PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Depuis 30 ans, plusieurs changements sont survenus en psychologie scolaire. Par exemple, au début des années soixante-dix, il y eut un changement d’intérêts des chercheurs intéressés jusque-là  aux processus d’apprentissage vers les produits de l’apprentissage. Il y eut également des changements quant aux modalités d’évaluation des habiletés scolaires. En effet, l’effort a d’abord porté sur l’évaluation des habiletés scolaires par des tests standardisés en référence à une norme. Cette méthode fut ensuite rejetée en faveur de l’évaluation du rendement, une mesure considérée comme plus authentique et plus représentative de l’état des habiletés scolaires en référence aux objectifs d’enseignement. Des changements se sont également manifestés au plan de l’intervention pédagogique et plus spécifiquement au plan des stratégies d’enseignement. Des méthodes d’enseignement plus directives (telles que le fait de mettre l’accent sur la suite des étapes à suivre pour résoudre un problème) sont préférées aux méthodes de correction des problèmes de processus d’apprentissage (telles que le travail sur les façons dont les élèves traitent l’information). Enfin, la psychologie cognitive a influencé les méthodes d’enseignement à partir du concept de constructivisme. Le constructivisme est l’idée selon laquelle l’élève doit être actif dans son apprentissage et qu’il doit découvrir par lui-même les concepts et les relations entre les concepts. Cette idée a influencé considérablement l’enseignement du langage et de la littérature pour l’apprentissage de la lecture ainsi que les approches basées sur la résolution de problèmes en mathématique et en sciences. Tous ces changements se sont effectués en fonction de la résolution de problèmes individuels.

Mais il reste encore que, tout comme il y a 30 ans, le travail des psychologues scolaires se base sur l’idée que chacun des élèves en difficulté présente un problème unique. Par conséquent, les psychologues scolaires continuent à résoudre les problèmes d’un enfant à la fois. Le fait de résoudre les problèmes de cette façon peut laisser croire au psychologue scolaire que c’est ainsi qu’il améliore l’école. Or, cela demeure une approche de résolution de problèmes mineurs. Cela ne permet pas d’aborder l’ampleur des problèmes majeurs où se trouve la véritable source des difficultés dans le développement des habiletés scolaires de base.

Viser le développement des compétences et de la résilience scolaires

Lorsqu’on favorise la résolution des problèmes d’un individu à la fois, on se centre uniquement sur les problèmes mineurs et non sur les problèmes majeurs. Les problèmes majeurs des écoles sont l’analphabétisme et les difficultés en mathématique, en écriture ainsi qu’en résolution de problèmes. Même s’il ne faut pas complètement éliminer les tâches du psychologue scolaire de l’intervention scolaire centrée sur un individu, il faut se centrer plutôt sur les problèmes globaux communs à un grand nombre d’élèves. Suivant cette approche, on adopte une position davantage orientée vers la prévention des problèmes scolaires basée sur l’idée du développement des compétences et de la résilience scolaires. Cette idée permettrait aux élèves d’anticiper et de surpasser les lacunes et les inconsistances de l’enseignement.

L’acquisition des compétences reflète la capacité de s’adapter à l’environnement et de démontrer un degré raisonnable de réussite dans une tâche développementale en considérant l’âge, le sexe, la culture et l’environnement. Les compétences scolaires sont souvent définies en termes de domaines spécifiques tels les compétences scolaires, sociales et athlétiques. Les compétences scolaires, à l’opposé de la résilience scolaire, ne reflètent pas la capacité de l’élève d’exceller, mais seulement de réussir à un niveau acceptable.

Le concept de résilience se rapproche du concept de compétence, mais il est lié plus particulièrement aux domaines relatifs à l’ajustement social et personnel. La résilience scolaire est la capacité de l’individu à surmonter les difficultés scolaires. Elle reflète entre autres l’habileté de l’élève à réussir le mieux possible les tâches scolaires en dépit des lacunes et des difficultés rencontrées dans la situation d’apprentissage.

L’influence de trois facteurs principaux

Il y aurait trois facteurs principaux qui influencent le développement des compétences et de la résilience scolaires. Premièrement pour réussir, l’élève requiert un support qui s’étend au-delà de l’environnement scolaire (par exemple, les pairs et la famille). Deuxièmement, l’élève doit sentir qu’il est capable d’accomplir une tâche pour la réussir. Troisièmement, l’autorégulation est également importante pour réussir une tâche. L’élève doit être capable de contrôler ses émotions, ses comportements et son attention.

Ainsi, disposer d’outils pour apprendre à apprendre est essentiel lorsque l’élève est confronté à des difficultés et des lacunes dans une situation d’apprentissage. Posséder des outils de base pour apprendre permet de mieux faire face aux situations d’apprentissage et d’optimiser les chances de réussite.

Les éléments liés à l’école et à l’environnement/communauté

Les éléments qui soutiennent le développement des compétences et de la résilience peuvent être regroupés en bdeux catégories : scolaire et environnemental/communautaire.

Au plan scolaire, certaines stratégies valorisent l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. Le problème central de l’apprentissage de la lecture résiderait dans la conscience phonologique. Des stratégies d’enseignement qui visent le développement de la conscience phonologique aideraient à prévenir les difficultés potentielles que pourraient rencontrer les élèves dans l’apprentissage de la lecture. De plus, dans l’apprentissage des mathématiques, le concept du sens du nombre serait central, il ressemble beaucoup au rôle de la conscience phonologique dans l’apprentissage de la lecture. En fait, ce sont les habiletés liées à la compréhension du concept de nombre, de la numération et de la manipulation du nombre qui apparaissent comme étant au cœur du processus d’apprentissage des mathématiques. Par conséquent, des techniques d’intervention doivent mettre l’accent sur l’utilisation naturelle du nombre (par exemple, compter le nombre d’ustensiles à mettre sur une table). Il existerait également des stratégies de prévention dans le domaine de l’apprentissage de l’écriture et il s’agirait d’enseigner aux élèves comment aborder des problèmes et comment utiliser un cadre conceptuel pour les résoudre.

Les facteurs environnementaux et communautaires influencent le développement des compétences et de la résilience scolaires. L’échec scolaire origine souvent des difficultés de l’élève au moment de l’acquisition des habiletés de base. Ces difficultés viennent de facteurs qui n’ont pas toujours un lien direct avec l’apprentissage. Par exemple, le fait d’avoir été exposé à un certain niveau de langage et à un certain vocabulaire pendant la petite enfance influence la réussite scolaire. L’intervention sur les difficultés d’apprentissage pourrait être préventive en mettant en place des programmes auprès des enfants en bas âge.

Des implications à différents niveaux

    Si nous acceptons l’idée que le psychologue scolaire doit favoriser le développement des compétences et de la résilience scolaires, il en résulte de nombreuses implications pour l’évaluation, la consultation, la formation et la recherche.

  1. L’objectif de l’intervention devient de développer auprès du plus grand nombre d’enfants possible des habiletés de base afin de prévenir les difficultés scolaires.

  2. Les méthodes d’évaluation doivent refléter l’objectif de cette intervention. Elles doivent permettre, entre autres, d’identifier les enfants à risque de développer des difficultés scolaires. Plutôt que l’utilisation de tests standardisés en référence à des normes, des mesures basées sur le rendement et en lien avec ce qui est enseigné offriraient davantage d’indices pour identifier les enfants qui ont des difficultés à acquérir les habiletés de base.

  3. La consultation ne peut plus se faire uniquement avec l’enseignant et l’élève. Le psychologue scolaire doit également travailler avec les directions, les conseillers pédagogiques et les autres responsables de l’éducation. En d’autres mots, la consultation devrait inclure les différents systèmes éducatifs, c’est-à-dire l’école, le quartier et la communauté.

  4. La formation des psychologues devrait inclure un équilibre entre l’intervention individuelle et l’intervention selon des approches plus larges et systémiques. Toutefois, afin de modifier rapidement les cultures, il faut se pencher davantage sur ces approches plus larges et systémiques.

  5. Avec une intervention systémique, il est nécessaire d’approfondir nos connaissances à propos des méthodes utilisées pour enseigner les habiletés de base dans le développement des compétences et de la résilience scolaires. Par exemple, des interventions précoces telles que le développement de la conscience phonologique et celui du concept du nombre pourraient faire partie de certains programmes.

  6. Les recherches devraient être longitudinales afin d’évaluer l’efficacité des interventions préventives qui visent un impact plus global. La construction, l’implantation et la gestion de ces interventions sont difficiles. Elles constituent un défi. Il faut faire des recherches pour trouver quelles sont les meilleures.

  7. Plusieurs études dans d’autres domaines (par exemple en psychologie cognitive, en planification de l’enseignement, en développement de programmes et en psychologie expérimentale) pourraient alimenter la psychologie scolaire.

En somme, la formation des futurs psychologues scolaires ne peut se baser uniquement sur des programmes de rééducation axés sur le travail individuel. Le travail du psychologue scolaire doit également englober des problèmes systémiques et l’intervention doit inclure l’école, la famille et la communauté. Chercher à obtenir un impact au niveau des problèmes majeurs exige une pensée plus globale (thinking big). Cela signifie que les psychologues scolaires doivent cibler la prévention, la promotion de la santé scolaire et les changements de programme qui réduiront le nombre d’interventions individuelles.

Les psychologues scolaires devraient promouvoir un partenariat avec leurs collègues en psychologie cognitive, en pédagogie, en éducation spécialisée et en leadership éducationnel. Il faut en même temps intervenir avec les enfants qui ne réussissent pas selon leur plein potentiel.


Titre :     School Psychology from an Instructional Perspective : Solving Big, Not Little Problems
Auteur :    Shapiro, E.S.
Année :    2000
Source :    School Psychology Review, Vol.29 (4), p.560-572

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