PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Pierre Frackowiack in Educavox :

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6h par jour alors que 12h au moins sur 24 pourraient être disponibles. 180 jours par an alors que 310 jours au moins pourraient être disponibles. Cela donne, à « la louche », moins de 30% d’utilisation des possibilités. Encore faudrait-il s’assurer du taux réel d’utilisation des jours et des heures. Une évaluation précise réduirait encore ce taux.

De quoi s’agit-il ? Non, pas du temps scolaire et d’une invitation déguisée à l’accroître. Ce temps est déjà beaucoup trop lourd en particulier pour ce qui concerne la journée qui est dans notre pays une des plus lourdes du monde. Avec la suppression du samedi et l’aide individualisée qui s’ajoute aux journées de 6 h, la situation s’est encore aggravée, pénalisant encore davantage qu’ils ne l’étaient les enfants en difficulté. Les enfants sont fatigués, les enseignants le sont également. Le climat des écoles s’est d’ailleurs considérablement dégradé depuis l’imposition de ces mesures.

Il s’agit de l’utilisation des équipements et du matériel. Les centres de documentation et d’information, les bibliothèques centres de documentation, les classes-pupitres, les salles informatiques, des salles d’arts visuels, des salles de musique, des laboratoires de langues, parfois les salles de sports sont donc vides les trois quarts du temps. Or, cela représente des investissements considérables en grande partie, souvent en totalité, à la charge des collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation : communes, départements, régions. Personne ne peut contester qu’il s’agit là d’un gâchis énorme, d’un scandale pour les citoyens et les contribuables. Pas question de mettre en doute la nécessité de ces équipements pour l’école. Au contraire, ils sont souvent insuffisants en fonction des moyens et des choix politiques des élus. Ils révèlent aussi un grave problème de démocratie : les inégalités parfois énormes d’une commune à l’autre même voisines, d’un département ou d’une région à l’autre. L’Etat devrait d’ailleurs se préoccuper davantage de ce problème et envisager des aides, des incitations, des péréquations visant à l’égalité des moyens pour tous les élèves.

Il est vrai que l’ouverture des établissements à d’autres publics que les publics scolaires, hors du temps scolaire, pose ou poserait des problèmes énormes : encadrement, gestion, sécurité, hygiène, protection des travaux scolaires, respect. L’époque héroïque où les instituteurs devaient arriver plus tôt le jeudi ou le vendredi matin, comme je l’ai fait pendant quelques années en début de carrière, pour finir de ranger les tables, ouvrir les fenêtres et ramasser les mégots oubliés par la section tennis de table de l’amicale laïque qui utilisait la classe hors du temps scolaire. Mais il y a aurait tant à faire pour optimiser les investissements : initiation à l’informatique pour les parents (par leurs enfants), rencontres de parents autour d’un livre ou d’une question éducative, clubs culturels qui n’oublieraient pas la culture de la connaissance, réseaux d’échanges réciproques des savoirs. Une telle ouverture provoquerait assurément un mouvement autour de l’école, lui donnerait une nouvelle place dans la cité et dans la société, permettraient des décloisonnements pour mieux faire société. Elle aurait l’immense avantage de surmonter progressivement les difficultés des rapports école /familles, ceux-ci étant pollués depuis toujours par un rapport de domination expliqué dans un billet précédent (le concept de « parendélève »).

Evidemment, cela coûterait très cher : encadrement, gestion, hygiène, sécurité, coordination, frais de fonctionnement. Evidemment, cela nécessiterait une nouvelle mobilisation de la Nation pour une conception globale, ouverte, de l’éducation tout au long de la vie, avec de vrais projets éducatifs globaux. Mais le prix à payer aujourd’hui et demain pour les coûts générés par la violence, la répression, le mal vivre ensemble, la faiblesse du niveau de culture et de curiosité, les tâtonnements de la vie associative, etc, ne sont-ils pas supérieurs à l’investissement nécessaire à une relance de l’éducation populaire sur la base, par exemple, des maisons des savoirs et de l’éducation tout au long de la vie proposées par la Ligue de l’Enseignement ?

A l’époque des mégots dans ma classe, l’éducation populaire, dont l’histoire est intimement liée à celle de l’école depuis Jean Macé, était en osmose avec l’école. Au fil du temps, elle s’en est éloignée. On sait aujourd’hui qu’il faut qu’elle s’en rapproche avec une vision neuve des besoins de la société et du futur. Le moment est venu. Encore faut-il un peu de courage politique et beaucoup d’ambition pour y parvenir.

 

Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord.

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