PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Savez-vous compter les Jours, ceux avec un grand J où durant 24 heures, on célèbre une cause (les Droits de l’homme), une mémoire (le Soldat inconnu), un genre (la Femme) … Passage en revue des Jours dans l’Education nationale.

Chaque ministre rêve de laisser sa marque. Cela passe généralement par une réforme, voire par plusieurs, ou/et par un Jour ou une Journée. Une fois l’idée trouvée, le Jour se décrète. Le problème est qu’après, cela ne suit pas toujours. Le Jour court alors le risque de ne durer qu’un jour. Et de se retrouver l’année suivant à nouveau perdu dans la semaine.

C’est que le Jour doit avoir une dimension consensuelle. Pour heurter le moins possible et rassembler le plus possible, notamment les professeurs au cœur de ces célébrations. En même temps, dans l’idéal, le thème du Jour doit refléter un tant soit peu les valeurs portées par la droite ou par la gauche.

Tout cela n’est donc pas simple. Démonstration non exhaustive, en se limitant aux tout derniers mandats.

Jours de gauche : Contre le harcèlement scolaire …

La ministre Najat Vallaud-Belkacem vient de lancer la première Journée nationale « Stop au harcèlement ». Elle est fixée cette année au 5 novembre et se  tiendra de façon générale le premier jeudi après les vacances de la Toussaint.

Difficile de l’ignorer. Une semaine avant le jour J, la ministre a lancé une vaste opération de com’, avec conférence de presse (1), « exclus » données aux uns et aux autres, fuites de mesures déjà connues car annoncées dans le précédent plan de lutte en février dernier.

Difficile d’être contre. Le harcèlement des élèves, qui se double aujourd’hui de cyber harcèlement, est un fléau. Il peut conduire les jeunes victimes à des extrémités. Voilà donc une idée consensuelle. Et un Jour qui risque de durer.

.. Pour la laïcité et les valeurs républicaines

En 2014, la gauche a inventé  la Journée nationale de la Laïcité à l’école. Elle est fixée au 9 décembre, jour anniversaire de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Une création dans la droite ligne de la Refondation de l’école version Vincent Peillon, grand défenseur de la morale laïque.

Cette année, le gouvernement appelle à une mobilisation particulière le 9 décembre. Dans la foulée des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et contre l’Hypercacher, il s’était inquiété des incidents qui avaient émaillé la minute de silence dans certains établissements. Cette Journée doit donc servir, selon lui, à « remettre les valeurs républicaines au cœur de l’école ».

Une Journée, même avec majuscule, y suffira-t-elle ?

Jours de droite : Pour célébrer les vertus du sport…

Sous l’ère Sarkozy, Luc Chatel était le ministre qui claironnait qu’il pouvait supprimer des postes « sans problèmes ». Il est aussi celui qui a créé, en 2010, la Journée du sport scolaire. Ca ne mange pas de pain.

Représentant d’une droite saine et vigoureuse, Luc Chatel était un adepte du  « Mens sana in corpore sano ». Il avait lancé des classes Sports dans quelques lycées, avec cours le matin et sports l’après-midi. L’expérience avait vite été jugée réussie et il avait promis de l’étendre. Sarkozy battu, on n’en a toutefois plus entendu parler.

La Journée du sport a, quant à elle, survécu. Cette année a même été décrétée « Année du sport de l’école à l’université ». Comme quoi les valeurs sportives sont consensuelles.

… Et pour vanter  l’innovation

A côté du mérite et du sport, Luc Chatel prônait l’innovation pédagogique. En 2011, il a donc lancé les premières Journées de l’innovation, des rencontres d’experts, de chercheurs et d’équipes innovantes. Il a aussi créé un Fonds d’expérimentations.

Ces Journées ont perduré. Elles sont aujourd’hui centrées sur l’usage du numérique à l’école. Qui peut être contre ?

Les flops historiques

Les grands ratages de ces dernières années sont signés Nicolas Sarkozy. Au début de son mandat, le chef de l’Etat était très porté sur le devoir de mémoire. Il décida un jour de faire lire, dans tous les lycées de France, la lettre pathétique que le jeune Guy Môquet, 17 ans, avait écrite à ses parents juste avant d’être fusillé le 22 octobre 1941 (2). L’idée était que le courage de ces jeunes engagés dans la Résistance devait servir d’exemple aux jeunes d’aujourd’hui.

Malgré les réserves d’enseignants devant cette mémoire trop émotionnelle, la lettre fut lue dans bon nombre d’établissements le 22 octobre 2009. Puis en 2010, mais dans une moindre mesure. En 2011 encore… Aujourd’hui plus personne ne saurait dire où on est exactement.

On évoquera aussi ici – mais il n’agit pas d’une Journée – l’autre idée de Nicolas Sarkozy quant à l’histoire : faire parrainer par les élèves de CM2 (âgés de 9-10 ans donc) la mémoire des 11 000 enfants juifs de France victimes de la Shoah.

Même son fidèle ministre  Xavier Darcos accusa le coup. Il mandata une experte, qui proposa des modalités… Parmi celles-ci, réfléchir en classe à cette période le 27 janvier, Jour de mémoire des génocides et de prévention des crimes contre l’humanité. Bref  l’affaire fut enterrée.

Jours éphémères

On terminera ici par quelques notes positives, avec des initiatives citoyennes. Parmi celles-ci, l’éphémère Journée de la Jupe appelée le 16 mai 2014 par des lycéens nantais pour protester contre le sexisme, en pleine mobilisation de La Manif pour tous (les lycéens et lycéennes devaient venir de jour-là habillés en jupes).

On peut aussi citer les Journées de résistance pédagogique observées en 2009 par les « désobéisseurs » », ces instits hostiles aux multiples évaluations imposées par Xavier Darcos.

Ou encore la Journée de refus de l’échec scolaire de l’Afev, qui semble avoir encore de beaux jours devant elle.

Comme quoi les journées sont à tous, même avec majuscule.

Un autre jour, on parlera des Semaines.

Véronique Soulé

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