PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Blog de Bernard COLLOT – le 25 mai 2014 :

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Pour l’instant l’appel circule presque uniquement dans les groupes de réseaux sociaux s’intéressant à une autre école. On aurait pu penser que des réseaux se préoccupant d’écologie, de démocratie, de société différente,… voire de politique s’en emparent. Apparemment ce n’est pas encore le cas. Il est quand même un peu étonnant que beaucoup se préoccupent, pour une autre société, de l’alimentation, de l’environnement, de l’agriculture biologique, de la consommation, de l’organisation du travail, de l’énergie, des transports, de … etc., mais n’incluent pas dans leurs préoccupations ce qu’on fait des enfants capturés quotidiennement dans l’école. La défense des animaux élevés en stabulation ou la protection des loups[1] motivent beaucoup plus que la vie quotidienne de tous les enfants d’un pays. Une société qui se castre… de ses enfants les laissant aux mains d’États qui, de ce fait, éduquent comme ils le veulent ceux qui devront accepter leur société et la servir.

 La lecture de tous les commentaires qui ont été joints à l’appel n’est même pas fastidieuse malgré leur nombre. Quelques-uns ont pu m’échapper, d’autres n’apparaissent peut-être pas si la case autorisant la publication n’a pas été cochée. Nous n’avons pas encore fait un vrai travail analytique sur les occurrences, mais des lignes de force apparaissent clairement.

 – Le nombre à peu près équivalent de parents et d’enseignants dans les signataires. Il y a aussi des non-enseignants, des plus ou pas encore parents. Il y a quelques chercheur(e)s en sciences de l’éducation, dont André Giordan. Aucun élu ou dirigeants d’une fédération de parents d’élèves qui se soient signalés en tant que tels. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à indiquer leurs raisons. A noter un nombre significatif de parents ayant déscolarisé leurs enfants (IEF) tout en regrettant que l’école publique n’ait pu leur apporter ce dont ils avaient besoin (acte relevant parfois de l’assistance à personne en danger).

– Ce qui est le plus cité, ce sont les pédagogies Freinet et Montessori et quelques rares Steiner-Waldorf. Pour les enseignants, c’est l’impossibilité dans les faits de s’engager vraiment dans ces pratiques connues. Pour les parents, soit qu’ils y ont vécu leur scolarité ou une partie, soit qu’ils les connaissent mais n’ont pas les moyens d’y envoyer leurs enfants.

– Ce problème d’écoles réservées aux privilégiés est très souvent indiqué, y compris par des parents qui eux ont pu le faire et voudraient que tous les autres aient la même chance. La réussite et l’épanouissement des enfants dépend donc de moyens et d’une chance, et pour le moins l’école publique n’est certainement pas l’égalité des chances.

– Dans la demande de beaucoup de parents, il y a le souvenir de leur propre scolarité qu’ils ne veulent pas faire revivre à leurs enfants.

– Nous n’avons trouvé aucun commentaire invoquant le manque de résultats ! L’échec dont tous parlent c’est celui du désintérêt, de l’ennui, de l’empêchement à l’initiative et à la créativité, de la perte d’envie d’apprendre. Tous se moquent de PISA (un seul y fait allusion). Pour eux l’enjeu n’est pas de faire remonter la France dans un tableau. Il apparaît une nouvelle conscience collective d’une autre finalité à attribuer à l’école.

La souffrance, des enfants, des enseignants, des parents, revient très très souvent. C’est la souffrance de ne pas pouvoir se réaliser, de ne pas voir ses enfants ou ses élèves pouvoir se réaliser (s’épanouir). Cette souffrance est accentuée par l’impuissance dans laquelle tous se trouvent. Il y a un cri qui s’élève de ces commentaires.

– La certitude de la capacité de TOUS les enfants est unanimement partagée.

– Aucun commentaire ne met en cause un enseignant ou les enseignants. C’est bien la rigidité du système éducatif qui provoque cette demande.

– Aucun commentaire ne demande une généralisation immédiate d’une pédagogie à tout le système éducatif (quoique certains pensent que l’appel l’induira, « fera bouger les choses »). La conviction que l’école est un système qui n’a jamais réussi à se transformer globalement et ne le réussira jamais par un simulacre de refondation est générale.

 Tous ou presque insistent sur la diversité des approches nécessaire à la diversité des enfants et adolescents (il n’est pas fait allusion aux lycées).

– L’absence de vraie formation à d’autres pédagogies est souvent indiquée. Celles et ceux qui essaient de les pratiquer se sont formés sur leurs loisirs (exemples pour la pédagogie Freinet) et avec leurs deniers (exemple des stages en pédagogie Montessori).

– Dans les obstacles à la réalisation de pédagogies différentes dans l’école publique, il y a le fait de l’administration, mais aussi celui des collègues qui a été cité plusieurs fois. Curieusement nous n’avons pas vu citer les autres parents (sauf dans les forums où l’appel a provoqué des débats parfois vifs), or nous savons que c’est souvent un obstacle.

– Le mot « liberté » est très souvent utilisé, un peu plus par les parents que par les enseignants. La contradiction entre la France, « pays des droits de l’homme » (« égalité fraternité ») et son école apparaît comme évidente et pour beaucoup inadmissible.

– L’école publique actuelle est bien considérée comme préparant à la société de consommation et de compétition, c’est répété à moult reprises. Mais nous n’avons pas trouvé une seule allusion au chômage. Aucun des commentaires n’attribue un rôle économique à l’école. Peut-être que la croyance en « l’école ascenseur social » arrive à la fin de sa crédibilité et « l’école préparatrice à l’emploi » (ou pourvoyeuse de l’économie) prônée par tous les politiques est de moins en moins ce que lui demandent les parents.

– – L’apprentissage de la citoyenneté (avec des mots comme « initiatives », « coopération », « entraide ») revient souvent.

– Beaucoup, d’une façon plus générale, lient l’appel à la naissance d’un changement plus vaste, à une « mutation » sociétale, à un « souffle d’air », à « une vraie démocratie », « faire face à un nouveau monde qui se dessine »,…

 

L’appel commence à faire un peu débat sur quelques forums ou listes de diffusion. C’est très intéressant parce que ces débats font apparaître les raisons de ceux qui ne signent pas (c’est-à-dire s’opposent).

Du côté des enseignants (forum des enseignants du primaire) beaucoup prennent l’appel comme une accusation d’eux-mêmes (mais si nous nous sommes attentifs à l’enfant, nous modernisons notre enseignement, nous sommes attentifs aux enfants en difficulté et nous nous en occupons, nous pouvons pratiquer ces pédagogies ou partie… si nous le voulons, etc.voir le billet « la pédagogie Freinet, mais nous en faisons tous ») et un dénigrement de plus de l’école publique qui, parait-il, pourtant évolue.

Ils ne contestent plus ces pédagogies (ouvertement) dont parfois ils n’ont qu’entendu parler, ni le droit pour les parents de les choisir… mais ailleurs que dans l’école publique. C’est évidemment ce droit du choix qui les ennuie auquel ils attribuent une future commercialisation et marchandisation de l’école. En réalité, c’est une mise en concurrence qu’ils craignent, les départs prévisibles pour une autre approche, même réduits, constituant une sorte de désaveu de leurs compétences.

Certains assurent qu’ainsi ils perdront leur liberté pédagogique qu’ils refusent aux parents (comment pourront-ils choisir ?!). En réalité leurs propres choix impliqueront évidemment qu’ils adhèrent à l’approche pour laquelle ils auront opté et qu’ils enseignent dans les lieux où elle sera appliquée (donc ils ne seront effectivement plus libres d’aller dans n’importe quelle école), mais existera toujours la liberté d’opérer à leur façon, chaque école différente étant… différente de par ceux qui mettent en œuvre une pédagogie, y compris dans les écoles traditionnelles.

Pour eux ce serait l’école à deux vitesses, celle des pauvres (tiens, tiens ! l’école classique n’est donc pas si bonne que ça !), celles des riches (donc l’alternative serait meilleure !), occultant étrangement que l’appel demande justement que ce soit dans l’école publique. Certains disent carrément que rien n’empêche les parents qui le désirent (donc ils sont libres !) d’envoyer leurs enfants dans une école… privée.

Ce qui est curieux, c’est que l’appel déclenche contre lui de faux arguments auxquels s’accrochent in petto ses contradicteurs. Il y a bien un clivage et depuis longtemps entre les tenants de l’une ou l’autre des approches (ceux en butte à leurs collègues le savent), mais il ne faut surtout pas que cela se voit, ce qui serait le cas si l’appel aboutissait.

Curieux aussi que ces enseignants ne parlent pas… des apprentissages : douter de ses façons de faire devient dangereux, et si les parents doutent aussi… Il faut donc se garder de remettre en question la façon dont chacun aborde les apprentissages.

Mais ce qui est bien net, c’est la vision politique bien différente de l’école. Pour les opposants, c’est de l’école républicaine de l’État dont dépendrait la République et devant former les enfants dans une uniformité (pour tous la même chose), celle-ci étant garante de la cohésion sociale (bien mise à mal en cette période !). Ses enseignants et ce qu’ils font ne doit dépendre que de l’État. Pour les tenants de l’appel, l’école démocratique c’est la diversité et la liberté dans une école beaucoup moins sous la coupe d’un Etat qui permet la construction (et non la formation) de citoyens aptes à faire vivre et faire vivre ensuite une organisation sociale.

Le débat de fond se situe certainement là.

Du côté des parents dans les forums plus partagés (exemple forum des « maternelles »), l’opposition est beaucoup plus floue. Il y a l’ignorance de ce que sont ces pédagogies dont se réclame l’appel. Il y a le poids de leurs représentations sur l’apprentissage. Il y a aussi l’argument récurrent des enseignants présents dans le forum sur les moyens (trop d’élèves par classe) qui vient en premier et qui repousse la pédagogie au second plan, voire encore plus loin. Dans l’ensemble il n’y a aucune opposition déclarée des parents, simplement un désintérêt. Si l’appel venait à se concrétiser, il n’y aurait probablement aucune levée de bouclier venant de la part des parents.

Nous pressentions que l’appel pourrait provoquer un véritable débat de fond sur l’école parce que c’est une proposition concrète. Cela pourrait bien être le cas… s’il ne tombe pas dans l’oubli et se développe.

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[1] La moindre pétition pour empêcher la pêche dans les grands fonds obtient par exemple des dizaines de milliers de signatures !

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