PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Thèse de Anne-Juliette LECOURT :

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Extrait  "De l’égalité des chances à l’égalité des résultats, vers l’égalité des capabilités, l’évolution des indicateurs met en perspective les observations obtenues avec chacune des approches et met en exergue leur caractère relatif.
Sans cette progression de nos hypothèses et de nos indicateurs, sans l’articulation des observations obtenues, de nombreuses inégalités auraient été sous estimées, sur évaluées ou invisibles, même en mobilisant l’AC.

L’Approche par les Capabilités réfère à une approche comparative de la justice, dont l’objectif n’est pas de définir des principes universels de justice afin de trancher définitivement entre le juste et l’injuste, contrairement à l’approche transcendantale de Rawls, mais de formuler des jugements sur le caractère relativement juste des situations individuelles observées, sans se référer à une seule norme de ce qui est juste ou ce qui ne l’est pas. Sen prend l’exemple de l’esclavage. L’abolir ne supprimerait pas pour autant les inégalités que subissent une partie de la population (Sen, 2006). Au-delà de cette opposition, il semblerait intéressant de pouvoir renforcer chacune de ces deux conceptions en les articulant (Kandil, 2010; Gamel,2010).

Plus précisément, l’approche transcendantale permet de questionner les principes de justices sociales et leurs fondements éthiques ;l’approche comparative permet de faciliter l’opérationnalisation de la première. Cette articulation entre la capabilité et le ressourcisme permet à la fois « d’éclairer le débat sur l’arbitrage normatif et les fondements des politiques publiques, de leur élaboration et de leur évaluation » (Kandil, 2010, p5) et d’établir des zones prioritaires d’actions, au regard des budgets limités des pouvoirs publics (Gamel, 2010). Amartya Sen rappelle la nécessité d’allier l’éthique à l’économie. Cette dernière doit pouvoir évaluer mais aussi promouvoir des buts fondamentaux ayant pour finalité le bien de l’homme (Sen, 2009).

Mais, selon lui, la conception du bien et ses finalités ne doivent pas être considérées comme des données et mesurées au regard de critères d’efficacité uniquement. La manière dont on mesure les inégalités trahit nécessairement une certaine conception du juste et de l’injuste, de l’égalité, de la liberté et de l’équité. Si la tâche de l’évaluateur est d’appréhender les faits sociaux, il doit avoir conscience que cette missions n’est pas impartiale et se réfère à des jugements normatifs induits.

Allier efficacité et éthique n’est pas impossible dès lors que l’on s’attache à observer non pas seulement les droits formels et les ressources dont disposent les individus, mais également l’étendue des libertés réelles des individus d’attendre ce qu’ils ont raison de souhaiter. L’action publique doit agir dans ce sens. En conséquence, il ne suffit pas de créer des droits ou de distribuer des ressources, même si cela est indispensable, mais faut-il encore permettre aux individus concernés de les mobiliser. Tous les candidats à la VAE ne sont pas libres de mobiliser comme il le souhaiteraient et comme ils auraient raison de le faire les dispositif d’aide ou de financement mis à leur disposition. De ce fait, indiquer qu’il est éthiquement préférable de rendre les individus capables/responsables, plutôt que de les assister (sans que leurs conditions de vie n’évoluent), est un argument éloquent mais qui n’en fait pas pour autant un principe simple à opérationnaliser et à mettre en oeuvre.

Les fondements normatifs d’une telle politique doivent être interrogés. C’est ce que nous avons commencé à faire dans cette thèse. Les objectifs de justice, d’égalité, d’équité et de liberté, poursuivis par les politiques publiques, renferment des conceptions et des réalités bien différentes, selon que l’on prend plus ou moins en compte le fait que les individus n’ont pas les mêmes capacités à mettre en oeuvre leur droit et leurs ressources. Différents partages de la responsabilité individuelle et collective en matière de protection sociale en découlent.

La Validation des Acquis de l’Expérience est vecteur de ces questionnements. Dans quelle mesure représente t’elle un outil efficace de protection sociale ? Nous avons commencé à répondre à cette question par l’analyse de l’aspect processus de la liberté. Il faudrait néanmoins continuer ce travail et observer l’aspect opportunité de la liberté. En d’autres mots, dans quelle mesure la VAE permet-elle de développer l’espace des possibles des individus ?

Que deviennent les candidats après leur passage au sein du dispositif VAE ? Obtiennent ils ce qu’ils étaient venus chercher ? Quels impacts d’une validation ou d’un abandon sur la suite du parcours professionnel ? L’enquête mobilisée ici ne nous permet pas d’entamer une analyse approfondie, avec le recul nécessaire, des utilisations et valorisations des diplômes obtenus par le dispositif VAE. Nous ne disposons que du devenir des candidats à une année après leur passage par le dispositif. Les effets d’un tel dispositif sont escomptés à plus long terme.

Néanmoins, si nous supposons l’existence d’un sentier de dépendance de l’espace des possibles des individus, il semblerait que la capabilité de parcours des candidats déterminent l’après VAE. Par ailleurs, l’étude des non accès au dispositif VAE serait particulièrement pertinent pour éclairer notre questionnement.

Nombre de candidats disposaient aussi du droit à la VAE mais en ont été exclus dés la porte d’entrée du dispositif. Nous sommes conscients qu’une une société parfaitement juste n’existe pas et que des inégalités de liberté existeront toujours. Notre développement ne prône en aucun cas l’obtention d’une certification pour tous. Les dispositifs, qu’il s’agisse de la formation professionnelle continue ou la formation initiale ont leurs parts d’échecs et de réussites. Il s’agit seulement de pouvoir donner les moyens à la responsabilité individuelle, induite par l’activation des politiques publiques, de déployer son droit à la VAE dans les mêmes conditions. Ceci interpelle, dans le cadre de la VAE, l’accès à l’accompagnement ou au congé VAE.

« Une société est injuste si elle n’égalise pas les contextes dans lesquels les individus font leur choix, mais elle est tout aussi injuste si, dans le mouvement d’égalisation auquel elle procède, elle ne préserve pas les différences et les inégalités qui sont les effets des choix que les individus ont faits dans des contextes égaux » (Spitz, 2008, p72)."

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Categories: 3.3 Compétences

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