PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

LA CRISE A CONTRIBUÉ À FRAGILISER LA POSITION DES JEUNES AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE, nombre d’entre eux éprouvant des difficultés à y trouver leur place. Mais la jeunesse ne saurait se résumer à un problème d’insertion. C’est avant tout une force vive qui dessine son propre avenir et propose de nouvelles solutions porteuses pour les territoires. L’heure est plus que jamais à la mobilisation concertée de tous les acteurs, à l’échange et aux expérimentations.

Ils constituent 22% de la population active mais représentent 40% des demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, les jeunes peinent à trouver leur place dans une société française vieillissante. Avec 23,4% de moins de 20 ans sur 65,3 millions de Français, leur part est aujourd’hui sensiblement équivalente à celle des plus de 60 ans (23,5%en 2012, contre 16% en 2002) (1). Peu visible dans les grands débats qui agitent notre société, adoptant de nouveaux modes de fonctionnement parfois mal compris des aînés, la jeunesse ne parvient pas toujours à faire entendre sa voix alors qu’elle est l’une des premières victimes de la crise. L’Observatoire des inégalités constate ainsi que, en France, la moitié des personnes pauvres ont moins de 30 ans. Un jeune adulte sur dix entre dans cette catégorie, contrastant avec les plus de 60 ans, qui regroupent 4% seulement des plus défavorisés (2).
« Au sein de la population jeune, les inégalités s’aggravent surfond de crise, la ligne de fracture passant principalement par le diplôme, constate Francine Labadie, chef de projet à l’observatoire de la jeunesse de l’INJEP(3). Les jeunes pas ou peu diplômés sont les plus fragilisés, et la mise à l’écart du marché du travail les expose au risque d’exclusion sociale durable. Les jeunes diplômés, pour leur part, connaissent une dégradation de leurs conditions d’emploi ainsi que des privations matérielles temporaires ou des difficultés d’accès à un logement autonome. »

Au coeur des politiques publiques

Au regard de ces difficultés spécifiques et des enjeux pour l’avenir du pays, la jeunesse se révèle être une priorité gouvernementale. Le comité interministériel de la jeunesse du 21 février 2013 a ainsi défini 47 mesures en faveur de l’insertion des jeunes. Elles se déclinent en 4 objectifs principaux : privilégier le droit commun pour l’accès aux droits sociaux; favoriser l’autonomie et sécuriser les parcours de formation, de logement ou de santé; lutter contre les inégalités et les discriminations; encourager la participation au débat public. Concrètement, ces mesures se traduisent d’abord par de nouvelles perspectives d’emploi. Dans le cadre de la refondation de l’école, 60000 recrutements sont prévus sur cinq ans pour les jeunes diplômés. Le dispositif Objectif emploi formation propose, quant à lui, des parcours personnalisés aux élèves décrocheurs, avec le soutien d’un tuteur. Des mesures qui complètent les dispositifs des emplois d’avenir, des contrats de génération ou des emplois francs, destinés aux jeunes issus d’un quartier prioritaire. Par ailleurs, des expérimentations sont lancées. Ainsi, le nouveau service public de l’orientation (SPO) sera prochainement expérimenté dans huit régions, en partenariat avec l’État, pour faciliter l’accès à l’offre de formations et de métiers adaptés. Un fonds interministériel en faveur de l’accès à la mobilité des jeunes devrait également voir le jour. Enfin, des mesures de soutien à la création d’entreprise par des jeunes (en particulier dans le secteur de l’économie sociale et solidaire) sont prévues grâce au microcrédit et aux garanties de la Banque publique d’investissement. La mise en place d’un nouveau statut d’étudiant-entrepreneur vient également d’être annoncée par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso.

Changement de regard sur les jeunes

Toutes ces actions témoignent de l’évolution en profondeur du regard porté sur la jeunesse dans notre pays. Elles marquent le dépassement du discours sur la prétendue démobilisation ou le manque d’ambition des jeunes, au profit d’une attitude plus positive et plus compréhensive à l’égard des difficultés qu’ils rencontrent… comme des solutions innovantes qu’ils apportent. En réponse à la précarité et à l’isolement notamment, de nouvelles formes de cohabitation solidaires émergent. Les cohabitations intergénérationnelles, où un étudiant est hébergé chez une personne âgée et lui rend de menus services, favorisent ainsi le maintien à domicile. Le développement des colocations entre jeunes actifs est aussi souvent synonyme de redynamisation de certains quartiers. En matière de mobilité, les jeunes recourent spontanément au co-voiturage ou aux transports en commun, pratiquent les modes de circulation autres que la voiture, comme le vélo en ville. Ils sont aussi porteurs de renouvellement économique. Confrontés à des difficultés d’entrée sur le marché de l’emploi, ils sont de plus en plus nombreux à créer et développer leur propre activité, contribuant à redynamiser les territoires. Ainsi, 37% des lycéens et étudiants envisageraient de créer leur entreprise, contre 30% pour le reste des Français(4). Lesjeunes savent également tirer parti des nouvelles technologies et développer un management plus coopératif, sur la base de rapports moins hiérarchisés, pour renouveler les façons de travailler (5). Autant de richesses qui seraient insuffisamment prises en compte par les politiques publiques traditionnelles.
« Plutôt que de privilégier l’indépendance du jeune, via des aides directes, l’État-providence français favorise de longue date les solidarités familiales pour sa prise en charge, constate Francine Labadie. Ainsi, les jeunes vulnérables se voient refuser l’accès au RSA."y a un grand paradoxe entre la responsabilisation exigée de ces jeunes et/a faible protection qui leur est accordée. La Garantie jeunes devrait combler cette lacune. »
Mais les choses bougent : regards et pratiques évoluent. Les nouvelles mesures gouvernementales privilégient une approche transversale, et les collectivités sont amenées à jouer un rôle essentiel et croissant dans l’entrée dans la vie adulte. Accès à un logement, aux prestations de santé, mais surtout à un emploi… Les régions sont au coeur des « politiques jeunesse ». Compétentes en matière de formation et d’apprentissage, elles oeuvrent aussi à la mise en réseau des services de l’État. De fait, l’échelon régional s’avère particulièrement approprié pour créer une dynamique et répondre notamment aux besoins spécifiques en matière de transport, voire de logement pour les jeunes. Sans doute aussi parce qu’il s’agit là d’un élément clé de la compétitivité et de l’attractivité des territoires sur le long terme. Ce qui amène certaines régions, comme l’Île-de-France, à réclamer de nouvelles compétences en la matière.

Impulser de nouvelles dynamiques territoriales

Développant une logique d’« assembleur », le Conseil régional de Lorraine a mis en place, dès 2011, LOR’Jeunes. Cette  instance co-animée avec l’État se veut à la fois un laboratoire, un observatoire et un réseau d’animation de l’ensemble des acteurs spécialisés. Grâce à cet outil, la Région Lorraine a renforcé la complémentarité de son action en faveur de la jeunesse avec celle de l’État, des collectivités ou d’organismes dédiés. Elle peut aussi mieux soutenir les dispositifs qui se révèlent efficaces et qui s’inscrivent dans le cadre de ses objectifs. Autre action emblématique, la Région Lorraine soutient l’École de la deuxième chance pour accompagner l’insertion des moins de 26 ans ayant décroché du système scolaire. Le Conseil général de la Loire décline, pour sa part, un Plan jeunes. Principalement destiné aux adolescents, ce dispositif s’articule autour de trois thèmes phares : « Je veux être bien dans ma tête et dans mes baskets », « Je veux m’ouvrir aux autres et au monde », «Je veux trouver ma voie et ma place dans la société », «Il ne s’agit pas uniquement d’appliquer partout les 42 actions que comporte le plan, mais aussi d’identifier les besoins par territoire, pour construire avec les partenaires et lesjeunes des réponses adaptées (6) », déclare Jacqueline Delorme, chargée de mission Jeunesse au sein du Département. Les villes et les intercommunalités développent, elles aussi, leurs propres programmes d’actions. Reims mise sur sa page Facebook « Jeunes Rémois » pour faire connaître les aides et avantages réservés aux jeunes et les faire bénéficier de sorties culturelles à des tarifs avantageux. Saint-Nazaire accompagne les jeunes porteurs d’un projet grâce à la création d’un fonds dédié. Nanterre – où les moins de 25 ans représentent 40% des habitants – a fait de l’action en direction des jeunes l’une de ses priorités. La municipalité facilite leurs démarches en matière de logement, d’accès aux droits ou aux soins, tout en les associant aux décisions et en diffusant largement l’information. Chaque année, Nanterre met un coup de projecteur sur les jeunes talents lors de la Semaine de OUF, un festival qui propose des concerts, des évènements culturels et sportifs et des débats entre jeunes et élus. Certains, comme Tristan Denéchaud, président du collectif Bougeons les lignes et élu au conseil municipal de Colmar, souhaitent cependant aller beaucoup plus loin, en dépassant la logique même des politiques de la jeunesse. Donnant la priorité à trois axes majeurs – développement durable, transports et démocratie locale -, le collectif cherche à impulser une nouvelle dynamique. «Une ville attractive pour les jeunes est attractive pour tout le monde, explique Tristan Denéchaud.
Notre collectif a toujours été très attentif à ne pas être catalogué comme un "lobby jeune". Chacun a des intérêts variables, et il y a
tellement de profils différents que si l’on veut défendre "lesjeunes" dans leur globalité, on est forcément amené à défendre tous les Colmariens. »Une vision de la jeunesse au service de l’intérêt général, avant tout. 

(1) Bilan démographique 2011, INSEE,janvier 2012.
(2) L’État de la pauvreté en France, note n" 1, Observatoire des inégalités, octobre 2013.
(3) Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire.
(4) Enquête en ligne menée sur un échantillon représentatif de 1005 lycéens et étudiants du 14 au 20 janvier 2013 par OpinionWay pour le MoovJee.
(5) Vive la co-révolution l, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot, éditions Alternatives, mai 2012.
(6) Loire magazine n" 95, octobre 2012.

 

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