcours entre les cycles »). Il manque une heure… sauf si on revient à ce qui se passait avant 2008 : 26 heures de classe en moyenne avec école 4,5 jours par semaine deux semaines sur trois. 

Le samedi matin.

Il semble acquis (à Gif) que la demi-journée supplémentaire sera le mercredi. Pour un changement qui se veut « pour le bien-être de l’enfant », on écarte un peu vite, je trouve, les recommandations des chronobiologistes spécialistes des rythmes de l’enfant, celles de l’Académie de Médecine et de Pharmacie. Et on fait fi des premiers échos qui remontent des communes ayant choisi le mercredi : ils font état d’une fatigue inhabituelle et pour les enfants, et pour les enseignants, et de leurs difficultés à tous, adultes et enfants, à arriver l’esprit frais le vendredi. D’autre part, quand les parents giffois (30% d’entre eux seulement) ont coché « le mercredi » la seule fois où on leur a posé la question (en février dernier !), ils ne savaient pas qu’il n’y aurait sans doute pas cantine pour les enfants n’allant pas au centre de loisirs l’après-midi.  

L’argument « oui, mais les familles divorcées ». J’aurais aimé, personnellement, que mon ex-mari accompagne son fils à l’école, un samedi matin sur deux, aille l’y chercher, rencontre son enseignante au détour du portail, puisse, quand c’était proposé, aider à la BCD, aux sorties… en un mot, qu’il soit partie prenante de la vie d’écolier de son enfant. Ce qui, il faut le reconnaître, est bien compliqué et sans aucun doute bien exceptionnel, pour le parent qui n’a pas la résidence principale s’il n’y a jamais école les jours où il est avec ses enfants. Et on ne parle pas assez, je pense, de l’envie de bien travailler que ressent un enfant quand il voit que ses parents s’intéressent vraiment à ce qu’il fait à l’école (et pas seulement aux notes qu’il en ramène)… encore plus forte, cette envie, quand les deux parents l’ont et la montrent.

J’ai demandé lors de la commission scolaire du 17 septembre que la Mairie fasse un questionnaire auprès de tous les parents, comme de très nombreuses communes prennent la peine de le faire (pour ne citer que nos voisines : Bures, Les Ulis, Orsay…). La réponse a été « non ». 

Peut-être vais-je me faire scalper par les enseignants de proposer que ces 2h redeviennent des heures devant la classe… mais ne pourrait-on pas imaginer que l’argent mis sur la table pour des TAP bien fantomatiques serve plutôt à améliorer le salaire des enseignants du 1er degré notoirement inférieur à celui du 2nd degré… et à la moyenne de l’OCDE. Peut-être vais-je faire hurler les parents d’oser proposer de revenir à 26 heures de classe (et au samedi matin)… Peut-être serez-vous séduit(e) par cette proposition mais vous me direz que c’est trop tard, que le décret est paru, que les choses pour mettre en place les TAP sont trop avancées… Peut-être… ou peut-être pas.

Je me dis en tout cas que les enfants et l’attachement à une Ecole Publique de qualité méritent qu’on se demande si ce ne serait peut-être pas cela, la bonne solution. Et s’il n’est pas encore temps de demander au Ministre d’en examiner la pertinence.

Martine Debiesse

(Groupe Démocrate et Indépendant GemGif)

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