PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

La gouvernance des universités

1) PROBLEMATIQUE DE LA SEANCE SEANCE DU 4 MAI 2006 :

1) le contexte

* La situation de notre enseignement supérieur et particulièrement de nos universités a pris une part importante dans le débat public. Les inconvénients de la structure duale de notre enseignement supérieur, à la fois dualité universités grandes écoles, et dualité organismes de recherche universités ont été mis en lumière par le Conseil d’ Analyse économique sur Education et Croissance. Ce mode d’organisation est jugée, avec le sous financement notoire, comme handicapant le potentiel d’innovation et de croissance de l’économie française, qui risque de rester une économie d’imitation et non d’innovation. Parallèlement le classement de Shanghai, avec toutes les limites méthodologiques abordées dans ce séminaire, a mis en lumière la dispersion, et le caractère illisible et peu visible internationalement de notre enseignement supérieur. ; Des livres et des articles polémiques dressent un portrait peu flatteur de l’ université française ; fondée sur les taux d’ échecs en premier cycle , les difficultés d’ insertion des étudiants ; certains vont jusqu à parler de clochardisation des universités .Dans ce contexte depuis 4 ou 5 ans , le débat sur la gouvernance des universités et celui connexe de l’ autonomie des universités ont pris une importance forte succédant à une période où ces questions statutaires étaient plutôt jugées secondaires :

• la conférence des présidents d’ universités tenue à Lille en 2001 débouche sur un document d’ orientation réclamant une autonomie de pilotage et de gestion considérablement renforcées avec des mesures comme l’ assouplissement des règles de modification statutaire , de cohérence de l’ équipe présidentielle , de possibilité de renouveler le mandat du président .Elle se prononce pour la création d’un Comité d’ orientation stratégique , pour un budget global , pour une dévolution de u patrimoine , pour la modulation de service des enseignants au niveau des établissements. Ces propositions, ont été reprises, dans le projet de loi avorté de Luc Ferry
• le débat sur la recherche met en cause la gouvernance des universités .Pour le comité d’initiative et de proposition, émanation du mouvement des chercheurs, qui parle
de rénover les capacités de décision des universités , les modalités de constitution des universités , de fonctionnement des structures décisionnelles , définies par la loi de 1984, sont très peu adaptées à l’ élaboration d’une politique scientifique .Etienne Beaulieu et Edouard Brezina , dans un article de la Revue le Débat,intitulé « la misère de la recherche parlent de l’ Université comme d’un grand malade avec « une gouvernance mal adaptée au développement de la recherche, des conseils scientifiques où le poids de la compétence est bien trop faible , des recrutements souvent trop locaux « Le rapprochement des universités et des grandes écoles , la globalisation des crédits de recherche au niveau de l’ université , sont jugées difficiles à mettre en œuvre tant que l’ Université est mal gouvernée.

• Le Comité national d’ évaluation (CNE) dans son rapport au président de la république , dans un passage intitulé « accélérer la modernisation du fonctionnement des universités « , constate que « les structures internes des universités ne sont plus adaptées à la prise en charge des missions et des fonctions nouvelles. Il faut donc faciliter les modifications de statut , ( ce qu’ a fait( la loi recherche) .Il convient de donner aux présidents d’ universités et à leurs équipes la capacité de diriger et de représenter l’ établissement plus fortement qu’ aujourd’hui en améliorant l’ articulation entre les présidents et les composantes .Les périmètres des universités dessinés après 1968 ne sont plus adaptés aux exigences d’ aujourd’hui …
• L’OCDE , dans un article sur l’ évolution des modes de gouvernance dans l’ enseignement supérieur ( Analyse des politiques d’ éducation 2003 ) fait état de deux tendances fortes dans les pays de l’OCDE : renforcement des pouvoirs de l’ instance dirigeante au sein des universités et accroissement du nombre de représentants et de personnes extérieures à l’ établissement , au sein des organes d’ administration et de supervision .La nomination , par un conseil majoritairement composé de personnalités extérieures des présidents ou recteurs a tendance à s’ accroître
• La mise en place de la LOLF conduit logiquement, dans le cadre d’une globalisation accrue des moyens à donner de plus grandes responsabilités aux dirigeants d’établissements

2) la symbolique des mots gouvernance et autonomie

• le mot gouvernance n’ a pas bonne presse auprès de certains milieux universitaires , pour qui il est étroitement lié à la notion de gestion managériale de l’ université , en elle-même premier pas vers la marchandisation .L ˜ article d’ Annie Vinokur , professeur émérite à l’ université de Nanterre , intitulée l’ école et les marchands ( guide du jeune professeur 2005-2006 publié par le Monde de l’ Education ) est révélateur de cette tendance .Ce débat a un côté absurde ; les masses engagés ( communautés de 25000 personnes , budget consolidé pouvant dépasser les 300 millions d’ Euros ) , la complexité des relations avec des partenaires divers imposent une gestion plus managériale
• l’ autonomie des établissements universitaires , pourtant conquête issue de mai 1968 et réaffirmée par la loi de 1984 renvoie pour certains aux notions de diversité , voire de différenciations des universités , sans même parler de concurrence , alors qu’ une partie du discours repose sur la notion d’ égalité de toutes les universités .Ce discours ne correspond pas ou plus à la réalité .Les potentialités des universités en matière de recherche sont différentes ; les moyens apportés par le CNRS sont concentrés dans une vingtaine d’université . Toutes les universités ne peuvent atteindre le niveau d’excellence dans toutes les disciplines et un certain degré de spécialisation est nécessaire. Il y a de fait des universités ou 90% des effectifs est dans un cursus prélicence et d’autres qui sont plus des universités de recherche. ; Il y, sous différentes formes une certaine concurrence : entre les différentes formes d’enseignement supérieurs, entre les différentes universités dans un contexte de décroissance des effectifs pour attirer les meilleurs étudiants en master ou, pour recruter les meilleurs enseignants-chercheurs. Il y a concurrence au plan international en matière de recherche, pour les contrats européens, pour attirer chercheurs et étudiants étrangers. Le problème n’est pas de nier la concurrence mais de la réguler

3) les universités sont elles autonomes ?

* l’autonomie des universités est un des principes fondamentaux des lois de 1968 et de 1984 .Un arrêt du Conseil d’ Etat, par ailleurs discutable, a même considéré que cette autonomie avait valeur de principe constitutionnelle. Les universités sont une catégorie d’établissements publics avec une autonomie plus forte que la moyenne des EPA : élection des organes dirigeants, absence de contrôle financier à priori, tutelle réduite au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire, d’ ailleurs exercée fort lâchement, impossibilité pour l’Etat de créer un emploi q’une université n’a pas demandé

* il s’agit d’une autonomie très encadrée .Par analogie (fausse) avec une entreprise, une université ne choisit pas ses « clients « (usagers) du fait de l’absence de sélection .Elle ne définit pas librement ses produits puisque les diplômes sont nationaux .Elle ne fixe pas librement ses tarifs (droits d’inscription) .Elle ne recrute pas librement ses personnels.

* Ses budgets sont des budgets incomplets .N’ entrent dans le budget des universités, ni les salaires de ses personnels, ni les bourses versées aux étudiants, ni une partie des crédits de construction, ni les crédits apportés par les organismes de recherche au travers des unités mixtes de recherche On estime à 25% la part des crédits des universités qui sont inscrits à son budget. ; Par ailleurs les universités voient des moyens affectés directement par l’Etat à certaines de leurs composantes internes (IUT, écoles d’ingénieurs) où à leurs laboratoires de recherche

• L’autonomie relative des composantes et dans une certaine mesure des personnels peut être orthogonale à l’autonomie de l’université
• L’ autonomie ; c’ est à dire la possibilité de définir une stratégie autonome en matière de recherche est bridée par le rôle des grands organismes de recherche (CNRS , INSERM ) qui ont en principe une politique de recherche nationale et dont dépendent une partie des moyens de recherche des laboratoires universitaires
• Faut il dire pour autant que l’autonomie est un leurre ? D’ abord dans les domaine précités, un certain nombre d’avancées ont eu lieu, qui ont renforcé le rôle de l’université : Le LMD a assoupli considérablement les règles concernant les diplômes nationaux, L’ Universit2 au fil des ans mais de manière continue , ont eu en responsabilité et à leur budget , des nouveaux champs de compétence ( Partie de la politique immobilière , répartition des primes , bourses de mobilité , crédits des non titulaires ) Les universités ont la possibilité de choisir leur politique disciplinaire d’ emplois d’ enseignants chercheurs et pèsent ainsi sur la politique de recherche .La réglementation statutaire et indemnitaire concernant les public donne progressivement plus de place à l’ université .Tous ces points sont étudiés plus finement dans le rapport de l’IGAENR sur « l’ autonomie des universités , textes et pratiques «
• Plus fondamentalement nous sommes d’ accord avec la thèse affirmée par Christine Musselin qui voit ; « dans la longue marche des universités françaises « s’ affirmer progressivement la notion d’ universités et le renforcement du rôle des équipes de direction des universités , qui sont après tout des institutions récentes .Cette émergence est favorisée , à l’ instar de ce’ qui se passe pour les lycées et collèges , favorisée par le développement des partenariats ( cf. article « gouvernance et partenariats qui vous est déjà diffusé ) Elle a été également favorisée par la mise en place de la politique contractuelle entre l’ Etat et les universités

4) les universités sont elles -mal gouvernées ?

* Nombre de rapports : dont ceux de la Cour des Comptes (cf. La gestion du système éducatif, paru en 2003) font état de dysfonctionnements : non maîtrise des heures complémentaires, inflation de l’offre de formation, sous utilisation des locaux et des personnels) .Ces reproches sont en partie exacts mais peuvent être, de mon point de vue, assimilés à des gaspillages dans un univers de pénurie mais ne correspondent pas au fond du problème

* le cadre législatif et réglementaire avec des statuts mal adaptés qui empêchent la constitution d’une équipe présidentielle homogène ou qui ne font pas coïncider mandat du présidents et des conseils , avec le principe de non renouvellement du président ne favorisent pas la qualité de la gouvernance
A cela se rajoutent des problèmes de moyens liés au manque de qualification des personnels administratifs et financiers , dont 20% sont des catégories A de la fonction publique .On peut parler de sous administration .La composition des conseils ne les prédisposent pas à être des lieux de débats stratégiques

* Dans un contexte réglementaire identique , certaines universités réussissent à avoir une continuité de présidences de qualité et d’ autres pas ; il y a des cultures d’ universités , parfois liées à des cultures de disciplines mais pas toujours et les résultats obtenus sont souvent fragiles

* le mode de constitution des universités est parfois en cause : découpages absurdes en 1968 sur des identités disciplinaires et idéologiques, absence d’unité dans les grandes villes universitaires, grand nombre d’établissements n’ayant pas la taille critique pour mener une stratégie autonome, difficultés à trouver un équilibre entre l’affirmation d’un pouvoir universitaire fort et le rôle des composantes que sont les UFR, instituts et écoles. ; Le regroupement des universités au sein des PRES, voire leur fusion est une nécessité

* Certains des reproches faits aux universités ne leur sont pas imputables totalement. Le taux d’échec en premier cycle est avant tout le fait des bacheliers technologiques, inscrits ou orientés parfois contre leurs souhaits à l’Université alors que le taux de réussite des bacheliers généraux est tout à fait acceptable .Le reproche qui leur est fait d’auto recrutement des personnels est en partie infondé : 2 /3 des maîtres de conférences recrutés le sont dans une université qui n’est pas celle de leur doctorat

• Des auteurs sont parfois plus indulgents .Le rapport émanant de la mission d’ évaluation et de contrôle du Parlement en 2001 parlait même de « gestion héroïque « des présidents d’ universités compte tenu des conditions d’ exercice et notamment le sous financement et la sous administration. Et le rapport du CAE, sur Education et croissance, considérait qu’au bout du compte, qu à un coût relativement faible les universités avaient doublé leur accueil, développé des formations professionnalisées de qualité, et renforcé leurs liens avec le monde socioéconomique et progressé dans la structuration de leur recherche
• .Ces constats bienveillants ne doivent pas masquer la nécessité de changer les choses ; il faudra sans doute lier remise à niveau du financement et amélioration de la gouvernance , introduire des Comités d’ orientation stratégique et avoir des conseils scientifiques moins internes à l’ établissement par exemple ;Il faudra également revisiter le contrat d’ objectifs et de moyens entre l’Etat et l’ université , pour en faire un instrument de dialogue stratégique , appuyé sur une véritable évaluation , ce qu’il n’ est pas encore même si l’ instauration d’une politiques contractuelle a été de l’ avis des observateurs , un progrès qui a favorisé l’ affirmation de la notion d’ université

II PRESENTATION DE L’INTERVENANT

Bernard Dizambourg est actuellement membre du Comité national d’ évaluation des EPSCP et , depuis peu , Inspecteur général de l’ administration de l’ éducation nationale et de la recherche .Il a été président de l’Université de Paris XII et premier vice -président de la Conférence des présidents d’universités (1993-1995) .Il a été directeur des bibliothèques et de l’ information scientifique et technique au ministère de l’ éducation nationale et président de l’ établissement public , chargé du Campus de Jussieu I la eu enfin en charge la formation initiale et continue des personnels d’encadrement de l’ éducation nationale

III ELEMENTS BIBLIOGRAHIQUES

• « Les mutations actuelles de l’ université « Georges Felouzis (dir),PUF,203
• « La longue marche des universités françaises « Christine Musselin , PUF ,2001
• « Universités françaises, une autonomie limitée » José Rose dans « les mutations de l’école, le regard des sociologues » coordonné par Martine Fournier et Vincent Troger, Editions Sciences Humaines ,2005
• « l’évolution des modes de gouvernance des universités « Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2003
• « gouvernance et partenariats «JR Cytermann dans « la gouvernance des universités «, coordonné par P .Loarn, à paraître Vuibert 2006
• « recherches sur l’enseignement supérieur « dossier bibliographique de la cellule veille scientifique et technologique de l’INRP, disponible sur le site : www.inrp.fr

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