PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Dans un entretien accordé au Café pédagogique, Yves Fournel, personnage clé des négociations sur les rythmes scolaires, président du Réseau des villes éducatrices et maire-adjoint de Lyon en charge de l’éducation, justifie la position des collectivités locales. Pour lui, la pause méridienne doit s’allonger à 2h30 et l’Etat doit payer les frais liés au développement du périscolaire. Le vrai gain de cette réforme lui semble être dans le travail en commun longtemps attendu entre les élus municipaux et les professeurs des écoles. D’après lui, V. Peillon aurait indiqué un temps de périscolaire de 2h30 pour les enseignants et non de 2 heures. Il annonce une démarche commune des élus communaux auprès du Premier ministre.

Sur les rythmes scolaires quelle est la position du Réseau des villes éducatrices ?

 C’est une question sur laquelle on travaille depuis 10 ans au sein du Réseau des villes éducatrices. On a pris de nombreux avis autorisés et nous avons participé à la Conférence nationale que Luc Chatel avait mise en place. Elle recommandait déjà d’alléger les journées d’école et de tenir compte des temps d’apprentissage favorables. On sait par exemple que les débuts d’après-midi ne sont pas favorables aux apprentissages scolaires. Il est temps maintenant d’en tenir compte. On sait aussi que les collectivités sont confrontées à une très forte pression sur la pause méridienne qui ne pose pas qu’une question quantitative mais aussi qualitative sur l’accueil des enfants et on doit améliorer l’accueil des enfants sur ce temps là. C’est ce qui nous guide sur la question de la journée scolaire.

En ce qui concerne la semaine, il y a une décision nationale de revenir à 9 demi-journées de classe par semaine qui fait consensus. Sur l’année, on est favorables à ce que toutes les petites vacances durent deux semaines pleines. Il y a un débat sur les vacances d’été mais le ministre a déclaré ne pas vouloir ouvrir cette discussion pour le moment, même si éventuellement il le fera plus tard.  On peut regretter que la réforme des rythmes ne concerne que le premier degré et que le collège et le lycée soient renvoyés à plus tard. Mais en tant que maires cette question  nous concerne moins directement que le primaire.

Qui doit prendre en charge cette réforme ?

C’est une réforme nationale décidée par l’Etat. C’est donc à l’Etat de l’assumer. Vincent Peillon a annoncé aux élus que sur le temps de service des enseignants il y aurait 2h30 par semaine de temps périscolaire sous réserve des négociations avec les syndicats enseignants. Ca nous est présenté comme la contribution de l’Etat à ce nouveau temps périscolaire. Donc les associations d’élus se sont rencontrées mardi 23 et elles vont faire une lettre commune au Premier ministre pour dire qu’on enregistre l’annonce de V Peillon mais que ça ne règle pas la question du financement pour les collectivités et qu’il faut poser la question de la mobilisation du Fonds national d’action sociale de la CNAF pour permettre le développement des accueils de loisir sur ce nouveau temps périscolaire.

C’est un triple enjeu : qualitatif car il faut faire évoluer les temps d’encadrement sur ce temps. Un enjeu d’organisation. Et un enjeu financier car ça ouvre la voie aux prestations de service ordinaires de la CNAF. Aujourd’hui c’est un droit de tirage : quand vous respectez les agréments vous avez droit aux prestations de service. Nous souhaitons que l’on aille au bout de la logique de la reconnaissance des projets éducatifs locaux (PEL) annoncée par François Hollande comme étant inscrits dans la loi d’orientation. Nos collectivités sont pilotes de ces PEL mais concrètement c’est la coopération de tous les acteurs, enseignants compris, qui permettra la réussite sur le terrain. Il va y avoir un tissage de relations et une construction de projets éducatifs qui est le véritable enjeu de la réforme.  J’ai envie de dire aux enseignants : on est prêts à vous accompagner en mobilisant les PEL. On ne conçoit pas que les enseignants  se retrouvent sur le temps péri scolaire avec des classes entières. Cela n’aurait pas de sens. On a intérêt à travailler ensemble dans le cadre des PEL.

On ne peut pas ignorer ce que disent les enseignants sur le fait qu’on leur demanderait tous les efforts en terme d’horaires. Il faut que le nouveau temps périscolaire tienne compte de ça. Mais avec le choix de la pause méridienne élargie jusqu’à 14h30, les enseignants pourront positionner les réunions qu’ils ont le soir à ce moment. Je crois savoir qu’il y a aussi des dispositifs d’Etat pour les fonctionnaires pour la prise en compte des frais de transports  et  la réservation de place en crèche. Peut-être n’est ce pas assez connu ? Nous ne voulons pas opposer les uns aux autres. Le vrai enjeu de la refondation c’est une nouvelle coopération éducative. Je refuse donc toute opposition avec les enseignants. La réforme doit pousser à la co-construction de projets éducatifs communs et à une bonne articulation entre le temps scolaire et périscolaire.

Pour une ville comme Lyon vous avez chiffré ce que coûtera la réforme ?

On a chiffré à 5 millions d’euros net sur une hypothèse de pause méridienne élargie avec une amélioration de l’accueil.

Le ministre se demandait s’il fallait une caisse de compensation (par l’Etat) ou de péréquation (entre communes) pour aider les communes les plus démunies à financer le périscolaire. Qu’en pensez-vous ?

On dit qu’il faut une péréquation verticale c’est à dire que l’aide doit aller de l’Etat en direction des collectivités qui ont le plus de difficultés et non les collectivités entre elles. Si on attend qu’une péréquation horizontale se mette en place ca va être long. Il faut des mesures spécifiques. On propose une majoration des prestations de la CAF pour les territoires de la politique de la Ville et les territoires ruraux. Aujourd’hui la prestation CAF est à 0,49€ par enfant et par heure d’encadrement, pourquoi pas ajouter 5 ou 10 centimes sur ces territoires ?

Qui paierait ?

L’Etat bien sur. Ce que les grandes villes peuvent faire c’est apporter leur ingénierie du projet éducatif pour aider les communes plus petites. Le Réseau des villes éducatrice organisera, avec la Ligue de l’enseignement, les Francas et l’Andev, 5 grandes rencontres régionales au printemps pour mutualiser des expériences.

Au niveau national cela représente quel coût ?

Si toutes les communes passaient d’un coup sur une année il faudrait 600 millions. Mais en fait ce sera étalé dans le temps. On peut estimer qu’on passera de 200 à 600 millions sur plusieurs années. C’est une somme mobilisable en faisant des choix sur l’évolution annuel du Fonds d’action sociale de la CNAF. Cette seule évolution représente annuellement environ 2,4 milliards. Donc 200 millions sur 2,4 milliards c’est possible s’il y a un choix affirmé de priorité politique.

Cet investissement n’est-il pas disproportionné par rapport aux gains pédagogiques que l’on peut en attendre ?

Il faut voir le gain de deux façons. Si la pause méridienne devient un vrai temps éducatif en rendant les enfants calmes à la reprise de l’après midi, si c’est l’occasion de réunir tous les acteurs autour d’une table dans une démarche de construction de projet commun , on a là une dynamique de transformation de l’Ecole qui va au delà de la question de la demi heure déplacée. On sait par contre ce qui n’est pas efficace pour la réussite scolaire. La coupure du mercredi n’est pas bonne. Elle intervient sur les cycles sommeil-veille des enfants. On sait que notre journée est trop longue. Un allègement de la journée entrainera une amélioration.

Mais il n’y a pas réellement de raccourcissement de la journée…

Il s’agit de temps scolaire. Si on travaille sur le qualitatif de cette pause de 2h30 au milieu de la journée, si les enfants la passent tranquille, oui on change les choses.

Mais comment dans les locaux actuels avoir ce temps de calme ?

Si on augmente le taux d’encadrement on y arrive. On investit aussi beaucoup dans les restaurants scolaires. Certes il y aura des difficultés . Ce sera progressif. Mais on va améliorer ce temps de façon importante. Mais au final tout dépendra des acteurs. Aucune réforme ne se gagne sur le papier. Les PEL vont dépendre de l’engagement des enseignants, des parents, des acteurs municipaux, des associations. Il y a là une occasion de construire ensemble des solutions. Sans cette vision dynamique on ne changera rien.

Pour les enseignants pour le moment la réforme se traduit par une hausse des charges sans compensation et cela leur apparait inacceptable. Qu’en pensez-vous ?

Il faut ouvrir le débat avec les enseignants sur le fait qu’on est prêt à les aider pour qu’ils ne se retrouvent pas en classe entière ce qui serait aberrant. Les enseignants ne vont pas sortir plus tard. Ils avaient 24 heures de temps scolaire plus 2 heures d’aide personnalisée qu’ils devaient caser n’importe où. Il sortaient à 16h30. Là ils vont avoir 23 heures de temps scolaire plus deux heures et demi ou deux heures d’intervention sur le temps périscolaire dans la même amplitude horaire sauf le mercredi matin effectivement.  Ils peuvent avoir des demandes légitimes de discussion avec leur ministère. Je ne me prononce pas là dessus. Nous on est prêts à les aider.

Propos recueillis par François Jarraud

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