PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Huffpost – C’est la vie – le 24 février 2013 :

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TECHNO – On a beaucoup fantasmé sur l’arrivée des nouvelles technologies dans l’éducation : on les imaginait déjà capables de créer une façon d’apprendre qui n’existait pas jusqu’à présent. Et pourtant, rien ne semble avoir changé en profondeur à l’école. Et si l’on passait à côté de la révolution numérique à l’école?

Les nouvelles technologies ne sont évidemment pas absentes de l’univers des élèves et des enseignants, bien au contraire : tableaux numériques, applications mobiles, espaces numériques de travail, comptes Twitter, blogs, réseaux sociaux, etc. Les élèves sont également formés et évalués à l’usage de ces outils avec le B2i*. Mais qu’en est-il de la réalité des usages? Peut-on parler de révolution alors que le format du cours magistral devant 35 élèves demeure le modèle le plus répandu?

Quel a été l’impact véritable de l’arrivée des nouvelles technologies à l’école? Nous nous obstinons à les voir comme un moyen de développer une nouvelle forme de pédagogie plutôt que comme de simples outils. Et si ces technologies permettaient simplement à l’enseignant d’enseigner?

Se libérer des visions technophiles

L’arrivée des nouvelles technologies dans le monde scolaire s’est faite souvent à sens unique: on prend un usage existant et on essaie de l’appliquer en classe. Réseau social, blogs, micro-blogging à la Twitter, mind-mapping, tout ou presque est déjà passé à la sauce pédagogique. Et si l’on peut discuter de l’intérêt d’utiliser Twitter en classe, il n’en reste pas moins que ces initiatives viennent très souvent d’enseignants technophiles hyper-connectés voire hyper-passionnés. L’appropriation des nouvelles technologies à l’école s’est ainsi faite de manière complexe et intellectuelle. Comme s’il fallait reprendre la main sur des outils dont les élèves maîtrisent les subtilités. Quant aux parents, ils regardent cela avec circonspection en se demandant si c’est bien de cela dont ont besoin leurs enfants.

Qu’apprend-on au collège et au lycée? Si l’on s’en réfère aux programmes de l’Éducation nationale, il s’agit d’acquérir des connaissances, mais aussi et surtout des compétences. Je sais synthétiser des informations dans un schéma. Je sais appliquer le théorème de Pythagore Je sais équilibrer une équation chimique. Je sais questionner un sujet et en dégager une problématique. Etc. Au collège et au lycée, on apprend d’abord à savoir raisonner, interroger, synthétiser, restituer. Et les nouvelles technologies sont dans ce cadre des outils comme l’étaient avant elles le rapporteur, les tables de conjugaison ou la table périodique des éléments.

Comment acquiert-on ces compétences? En comprenant la méthode et en l’appliquant des dizaines de fois. Je sais appliquer le théorème de Pythagore car j’ai fait 15 exercices avec cette méthode. Mon service au tennis est bon car j’en ai fait plusieurs centaines.

Redonner toute sa valeur au métier d’enseignant

Pourtant au-delà de la maîtrise des compétences et l’acquisition de connaissances, l’école a une autre ambition : développer l’esprit critique des élèves, susciter leur curiosité, les faire embrasser la richesse et la complexité du monde, en somme former de futurs citoyens. Cette mission est malheureusement souvent délaissée car il faut d’abord "finir" le programme. Et comment créer des interactions avec l’enseignant et les autres élèves lorsque l’on suit un cours magistral avec 34 autres élèves occupés (au mieux) à prendre des notes ? Certains enseignants y parviennent malgré tout, mais au prix d’une énergie et d’une organisation sans faille. C’est là qu’entrent en jeux les nouvelles technologies. Utilisées comme des outils, elles peuvent libérer les enseignants des tâches ingrates et de tout ce qui ne nécessite pas leur présence. Imaginons un peu ce que peuvent faire les outils du numérique à la place des professeurs:

  • Faire le cours. Chez eux le soir, lorsqu’ils ont tendance à être plus passifs après une journée en classe, les élèves suivent le cours en vidéo. Ils peuvent le voir quand et autant de fois qu’ils le souhaitent. La vidéo sur internet est un format simple à partir du moment où l’on en maîtrise les codes. Il ne s’agit pas de filmer un cours d’une heure en entier!
  • Évaluer la compréhension. Plus efficace que de demander si tout le monde a bien compris, vérifions que les élèves ont assimilé le cours et les principales méthodes grâce à des exercices simples qui peuvent être des questions à choix multiples, mais aussi des exercices d’auto-évaluation. Une manière simple de contrôler l’attention de chaque élève et de savoir ce qui leur pose le plus de problème.
  • Organiser et contrôler les devoirs maisons. En allant un degré plus loin, des outils simples peuvent répartir les devoirs aux élèves en fonction de leur niveau et de leur avancée. On peut contrôler ces devoirs, sans forcément les noter.
  • Répondre aux demandes des élèves. Poser sa question par courriel, sur un forum ou par chat est pour certains plus facile que de lever la main en classe. Les questions et les réponses peuvent ensuite être archivées et restent disponibles à tout le reste de la classe.

Ainsi, les enseignants libérés de ces tâches peuvent réorganiser leur façon de travailler en classe. Ils se concentrent sur les notions les moins bien comprises et maîtrisées. Ils peuvent identifier des groupes de niveaux et faire travailler les élèves séparément ou en les mélangeant.
En classe, on prend le temps d’aller plus loin dans les explications. On perfectionne les résolutions d’exercices. On se familiarise avec la complexité. On sort du programme et on interagit avec la classe.

Ce qu’il manque pour favoriser le développement de la pédagogie inversée.

Cette façon de faire cours existe déjà et s’appelle la pédagogie inversée. Elle est encore le fait d’enseignants peu nombreux et passionnés. Et si les nouvelles technologies peuvent aider plus de professeurs à aller dans ce sens, on manque encore de ressources et d’outils parfaitement adaptés :

  • Des cours vidéo qui respectent les codes du web (durée, format, rythme) sans pour autant céder à la tentation du divertissement. Ce sont des cours donnés par des enseignants et non des présentations faites par des comédiens.
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  • Des exercices pour apprendre à mener un raisonnement. Il est plus difficile de créer des exercices qui guident les élèves dans une démarche de réflexion et d’argumentation que de générer des questionnaires à choix multiples. C’est pourtant indispensable si l’on veut mesurer la maîtrise des compétences et pas uniquement les connaissances.
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  • Des outils capables de personnaliser un parcours de travail. Tous les élèves ne connaissent pas les mêmes difficultés, n’avancent pas au même rythme. Des outils peuvent prendre en compte ces différences dans le choix des activités à faire. On appelle cela de l’adaptive learning. De gros éditeurs américains investissent des dizaines de millions de dollars dans leur conception. Cela demande un vrai travail scientifique pour la mise en place d’algorithmes et un énorme travail éditorial pour indexer les ressources suivant leur difficulté ou leur façon de résoudre un problème. Ce n’est donc pas encore pour aujourd’hui.
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  • Des outils pour aider les parents à mieux suivre le travail de leur enfant. Certains parents souhaitent soutenir davantage leur enfant. Surtout s’il est en difficulté. Des outils simples permettent de créer des rendez-vous au cours desquels parents et enfants s’investissent dans une séance de travail. De même, les parents qui n’auraient pas le temps, l’envie ou les compétences peuvent malgré tout savoir grâce aux outils numériques que leur enfant a travaillé.

Enfin, en dehors de ces outils et ressources à concevoir, le principal obstacle au développement d’une nouvelle forme de pédagogie à l’école est que cela suppose une nouvelle réflexion autour du temps à l’école. Si une partie du travail se fait en autonomie, il faudra probablement aménager le nombre d’heures que passent les élèves en classe. Il faudra également intégrer ces pratiques au coeur de la formation des enseignants. Cela nécessite une volonté politique forte puis une mise en place qui a toutes les chances de prendre du temps. Beaucoup de temps.

C’est pour toutes ces raisons, qu’en tant qu’éditeurs d’outils et de ressources pédagogiques en ligne, nous avons fait le choix de nous focaliser sur le soutien scolaire. Les familles ne connaissent pas tous ces blocages et leur utilisation des nouvelles technologies est bien plus naturelle. Parents et enfants utilisent déjà Internet, les smartphones et les tablettes pour de multiples usages. Il leur apparaît normal que ce soit le cas aussi pour l’apprentissage. A nos yeux, la révolution dans l’éducation viendra de l’extérieur. Elle viendra des familles. Les ressources que nous développons pour le site www.lesbonsprofs.com leur sont d’abord destinées comme complément de ce que l’école propose. Mais bien entendu, rien n’empêche les professeurs de s’approprier ces outils et ces cours. Nous imaginons déjà des applications qui vont dans le sens d’un usage en classe.

Comme dans la presse ou l’industrie de la musique, les changements dans le monde de l’éducation ne viendront pas de l’intérieur, de l’institution. Ils ne viendront pas non plus des acteurs traditionnels du marché scolaire tels que les éditeurs de manuels, les services de cours particuliers à domicile, ni même des services de cours particuliers à distance, qui tous connaissent des difficultés à se positionner sur ces nouveaux usages.
Les changements se feront de manière naturelle par ceux qui pensent que l’école a beaucoup à gagner en se recentrant autour des interactions professeurs – élèves – parents dans un objectif d’épanouissement de chacun. Les nouvelles technologies y seront d’autant plus efficaces qu’elles deviendront quasi-invisibles, ou tout simplement banales.

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