PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In La Boutique INS HEA – Dossier n°61 – Avril 2013 :

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EN s’intéressant aux Dispositifs innovants de l’école inclusive, ce dossier reprend, approfondit et élargit au plan national et international un Programme de recherche transversal (PRT) mis en place par l’IUFM de l’université Paris-Est-Créteil, en

collaboration avec l’INS HEA et l’équipe REV1 du centre de recherche CIRCEFT2.

Ce programme avait pour objet de croiser des travaux conjuguant un intérêt pour les élèves en situation de handicap et pour les dispositifs innovants susceptibles d’accompagner ces élèves au plan pédagogique, organisationnel, relationnel, dans une perspective inclusive de prévention des difficultés d’apprentissage et d’avènement de chaque sujet-élève. Ces dispositifs ont été explorés via les prismes institutionnel et pédagogique, ainsi que sous l’angle des collaborations (internes, partenariales) et

de la prévention. Aussi, ce dossier permet-il à des chercheurs et des praticiens de partager, avec un public élargi et intéressé par des développements scientifiques et méthodologiques concernant l’école inclusive, des travaux de recherche et de réflexion en lien avec les apprenants à besoins éducatifs particuliers.

En 2005, la loi française « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées3 » a établi le droit à la scolarisation de tout enfant ou adolescent handicapé, transformant l’intention inclusive européenne exprimée par la conférence européenne de Salamanque4 (Unesco, 1994) en acte législatif. Cette loi a eu pour effet l’émergence de nouvelles logiques d’action en milieu scolaire ordinaire ou spécialisé. Il semble pertinent d’interroger, huit ans après la promulgation de cette loi, les conséquences de sa mise en œuvre sur  les professionnalités, postures, pratiques pédagogiques, dynamiques d’équipes, structures institutionnelles, etc., au regard des élèves à besoins spécifiques. Les contributions de ce dossier interrogent donc les redéfinitions éducatives sous-tendues par le développement de l’école inclusive à partir de deux concepts : celui de dispositif et celui d’innovation.

Le dispositif, tel que l’a défini Michel Foucault5, est un ensemble hétérogène doté d’une connotation stratégique. Or la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers place au cœur de la réflexion la question de la diversité scolaire, ainsi que celle des stratégies à mettre en place pour prendre en compte cette diversité.

Ainsi le dispositif peut-il être un analyseur pertinent pour interroger la nature des transformations éducatives consécutives à la loi de 2005.

Selon West et Altink 6, l’innovation correspond à une production de nouveauté (soit absolue, soit au regard du lieu où elle se produit), qui s’opérationnalise (c’est-à-dire que les idées sont susceptibles d’être mises en œuvre) et que l’on peut associer à une intention d’amélioration (par opposition à une intention de destruction).

L’innovation en éducation peut alors pleinement s’intégrer dans une logique de mutation du système éducatif.

Dans un contexte de promotion de l’école inclusive, traversé par la question de l’altérité et marqué par l’interculturalité professionnelle, le concept de dispositif, parce qu’il peut être instituant, c’est-à-dire parce qu’il peut engager de nouvelles formes

d’action, tout en étant institué par le cadre réglementaire, a vocation à devenir, une fois articulé au concept d’innovation, un analyseur efficace pour ouvrir de nouvelles perspectives à la professionnalité enseignante, à la formation des enseignants et pour cerner les obstacles, les dilemmes et les paradoxes qui les attendent.

La première partie du dossier est constituée de recherches contextualisées ou théoriques en lien avec les dispositifs de l’école inclusive et leur potentiel d’innovation. Elle est ouverte par un entretien avec Charles Gardou, à l’occasion de la parution en octobre 2012 de son ouvrage de la norme7. » Suivent les contributions d’Alexandre Ployé, qui interroge les conditions de réalisation et les enjeux psychiques de l’inclusion scolaire en collège ; de Maria Cristina Kupfer et Leandro De Lajonquière, dont l’éclairage sur le centre d’éducation thérapeutique Lugar de Vida, au Brésil, contribue à redéfinir les frontières classiques généralement établies entre soin et éducation ; de Hervé Benoit, pour qui les ruptures de cohérence discursive des textes régissant les dispositifs inclusifs s’articulent dans un discours apocryphe, sous-jacent à l’élaboration par les acteurs des éléments de leur épistémologie pratique ; de Valérie Barry et Emmanuelle Maître de Pembroke, centrée sur les postures identitaires et les conflits de valeurs qui peuvent naître de la relation pédagogique avec un élève présentant une altérité perçue comme radicale ; de Brigitte Marin, de laquelle se dégage l’effet régulateur de l’outil informatique sur le différentiel de compétences entre des élèves de Segpa et de classe ordinaire de collège ; de Silvia Tedesco et Daisy Queiroz, qui, en faisant de l’expérience au contact de la différence la condition fondamentale de l’apprentissage, défend l’idée d’un apprentissage inventif ou éthique ; de Dario Ianes et Heidrun Demo, dont l’intérêt est d’apporter l’approche critique de chercheurs italiens sur les micro-processus d’exclusion qui se sont immiscés dans les pratiques scolaires quotidiennes de l’Integrazione scolastica ; deBrigitte Charrier et de Valérie Barry, qui l’une et l’autre s’intéressent à la formation des enseignants spécialisés, la première dans la perspective d’une approche clinique d’orientation psychanalytique en analyse de pratique, la seconde, à travers une étude croisée des représentations des professionnels de l’éducation au regard de la notion d’innovation dans leur parcours professionnel et des enjeux du paradigme de l’école inclusive ; de Cédric Frétigné et d’Eirick Prairat, s’attachant l’une et l’autre à élucider respectivement les dispositifs innovants de l’école à la lumière de la handicapologie et le défi d’une école hospitalière à la lumière des vertus morales du maître, au sens de l’éthique aristotélicienne.

Les contributions professionnelles de la seconde partie du dossier portent sur une analyse réflexive de pratiques pédagogiques inclusives. Ce sont d’abord Miguel Claudio Moriel Chacon et Anna Augusta Sampaio de Oliveira qui expliquent comment, au Brésil, la mise en place des Salles de ressources multifonctionnelles a contribué à mieux articuler le travail des enseignants ordinaires et spécialisés et à développer l’action collective et participative, entre l’espace commun et l’espace de soutien. Puis, Ann Palmier livre une réflexion sur l’innovation au quotidien et sur les transformations institutionnelles, partenariales et pédagogiques qu’elle identifie comme nécessaires au développement de l’école inclusive, suivie de Béatrice Champeval, qui s’intéresse en particulier à la prise en compte des besoins des collègues impliqués dans la scolarisation  d’élèves à besoins spécifiques, aux postures que l’on peut adopter pour parler du handicap cognitif aux élèves, et à la construction de pistes de travail concrètes pour dépasser les obstacles à l’acceptation et à la reconnaissance de toutes les formes de différences. Enfin, Christine Chausson, s’appuyant sur son expérience de directrice d’unité d’enseignement au sein d’un Itep, s’emploie à cerner les possibilités d’une logique inclusive, s’agissant d’élèves ayant fait l’objet d’une re-scolarisation en milieu spécialisé.

Ce dossier sur les Dispositifs innovants de l’école inclusive explore donc, par une mise en perspective des contributions :

– la façon dont des professionnels de l’éducation (professionnels de terrain, formateurs, responsables institutionnels) s’emparent de la notion d’innovation dans leurs gestes professionnels, au sein de dispositifs inclusifs accueillant des élèves en situation de handicap ;

– le point de vue des acteurs de l’éducation sur la question de la diversité (pouvant être ressentie comme une hétérogénéité, voire une hétéroclicité…) et aux effets de ces représentations sur la mise en œuvre de dispositifs innovants ;

– les contradictions internes que peut générer chez certains professionnels la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005, en termes d’identité professionnelle, de confrontation de valeurs, de rencontre de l’altérité et de l’interculturalité, d’appropriation du concept d’inclusion, de cohabitation de l’école inclusive et de structures spécifiques d’accueil d’élèves handicapés ;

– les conditions d’apparition d’innovations pédagogiques, en termes d’historicité personnelle, de positionnements professionnels et éthiques, d’attentes, d’ancrages ou de crises identitaires, et de leurs implications au niveau de la formation ;

– les rapports entre dispositifs innovants, institutions et collaborations professionnelles, au sein d’un système éducatif en mutation, et la capacité des dispositifs à participer d’une réécriture de l’institution, notamment dans ses dimensions partenariales ;

– les concepts d’inclusion et d’accessibilité, au regard des concepts d’intégration et de scolarisabilité, mais aussi de marginalisation, de sélection, de filiarisation, de ségrégation, d’exclusion, dans le but d’interroger le continuum éducatif, coextensif à la vie et élargi aux dimensions de la société, dont l’une des finalités est la formation des personnes, considérées dans toute leur richesse, dans la complexité de leurs expressions et de leurs engagements et dans leur droit à l’auto-détermination ;

– l’articulation de nouveaux usages scolaires, de nouveaux genres professionnels, de nouvelles postures pédagogiques, et des éprouvés singuliers des acteurs de ces formes de nouveautés ;

– la prévention comme moyen de transformation intégré au processus d’inclusion, c’est-à-dire aux temporalités, aux espaces et aux pratiques permettant d’anticiper les obstacles susceptibles d’entraver ce processus ;

– l’impact des dispositifs inclusifs innovants sur la transformation des systèmes éducatifs dans leur ensemble et sur leur évolution vers une organisation et un fonctionnement inclusifs.

 
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