PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

 

La conscience

On parle de conscience si un être arrive à créer, c’est-à-dire à ajouter de la complexité, et qu’à partir de cette création, il réalise qu’il peut remettre en question son travail pour faire de sa production quelque chose qui a du sens et de la valeur.

La complexité n’est pas la complication. La complexité suppose :

  1. L’unification de plusieurs éléments, de plusieurs dimensions dans un système dynamique;
  2. Ce système dynamique tend vers une certaine autonomie et dispose d’une certaine créativité.

Par exemple, une symphonie est complexe, elle possède sa propre créativité puisqu’elle inspire d’autres œuvres.

Si on peut réduire un système complexe à une programmation, c’est cette programmation qui définit le niveau de complexité du système. Par exemple, si une automobile peut être réduite à un programme exécutable par des robots, c’est ce programme qui définit la complexité de l’automobile. Le plus petit programme possible capable de reproduire l’œuvre définit sa complexité.

On pourrait dire que plus une intelligence fonctionnelle est capable de réaliser une œuvre complexe, plus elle est intelligente. Mais cela n’est pas encore de la conscience.

Pour qu’il y ait conscience, il est nécessaire qu’il y ait un premier niveau d’intelligence capable de produire une certaine complexité, c’est l’intelligence fonctionnelle. Sur cette intelligence fonctionnelle, un autre niveau d’« intelligence » doit pouvoir s’appliquer. C’est ce deuxième niveau qui s’appelle la conscience dans la mesure où, à ce niveau, la conscience peut remettre en question les finalités poursuivies par le premier niveau afin d’en accroitre la signification et la valeur.

Par exemple : si une personne est très créative sur les moyens de faire le plus d’argent possible, et peut remettre en question son efficacité mais pas la finalité de ses actions, elle n’est pas au deuxième niveau, elle n’utilise que son intelligence fonctionnelle qui peut être très grande. Cependant, si elle remet en question la finalité « faire plus d’argent », si elle est capable de percevoir les contradictions de cette finalité et de réorienter son action vers d’autres finalités qui ont plus de sens et plus de valeur, alors, il s’agit du deuxième niveau : le travail de la conscience.

La conscience est une sorte d’intelligence des finalités. Un être humain peut être faible en intelligence fonctionnelle et fort en conscience. Je crois bien avoir rencontré des personnes dites « handicapées intellectuelles » très éclairées sur le plan des finalités.

Une finalité définit à la fois l’éthique (la valeur) et la signification (le sens). Passer de la finalité « faire plus d’argent quelles que soient les conséquences sur les autres et sur l’environnement », à la finalité « améliorer le confort du plus grand nombre de personnes sans nuire aux autres », c’est croître en responsabilité, c’est croître en éthique, c’est aussi changer le sens même de l’action, c’est passer d’un comportement qui n’a de sens que dans une sphère étroite (soi-même) à un comportement qui a du sens dans une sphère beaucoup plus large (la fraternité humaine).

Un comportement est plus éthique et plus sensé s’il augmente l’harmonie et la cohérence dans un environnement plus large. Un comportement est plus sensé s’il évite les culs-de-sac dans le futur (aller nulle part) et s’il donne un goût de vivre durable à mesure que les personnes s’ouvrent au deuxième niveau, le niveau de la conscience.

L’intelligence fonctionnelle répond à un besoin, elle est intentionnelle, elle veut atteindre un résultat défini. Par elle-même, elle ne remet pas en question le besoin (qui peut n’être qu’un besoin conditionné).

Si une intelligence se penche sur une intelligence fonctionnelle et remet en question la signification du résultat, dit autrement, si un niveau supérieur d’intelligence peut imaginer d’autres finalités que celle, par exemple, d’assurer l’équilibre d’un système, on peut commencer à parler de conscience puisque cela suppose l’application d’une intelligence de deuxième niveau sur un processus intelligent (intelligence fonctionnelle). Pour cela, le deuxième niveau d’« intelligence » doit pouvoir envelopper le premier niveau d’intelligence pour découvrir comment il arrive à des résultats, pour juger de ces résultats vis-à-vis d’une finalité et pour découvrir d’autres finalités jugées plus valables et plus significatives.

On posera la question, oui, mais plus « significative » par rapport à quoi? C’est précisément là que s’observe la conscience, elle recherche un « référentiel » (le « par rapport à quoi ») qui donnerait du sens et donc de la valeur non seulement à elle-même, mais à tout ce qu’elle observe.

La conscience est une « intelligence » de l’intelligence, elle s’applique non pas à faire des choses, à produire des effets, elle s’applique à l’intelligence fonctionnelle elle-même, car il n’est pas intelligent de produire des choses qui ne mènent nulle part, c’est-à-dire qui ne donnent pas de sens à la vie dans son entièreté. Sa question d’arrière-plan est toujours à peu près celle-ci : est-ce que cette intelligence qui fait des choses est réellement intelligente ou bien est-elle idiote, bête ou absurde?

Le deuxième niveau d’« intelligence » est capable d’imaginer des finalités afin de rechercher les finalités qui donneraient de la valeur, de la signification aux choses, aux personnes et à l’ensemble de tous les êtres. Cela se passe comme si ce deuxième niveau d’intelligence se disait à lui-même : il doit bien exister une façon de voir à partir de laquelle les atomes, les fleurs, les arbres, les montagnes, les animaux, les êtres humains, tout ce que je vois possède une valeur précieuse et même irremplaçable. Je pourrais découvrir ce « référentiel » à partir duquel tout a une valeur.

Une finalité n’est pas un but. Lorsque nous poursuivons un but, nous imaginons un futur et nous comparons un ensemble de résultats à ce futur imaginé (le but). On sera déçu ou satisfait selon nos attentes. Cela est le propre de l’intelligence fonctionnelle. Au contraire du but, la finalité est développementale. Par exemple : développer un jardin à la fois productif et beau ne peut pas se faire à partir d’une imagination du futur. Pour arriver à un tel jardin, il faut absolument composer avec la réalité, avec les futurs possibles, les futurs virtuels. La conscience est une intelligence du temps. Elle compose avec la réalité du temps.

La finalité des finalités consisterait à quelque chose comme « éloigner les limites », « ouvrir des niveaux différents de compréhension », « faciliter la participation et la créativité de tous les êtres » « éviter d’aboutir à quelque chose de définitif qui bloque la découverte de chemins plus larges ». La conscience lutte contre les limites, c’est son essence.

Jean Bédard

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