PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Par Eric Favret Des déclarations à l’emporte-pièce succèdent aux analyses catastrophistes : « plus de 40% d’élèves de collèges ne sauraient pas lire », « nous allons renverser la théorie de l’élève au centre », « les établissements scolaires ne sont pas des lieux de vie », « l’école doit redevenir un sanctuaire »… Il y a dans ces discours nostalgiques, qui peuvent séduire et rassurer à bon compte et à court terme, tous les ingrédients du conservatisme, de la ségrégation et des discriminations acceptées. Il y a l’abandon d’une ambition démocratique pour et par l’Ecole, certes en partie affaiblie par certains échecs de notre système scolaire. Mais l’échec scolaire a un nom et un visage : ce n’est pas une statistique, ce sont des enfants et des jeunes qui peinent, qui souffrent, quelquefois en silence et d’autres fois bruyamment. C’est une situation sociale et culturelle que seule une volonté politique partagée par la population peut transformer : la volonté de donner une réalité aux principes de la République affichés au fronton des Ecoles et quelquefois contredits par leurs pratiques. L’Ecole ne peut être l’Ecole de la liberté, celle de la formation de la personne, du citoyen et du travailleur, qu’à la condition d’être celle de la justice sociale, de la fraternité. De l’illusion du collège unique à l’ambition du collège pour tous A cet égard le débat latent depuis quelques années autour du collège unique est révélateur. Le collège unique est un mythe. Malgré les aménagements qu’il a subi, malgré l’engagement des équipes éducatives travaillant, souvent dans l’adversité et la modestie, le modèle du collège reste imprégné de l’organisation du lycée et de la reconnaissance quasi exclusive de la culture académique légitime : le collège est de fait la trieuse du lycée, avec en point de mire la promotion privilégiée du lycée général sensé nourrir un élitisme républicain dont nous connaissons maintenant les limites. Mais se cacher, comme y invitent les dernières propositions du ministre, derrière la formule vertueuse de « diversification des parcours » pour installer en fin de cinquième des paliers qui ne veulent pas dire leur nom et institue le déterminisme social est un véritable renoncement. Le sursaut démocratique serait, en ce début de 21ème siècle, dans une société développée qui s’inscrit dans un cadre politique européen, de penser le collège pour tous dans la continuité de l’école primaire comme le temps et lieu où tous les jeunes de notre pays continuent à apprendre ensemble pour vivre ensemble. Cela suppose de redéfinir la nature et l’organisation des enseignements au collège et d’en modifier son fonctionnement, sans abandon d’exigences culturelles et éducatives. Le sursaut c’est de refuser le tri social et culturel : c’est un choix politique. C’est le choix de la Ligue de l’Enseignement. Pour la Ligue de l’Enseignement, mouvement laïque d’éducation populaire et association éducative complémentaire de l’enseignement public, la loi d’orientation de 1989 doit voir sa mise en œuvre poursuivie et achevée, sa mise en application évaluée et les moyens humains et matériels nécessaires prévus et attribués, afin de favoriser la réussite de tous les enfants et adolescents. C’est dans ce contexte que la Ligue de l’Enseignement, réaffirme ses choix : – une politique gouvernementale qui fasse reposer le service public d’éducation et de formation initiales, auquel prennent part les collectivités locales et les associations, sur la justice sociale et la lutte contre les inégalités territoriales, – des objectifs et un fonctionnement du service public d’éducation et de formation initiales pensés indissociablement du droit à la formation tout au long de la vie ; – une reconnaissance et une valorisation du potentiel d’innovation et d’investissement illustré par les pratiques d’un grand nombre d’équipes éducatives ; – une Ecole qui garantisse des acquisitions culturelles communes, y compris dans les domaines technologiques et professionnels, qui permettent de se comprendre et de comprendre le monde ; – une Ecole plus coopérative, plus ouverte à ses partenaires et plus audacieuse dans l’éducation à la citoyenneté ; – une Ecole qui, de la maternelle au lycée, et au minimum jusqu’à la fin du collège, accueille tous les enfants et les jeunes, tels qu’ils sont aujourd’hui, dans la diversité de leurs conditions, de leurs cultures, sans nostalgie des élèves d’hier. Voilà les enjeux principaux de l’Ecole qui doivent être l’affaire de tous. Ce sont ceux que la Ligue veut faire partager avec son appel pour « l’Ecole que nous voulons » et les espaces locaux pour l’École de tous qu’elle développe avec ses fédérations et les acteurs éducatifs locaux. C’est sa contribution à une nouvelle ambition démocratique pour l’Ecole qui ne consiste pas seulement à reconnaître des égaux mais à en faire. Eric Favey

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