PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Média Education – le 29 novembre 2013 :

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Une enseignante en école primaire revient dans un document de synthèse sur un projet d’éducation à l’image monté en classe. Elle décortique avec un regard critique les activités proposées dans le cadre de cet enseignement :

« Pour ma part, en « bon soldat », j’ai voulu faire ce qui était prévu par les textes. Initier les enfants aux possibilités de manipulation d’une image, exercer leur esprit critique, à partir de ce qu’ils connaissent : la télé, les info, les séries. Pour aller vite, disons que ce travail a été globalement inutile. […] 

« S’accrocher, encore s’accrocher » pense la maîtresse […]. S’accrocher parce que je sais où je veux aller, parce que je sais que rien n’est jamais donné d’emblée. Parce qu’il faut résister à la bêtise et à la reproduction des modèles, parce que si on ne croît plus à la capacité de penser des élèves, il va falloir trouver un autre métier. »

 

C’est un lieu commun de déplorer la déferlante d’images que subissent, sans les comprendre tous, mais avec toujours beaucoup d’émotion, les enfants du 21ème siècle. Alors l’éducateur sage pense qu’il faut vraiment apprendre aux enfants à s’y reconnaître, faute de pouvoir canaliser ces flux perpétuels.

Sauf que l’éducateur, si sage soit–il et si plein de bonnes volonté – ne sait pas toujours s’y retrouver. Sur quelles images travailler ? comment ? avec qui ?

La notion «image» cache déjà une multitude de choses. Les images vues à la dérobée en marchant dans la rue, celle que nous déverse la télé à jet continu, les BD de Titeuf que l’on se passe sous le manteau, et tout ça n’empêche pas les élèves de rester passionnés par les images «éducatives» : vieux tableau «nanars» dans les livres d’histoire du primaire, photos de classe ou expositions d’artistes. Une seule certitude : ce qui touche à la rétine de l’œil ne laisse jamais les enfants indifférents, et pour eux, il ne semble jamais y avoir de «trop plein». Essayer de leur lire un livre en «magistral», même si vous êtes un bon conteur, il s’en trouvera toujours un pour demander en plein milieu «tu nous montres les images ?»…

Le tâtonnement de la pratique – Les erreurs – les fausses pistes

Pour ma part, en «bon soldat», j’ai voulu faire ce qui était prévu par les textes. Initier les enfants aux possibilités de manipulation d’une image, exercer leur esprit critique, à partir de ce qu’ils connaissent : la télé, les info, les séries. Pour aller vite, disons que ce travail a été globalement inutile. D’une part, le décryptage des infos demande des connaissances historiques, sociologiques, géographiques nombreuses et la plupart du temps l’affaire se termine en cours magistral devant un public intéressé au départ puis peu à peu assoupi (ou plutôt hyperactif, ça dépend des jours) Allez raconter la guerre d’Irak à des enfants de 9 ans en étant interactifs… .

Alors j’ai essayé de travailler sur «les informations». La procédure est simple dans son principe, mais sa réalisation demande tellement d’heures de travail extérieures et de complicités amicales que vous vous en lassez vite. : Vous demandez à 3 ou 4 amis de vous enregistrer le 20 heures en leur répartissant les chaînes. Vous priez que ce soir là, il y ait un événement intéressant, pas trop porteur d’angoisse et proche de la vie des enfants. Vous récupérez les bandes et vous en faites un montage qui vous permet ensuite de vérifier avec vos élèves comment est traitée une information… C’est passionnant, même pour vous. Ceci dit c’est un travail de fou et comme on a quand même quelques autres bricoles à préparer…

Bon, essayons de travailler plus simplement, avec les émissions vues par les enfants (séries, télé-réalités). En fait quel est l’objectif ?… Soit vous visionnez des cassettes de «vrais» programmes et vous vous en servez pour l’étude du sujet invoqué. Ce n’est pas du travail de décryptage de l’image, c’est un support visuel à un exposé de sciences ou d’histoire (personnellement, je me sers beaucoup de la série «c’est pas sorcier» ) On trouve régulièrement sur Télédoc les émissions que la télé vous recommande. Ce qui prouve bien que les responsables de chaînes savent que la majorité de leurs programmes n’est pas recommandable.. Mais on s’éloigne du sujet…. Soit vous voulez voir avec eux ce qu’ils regardent chaque semaine et en discuter pour les rendre moins captifs de ces produits grand public, bas de gamme et décervelants.. Sauf que vous allez vous heurter à deux écueils :

– D’abord les enfants savent très bien parce que vous leur avez souvent signifié d’une manière ou d’un autre que «super nany» ou le Loft n’était pas votre tasse de thé. Donc cela va les faire beaucoup rire de voir cela à l’école et pour eux ce sera comme une récréation.Et vous vous direz en plus «moi qui n’arrive jamais à finir le programme, je regarde avec eux ce truc débile pendant la classe…»

– Ensuite, et c’est le plus grave, ces séries sont regardées en famille ou au moins avec l’approbation des adultes référents. Contester les choix des familles au nom de nos valeurs universelles et de notre supériorité morale, ça n’ébranle pas du tout les convictions des enfants, ça les met en face de choix déstructurants de valeur contradictoire une fois de plus, ça ne les aide pas à penser, ça leur dit implicitement «tes parents sont des imbéciles pour la maîtresse…»

Changer de position

Comment inventer un nouveau regard, faire changer de points de vue ?

Pour changer de points de vue, il faut changer de position et c’est à la suite  de toutes ces déconvenues pédagogiques que j’en suis venue à travailler «cinéma» pour que les enfants soient moins passifs devant la TV… (http://www.meirieu.com/ECHANGES/educimage_gerin.pdf)

 

 

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