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In Acteurs Publics – le 9 juillet 2014 :

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La disparition programmée des conseils généraux devrait remettre en selle les préfectures de département, selon la volonté exprimée par Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Interieur. Une orientation qui rompt avec la prééminence donnée jusqu’à présent au préfets en régions comme le rappelle ce troisième volet de notre dossier sur l’avenir des services déconcentrés.

 

Coincée entre un préfet à l’égalité des chances, un sous-préfet en charge de la politique de la ville et les chargés de mission du préfet, cette directrice départementale de la cohésion sociale – une direction interministérielle produit de la « Réate » – a le blues. « Parfois, je me demande à quoi je sers », dit-elle… Mais la suppression programmée des conseils généraux, dont les compétences dans le domaine social ne sont plus à démontrer, pourrait bien redistribuer les cartes au niveau local et redonner le sourire à cette directrice. « Les directions de la cohésion sociale ont une carte à jouer », estime un préfet, pour qui « plus que jamais, la crise, avec son lot d’exclusion, justifie que l’État soit présent ». Les communes et les régions ne pouvant plus compter sur le conseil général, l’État pourrait être une bouée de secours bien utile dans la sphère sociale. Une perspective qui n’a rien de théorique, alors que les signaux se multiplient en faveur du préfet de département, désormais vu par l’exécutif comme le futur échelon de référence en termes de proximité.

Le président de la République a d’ailleurs consacré un paragraphe à l’État dans sa tribune du 3 juin adressée à la presse régionale. « Le département en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l’État, autour des préfets et de l’administration déconcentrée », a-t-il énoncé, précisant les missions qui sont « attendues de lui » : « garantir le respect de la loi et protéger les citoyens en leur permettant d’avoir accès aux services publics où qu’ils se trouvent ».

Des propos qui appuient ceux du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, quand il parlait de « montée en gamme » des préfets de département. Ces voix concordantes vont à contresens de l’histoire récente. Depuis une dizaine d’années, c’est l’échelon régional qui a été privilégié, avec des pouvoirs accrus donnés aux préfets : autorité hiérarchique affirmée sur le préfet de département, prise en main des crédits budgétaires, autorité sur des grandes directions très puissantes comme les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal)…

À l’inverse, le tableau n’a cessé de s’assombrir pour le préfet de département. Même s’il est incontesté dans son rôle dans la gestion de crise et la sécurité – son domaine de prédilection, sur lequel il est jugé en priorité, du fait de son rattachement au ministère de l’Intérieur –, il n’empêche qu’« un préfet dans un département est bouffé par le protocole », lâche un haut fonctionnaire, quand un autre le compare à un « ambassadeur », et à un « interlocuteur des élus et des barons locaux, qu’il s’emploie à ne pas fâcher ». L’image du préfet comme incarnation de l’intérêt général n’est plus ce qu’elle était, au point d’ailleurs que Terra Nova, think tank proche de la gauche, est allé jusqu’à s’interroger sur l’utilité de cet « homme seul ». « Nombreux sont ceux qui reconnaissent en privé que la préfectorale n’a plus la même pertinence », est-il écrit dans l’un de ses rapports, daté de décembre 2013.

Renforts de moyens

Mais c’était bien avant que la réforme territoriale ne soit lancée. Dans ce nouveau contexte, avec la fin annoncée des départements, le fait que le gouvernement veuille remettre en avant les préfectures est plutôt une « idée ingénieuse », analyse l’universitaire Nicolas Kada. À moins que les préfets de département ne l’aient eux-mêmes soufflée à l’exécutif… Toujours est-il que « dans une France découpée en grandes régions, l’État peut jouer la carte de la proximité via une déconcentration départementale », argumente le chercheur, qui poursuit : « L’augmentation de la taille des régions renforce l’intérêt d’une présence forte des services de l’État au niveau départemental… et donc du préfet de département, le gouvernement ne pouvant raisonnablement concevoir de ne privilégier qu’une douzaine de superpréfets régionaux. »

Mais ce virage « pose question » aux yeux de Daniel Canepa, ex-préfet de la région Île-de-France. « Redonner des pouvoirs aux préfets nécessite que soient remis des moyens, y compris humains », estime-t-il. C’est notamment vrai des directions de la cohésion sociale, qui ont payé un lourd tribut en la matière. La Cour des comptes, dans son rapport de juillet 2013, indiquait d’ailleurs qu’elles « manquent des moyens requis pour exercer certaines de leurs attributions ».

Vouloir redonner du pouvoir aux préfets imposera de se poser la question des crédits nécessaires pour accomplir de nouvelles tâches. À moins que l’État ne rééquilibre son organisation en allant ponctionner les directions régionales « jeunesse-cohésion sociale » et ne fasse le choix de concentrer ainsi ses moyens sur l’échelon départemental.

Xavier Sidaner

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