PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Collectif Cape – le 11 novembre 2013 :

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"Les émotions, c’est contagieux" et l’amélioration ou la dégradation du climat scolaire est d’abord le fait de personnes, jamais le résultat de l’application de "programmes" fondés sur des "preuves scientifiques", explique Jonathan Cohen (National School Climate Center, New-York). Il intervenait hier 8 novembre dans le cadre du colloque "Climat scolaire & réussite éducative" organisé à l’ESPE de Créteil (sur le site de Bonneuil), de façon que les étudiants bénéficient de la présence à Paris de spécialistes internationalement reconnus pour une réunion du comité scientifique de la délégation ministérielle chargée de la lutte contre les violences scolaires.

Rami Benbenishty (Bar Ilan University, Israël) se moque lui aussi de l’expression anglo-saxonne "evidence based", devenue, un peu partout dans le monde, le sésame des nouvelles politiques. Il a montré qu’une école était le reflet de son environnement, mais qu’elle influait aussi sur son environnement, et qu’il n’y avait nulle fatalité. Certaines écoles ont des niveaux de violence bien inférieurs ou bien supérieurs à ce qu’on pourrait attendre, et il prend des exemples d’établissements juifs orthodoxes, juifs laïcs, et arabes où l’on sait, dès qu’on y entre, ce qu’on y trouvera. Il évoque notamment la directrice toujours présente et souriante de l’école d’un kibboutz qui accueille les enfants bédouins handicapés, et dont tous les élèves ont appris la langue des signes. "Ces très bonnes écoles se donnent une mission et elles adressent un message au monde extérieur", dans le cas présent sur ce que devrait être la société israélienne. A l’inverse, il montre les photos d’un établissement dont la cour est jonchée de détritus, où les fenêtres sont grillagées, et dont le directeur ne sort jamais de son bureau. Mais il se garde bien de dresser un portrait robot du bon directeur, ce sont toujours des personnes "hors du commun", et toutes différentes les unes des autres, ou de la bonne école qui est "une mosaïque où tout est important", où le projet est partagé par tous les personnels, où la violence n’est pas acceptée, où les problèmes reçoivent une réponse immédiate, où les toilettes et les arrière-cours ne sont pas des lieux de moindre importance.

Jonathan Cohen de même insiste sur l’importance de commencer la journée par un sourire, mais aussi de voir l’école comme "une communauté" qui implique tous les personnels, y compris d’entretien, mais aussi les parents. Il ne croit pas aux programmes de prévention de la violence tout faits, mais il met en avant la nécessité de donner aux élèves "des repères moraux", non pas en leur disant ce qui est bien ou mal, mais en leur proposant des dilemmes, puisque la plupart des décisions que nous sommes amenés à prendre se situent dans une "zone grise". Il invite les futurs enseignants de l’ESPE à solliciter les élèves, à leur demander à quoi ils prendraient plaisir. "Ils ont souvent des idées intéressantes." Mais il faut aussi savoir que "nous sommes tous vulnérables", que les adultes peuvent être submergés par leurs émotions, que la colère est toujours "une émotion secondaire", due au fait qu’un "nerf sensible a été touché". Ils ne trouvent pas toujours, loin de là, dans l’institution, le soutien dont ils ont besoin, les conditions qui permettent de prendre du recul. Et comme les émotions ne sont pas mesurables, elles ne sont pas prises en compte par les programmes scientifiques.

Il n’en demande pas moins aux enseignants d’être "exemplaires", c’est à dire de créer dans leur classe une situation telle que les élèves puissent dire "je n’ai pas compris", et qu’ils contribuent à la définition de l’école qu’ils veulent. En revanche, les programmes "tolérance zéro" ne marchent pas. Cela ne signifie pas, ajoute

E.Debarbieux

Benjamin Moignard (ESPE de Créteil et délégation ministérielle), que les élèves ne doivent pas être sanctionnés. "Il est indispensable que l’ordre règne", c’est la condition sine qua non des apprentissages. Attention toutefois aux excès. Les exclusions temporaires commencent à se développer à l’école primaire. Nous manquons de données nationales, mais on peut calculer que chaque jour, en Seine-Saint-Denis, 600 élèves sont exclus temporairement, dont seuls une vingtaine, une trentaine peut-être, sont pris en charge par des dispositifs mis en place par les collectivités locales, et ce sont plutôt des élèves "moyens", et non pas ceux qui sont les plus en difficulté.

"La sanction n’est plus exceptionnelle", relève l’universitaire qui considère qu’en limiter le nombre contribue à améliorer le climat scolaire, d’autant qu’elles sont souvent ressenties comme "injustes". Le cadre légal existe pour des "sanctions positives", et des "mesures de responsabilisation" avec des associations, comme l’UNICEF, l’AFEV… Mais il estime à 3 % au mieux le nombre des établissements qui y font appel. La Ligue de l’enseignement dit pourtant avoir travaillé avec 53 élèves qui devaient être exclus temporairement. Résultat, seuls 3 l’ont finalement été. Un collège d’Aubervilliers a réduit de 90 % le nombre des exclusions temporaires sur un an, ainsi que les exclusions de classe, en supprimant la salle dédiée aux élèves exclus.

Eric Debarbieux confirme que cette question du climat scolaire "reste un combat", mais que la nécessité de sa prise en compte, qui n’était pas "une idée si évidente il y a deux ou trois ans", est maintenant mieux comprise. La délégation crée "des outils concrets pour en parler" et pour gérer le situations de crise. Elle a mené depuis janvier dernier 143 actions de formation qui ont touché 17 000 personnes. Mais "sans amitié", sans "écoute entre nous", ce qui ne signifie pas toujours être d’accord sur tout, rien n’est possible dans cette lutte contre la violence scolaire. Le propos concerne les responsables de la mission et les membres de son comité scientifique, mais aussi les actions de terrain.

A noter le site américain "school climate" (ici) et le site français du CNDP "climat scolaire" (ici)

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