PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Retrouvez ici la tribune publiée à l’occasion du 109éme anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l’État par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Symptôme, parmi d’autres, des tensions qui traversent notre société, la passion qui s’attache à la question de la Laïcité dans le débat public témoigne d’une confusion des repères que l’école doit dissiper.

Cette journée anniversaire de la promulgation, le 9 décembre 1905, de la loi instituant la Laïcité de la République par la séparation des Églises et de l’État, doit être l’occasion d’échapper aux postures et aux instrumentalisations qui nous éloignent de l’ambition laïque telle que notre République la connaît depuis plus d’un siècle.

Cette ambition, qui concerne toute la société tant notre appartenance nationale est indissociable de cette valeur républicaine, passe en premier lieu par l’école, qui en est le ferment. La Laïcité de l’école, engagée par Jules Ferry dans les programmes dès 1882 et confirmée quatre ans plus tard avec la Laïcité des personnels, a en effet précédé de près de vingt ans celle de l’État. Laïcité de l’école et de l’État sont ainsi indissociables et forment un véritable dispositif : pour que le citoyen puisse disposer d’une liberté de conscience et d’expression pleine et éclairée, il doit pouvoir compter sur la neutralité religieuse d’un Etat qui ne lui imposera, ni ne lui interdira, aucune conviction religieuse, mais également sur une école laïque, qui comme telle lui aura transmis de façon impartiale tous les outils intellectuels et culturels dont il a besoin pour apprendre et s’exercer à penser par lui-même. Le génie historique de la Laïcité est dans ce service qu’elle rend simultanément à l’individu et à la société, c’est-à-dire d’une part à la liberté d’expression de chacun, en la garantissant, et d’autre part à la cohésion ou concorde sociale, en fixant à la liberté d’expression religieuses des règles, des limites, qui sont celles de l’intérêt général et de l’ordre public. La loi laïque réalise cette quadrature du cercle qui est de faire aller de pair, de façon harmonieuse, l’indivisibilité de la République, la reconnaissance de la diversité sociale et le respect des convictions personnelles.

Ainsi, dans notre société troublée par la peur de l’autre et les crises identitaires, notre premier devoir, en responsabilité, n’est pas d’entretenir les passions et les tensions, mais bien de refaire de la Laïcité la colonne vertébrale de l’école, afin qu’elle délivre une véritable pédagogie de la Laïcité dans les classes, en prise avec les réalités de vie et la pratique des enseignants comme des élèves. Assumons pleinement qu’il incombe ainsi à l’école de transmettre ce qui aujourd’hui ne va plus de soi pour tant de gens : que la laïcité est un principe essentiel et intangible garant du vivre ensemble, qui ne peut être à géométrie variable, soumis aux fluctuations des contextes sociaux ou politiques, négocié avec tel ou tel groupe de pression, ou enfin présenté de manière différente en fonction d’intérêts partisans ou d’objectifs qui lui sont exogènes ; que la liberté religieuse est une expression de la liberté de conscience et que, partant, la Laïcité n’est pas l’instrument d’une opposition ou d’un refoulement du fait religieux, mais la condition de la coexistence harmonieuse de toutes les expressions confessionnelles, comme de leur absence. Il nous faut recréer du consensus national sur la laïcité, faire qu’elle cesse d’être un combat pour être d’abord un moyen : moyen d’apaiser l’école et la société, d’apprendre à vivre ensemble.

C’est pourquoi, en cohérence avec les orientations de la loi pour la refondation de l’école, j’ai engagé trois chantiers essentiels qui vont concerner l’ensemble de la communauté éducative.

Le chantier des contenus pédagogiques, d’abord, qui passe par une appropriation effective par les équipes éducatives de la Charte de la Laïcité à l’école, que nous réaliserons en facilitant son accessibilité pour tous les élèves, les plus jeunes comme ceux porteurs de handicap, mais aussi en multipliant les opportunités d’échanges, lors des réunions de rentrée qui mobilisent les élèves et leurs parents, et chaque 9 décembre, date qui dès 2015 sera dédiée à la Laïcité à l’école. Mais l’élément majeur, c’est l’enseignement moral et civique qui sera effectif dès la rentrée 2015 pour l’ensemble des cycles. C’est un élément décisif pour redonner pleinement à l’école sa fonction de creuset de citoyenneté afin de restaurer la confiance de la part d’une société inquiète, par la transmission d’une culture commune, protégée des irruptions identitaires et capable de prévenir les logiques de radicalisation.

Ensuite, je veux développer la formation initiale et continue des enseignants. Tous doivent être formés à assurer leur mission, parfois délicate, de faire partager les valeurs de la République, parce que cela ne s’improvise pas. Nous veillerons ainsi à homogénéiser les pratiques des écoles supérieures du professorat et de l’éducation sur les contenus du tronc commun des enseignements relatifs à la Laïcité. Et celle-ci est inscrite dès 2015 comme priorité du plan national de formation, afin de mieux relier les contenus des programmes et les situations de vie scolaire aux grands thèmes de la Charte de la laïcité. Nous publierons par ailleurs un parcours d’e-formation sur l’enseignement laïc des faits religieux, répondant à un besoin croissant exprimé par les enseignants.

Enfin, je veux améliorer l’accompagnement des équipes éducatives au plus près des réalités de terrain, en développant une animation territoriale dédiée à la pédagogie de la Laïcité. C’est la mission essentielle des référents académiques « Laïcité », constitués en réseau pour faire émerger une culture commune, piloter l’animation territoriale et apporter des réponses de proximité. Tout ne se joue pas sur l’expression de principes ou de normes, tout ne se règlera pas par des lois, des décrets ou des circulaires. La réalité est toujours plus complexe, qui exige que nous épaulions davantage les décideurs de terrain, en soutenant et outillant les agents publics. La pédagogie de la Laïcité, ce sont des pratiques porteuses de sens à la fois pour l’institution et pour ses usagers, élèves, familles, partenaires associatifs et collectivités locales.

Lorsque Emmanuel Kant publiait en 1784 son opuscule Qu’est-ce que les Lumières ?, c’était pour déplorer dès les premières lignes que les hommes soient trop « paresseux et lâches » pour penser par eux-mêmes. Mais encore faut-il, pour leur donner les moyens de ce courage, qu’ils puissent compter sur une école Laïque dans un Etat Laïque. Ces trois axes de progrès pour une pédagogie de la Laïcité à l’école sont le moyen de garantir ce projet républicain, de lui redonner son actualité au moment où notre société, en doutant de l’école, doute finalement d’elle-même. Songeant à Jean-Jacques Rousseau qui expliquait « qu’il y a mille manière de rassembler les hommes, mais il n’y en a qu’une de les unir », faisons de la Laïcité à l’école cette manière-là, comme un acte de confiance républicaine en l’avenir de notre jeunesse.

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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Categories: Laïcité